Annette MESSAGER « Laisser aller »
Détail "En même temps 2", 2021 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
Du 8 mars au11 mai 2024
« On redevient enfant quand on dessine ».
- Annette Messager
La Galerie Marian Goodman a le plaisir de présenter une nouvelle exposition d’Annette Messager. A la galerie parisienne où elle a exposé pour la première fois en 2000, l’artiste propose une traversée dans sa nouvelle production, emblématique de l’œuvre polysémique et foisonnante qu’elle déploie depuis le début des années 1970.
Pour Annette Messager « le ludique permet de dire le vrai », et Laisser aller pourrait s’apparenter à un jeu de piste, où les dessins, les assemblages, les mots ou le son qui composent ses œuvres seraient autant d’indices permettant de se plonger dans son univers. Inspirée de son quotidien et du hasard des choses vécues, vues, lues ou entendues, l’œuvre d’Annette Messager nous parle avec espièglerie de l’enfance, de l’amour et de la mort.
"Laissons Aller", 2022-2023 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
Depuis une dizaine d’années, le dessin a pris une place prépondérante dans le travail de l’artiste, lui permettant une expression libre, immédiate et poétique. « Mes dessins sont des haïkus visuels » affirme-t-elle. Ainsi de nombreux dessins essaiment l’exposition, s’immisçant dans la plupart des œuvres, et notamment dans une installation de plus de 7 mètres de long En même temps 2 (2021) qui occupe le mur principal du rez-de-chaussée.
"En même temps 2", 2021 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
L’artiste décrit la pièce comme « une conversation entre de petites effigies très hiératiques, très droites, de petites sculptures noires, qui nous figurent, nous les humains. Elles semblent nous observer tandis que de grands dessins étroits et allongés, très organiques, jouent avec des représentations de nos corps, nos organes, nos fantasmes, s’infiltrent et circulent, semblant perturber la dignité de ces petites effigies, en même temps. »
Les dessins verticaux à l’acrylique rouge, noir et bleu, décrivent chacun une chute vertigineuse, incluant des motifs représentatifs du repertoire de l’artiste tels que des mains, des crânes avec des bras et des jambes, des figures spectrales, une fillette-squellette en tutu, une paire de ciseaux, des chaussures, ou bien, plus rares, comme une marelle ou l’organe du cœur.
"La flanerie de l'Escargot", 2022 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
Le dessin s’immisce également dans la grande installation Laissons aller (2023), montrée ici pour la première fois. Un couple enlacé dans une volute de fumée surplombe de petites sculptures d’étreintes amoureuses recouvertes d’aluminium noir, matériau que partage Promenade de l'escargot (2019), La Flânerie de l'escargot (2022) ou Encore Avec l'oiseau (2022).
"Promenade de l'Escargot", 2019 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
« Le dessin est pour moi une sorte de vagabondage » explique Annette Messager qui n’hésite pas à puiser son inspiration dans la culture populaire. Avec l’œuvre Iconic (2023) elle propose une composition de dessins réalisés à partir de photographies iconiques de personnalités du XXe siècle comme Charlie Chaplin, Albert Einstein ou Marilyn Monroe.
Ces portraits, tous inscrits dans notre mémoire collective – celui du Che Guevara avec son béret étoilé a été popularisé par Andy Warhol– sont pris dans les filets de l’artiste, reminiscence de la fascination que ces derniers exercaient sur elle lors de son enfance passée à Berck-sur-Mer. Les filets de pêche noirs qu’elle transfigure depuis les années 1990, enferment et protègent, et ces légendes sont ici figées pour l’éternité.
"Iconic", 2022 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
« Le dessin est un jeu » ajoute Messager, qui s’amuse à fusionner les images, les mots et les symboles. Ainsi, dans Hésitation (2023) la croix, jadis instrument de torture et de mort, devenue symbole de la vie eternelle, se mue en silhouette humaine.
Un corps fragmenté (une main, un œil, une bouche) s’entremêle à des mots (hésitation, oubli, ruse, menace, comédie) recopiés inlassablement. L’écriture manuscrite d’un même mot, comme une incantation silencieuse ou une formule magique, trace les formes du dessin.
"Tête à tête", 2019-2020 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
« Mes dessins me semblent toujours des apparitions fantomatiques, avec seulement une feuille de papier, le vide, l’encre, l’eau…et le hasard… » confie Annette Messager qui transforme le niveau inférieur de la galerie en catacombes colorées et grotesques avec l’installation monumentale Tête à Tête (2019-2020) où crânes et squelettes passent de la joie à la mélancolie, du rire aux larmes.
Une collection de soixante-dix-sept allégories de la fugacité de l’existence, réalisées dans l’instant, sans repentir. Ces vanités sont plus proches des représentations de calaveras mexicaines que de natures mortes ; elles s’animent, sourient ou grimacent, se déguisent en planète, en clown, en papillon, ou encore en fantôme.
Parfois deux vanités se partagent la même feuille de papier, et en tête-à-tête se tiennent la main, se parlent. Quelques mots reviennent : « moi toi » et « à mon intime », rappelant que cet exercice de style a été réalisée par Messager pour conjurer sa propre vulnérabilité.
"Le Dé de la Passion", 2022 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
Sur le mur voisin, le motif de la croix se dessine avec Un coup de dé (2022) et Le dé de la passion (2022), une paire de dés dépliés et exposés comme des écorchés. Le dé, symbole du hasard et de l’aléatoire par excellence, évoque aussi ici les soldats jouant aux dés la tunique du Christ d’après l’évangile de Jean. L’un exhibe un corps squelettique avec des mains démésurées et des jambes miniscules tandis que l’autre arbore des instruments de la passion du Christ tels que le marteau ou l’échelle et non sans humour, le couteau suisse et la scie.
Une composition de dessins et de petites installations telles que Ghost (2017), Laissons aller (les amoureux 2)(2022), ou encore Tuer le père (2022) complètent la présentation tandis que l’espace voûté abrite Le désir attrapé par le masque (2021) et l’œuvre sonore Comme si (2022). Avec un titre en clin d’œil à la pièce de théâtre surréaliste de Pablo Picasso Le désir attrapé par la queue, un couple de palmipèdes naturalisés et cagoulés de têtes de peluche est juché sur un miroir suspendu et éclairé par une ampoule virevoltante. Enfin la voix de l'artiste s’adresse aux visiteurs, une locution désignant notre propension aux faux-semblants. Les mots chuchotés et susurrés en boucle comme une litanie, à l’instar de ceux qu’elle recopie sur papier, perdent ainsi toute signification.
"Tuer le Père", 2022 de Annette MESSAGER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Marian GOODMAN - Paris © Photo Éric Simon
Née à Berk-sur-Mer en 1943, Annette Messager vit et travaille en banlieue près de Paris. Elle est lauréate du Praemium Imperiale dans la catégorie sculpture pour l’ensemble de sa carrière (2016) et a représenté la France à la 51e Biennale de Venise, où elle a obtenu le Lion d'Or (2005). Une grande exposition personnelle, incluant une large sélection d’œuvres réalisées des années 1980 à nos jours, ouvrira à la Power Station of Art (PSA) à Shanghai en juillet 2024.
Depuis sa première exposition personnelle en 1973, Annette Messager a exposé dans le monde entier, ces dernières années des expositions importantes ont eu lieu au musée ARoS à Arhus au Danemark (2023), au LaM – Musée d’art moderne et contemporain de Lille Métropole (2022), au Tel Aviv Museum of Art (2022), au Centre Pompidou Metz (2021), à l’Institut Giacometti à Paris (2018), à l’Institut Valencià Art Modern (IVAM) à Valence en Espagne (2018), à la Villa Medicis à Rome (2017), au Musée des Beaux-Arts et à la Cité de la Dentelle et de la Mode à Calais (2015-2016), au Museum of Contemporary Art (MCA) à Sydney (2014), au K21 à Düsseldorf (2014), au Museo de Arte Contemporáneo de Monterrey (MARCO)(2011), à la Hayward Gallery à Londres (2009), au Museum of Modern Art (EMMA) à Espoo (2008), au National Museum of Contemporary Art à Séoul (2008), au Mori Art Museum à Tokyo (2008), au Musée national d’art moderne - Centre Pompidou à Paris (2007).
Galerie Marian GOODMAN
79 rue du Temple
75003 Paris
Horaires et jours d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h, en juillet du lundi au vendredi de 11h à 19h.
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