Du 29 Novembre 2014 au 17 Janvier 2015
SORTILEGES
Les peintures d'Edgardo Navarro nous invitent à de drôles de déplacement dans une histoire de l'art en écho à la grande histoire. Est-ce parce que le monde contemporain avec ses transferts de données et d'argent électronique ne se laisse pas aisément représenter, ou simplement que les histoires de transfuges et d'espions dans l'Europe d'avant-guerre ou dans le monde de la guerre froide, offrent à l'imaginaire une nourriture plus substantielle, que cet artiste construit son oeuvre comme une matière à contes....
"Angle Mystique IV et I", 2014 de Edgardo Navarro Courtesy Michel Rein © Photo Éric Simon
Dans ce conte ouvert, que chaque tableau viendrait enrichir d'un nouvel épisode ou d'une nou- velle bifurcation, on croit identifier savants ou magnats échappés d'un studio de Babelsberg ou de Billancourt pour s'allier à des dictateurs sud-américains ou des maîtres du monde abrités derrière des lunettes de soleil.
Au milieu de ce théâtre, la figure en creux ou en caméra subjective ,d'un héros nourri de Tintin et de Burroughs qui s'efforce de percer le secret, dut-il pour cela croquer dans un champignon et voir son image disparaître au fond d'un miroir, ou bien assister fasciné aux sortilèges qui frappent de bien curieux personnage.
"Feedback", 2014 de Edgardo Navarro Courtesy Michel Rein © Photo Éric Simon
La précision dans le rendu de détails architecturaux ou vestimentaires renforce le caractère merveilleux de ce basculement d'un réel indatable vers une destination inconnue.
"Cycle I", 2014 de Edgardo Navarro Courtesy Michel Rein © Photo Éric Simon
En prenant les choses autrement, on pourrait dire que Navarro trace un parcours pas très rectiligne entre Neue Sachlichkeit et peinture métaphysique et plus généralement à travers ces courants picturaux longtemps occultés par la puissance de feu du moder-rnisme.
Mais ces peintures témoignent aussi d'une fascination pour les tableaux à l’énigme de la Renais- sance (quand les ambassadeurs portaient eux aussi des manteaux de four- rure), tout en rendant compte d'une réalité plate aux tonalités ocre, brune et noire sur lequel il balade son projecteur poursuite; à moins que ces cercles de lumière ne soient un rappel des séances de lanterne magi- que.
Saturne, celle des télescopes électroniques, se détache sur un ciel noir et éclaire un tas de pavés déposé sur le sol de l'appartement.
"Angle Mystique III", 2014 de Edgardo Navarro Courtesy Michel Rein © Photo Éric Simon
Est-ce l'irruption d'une rumeur de la rue ou un monument improvisé aux révolutions per- dues ? Le store aux lamelles mal alignées, en apparence superflu, est en fait l'accessoire indispensable pour ancrer dans la banalité cette moderne Mélancolie. Derrière cette fan- taisie faite de récits emboités, se lit aussi le parcours artistique d'un centraméricain passé par l'enseignement de Leipzig et peut-être est-ce même ce parcours qui constitue en grande partie la matière de l'oeu- vre.
Cet artiste très réel est aussi le témoin des fictions qu'il invente et auxquelles il appartient en partie.
Patrick Javault, novembre 2014
"Angle Mystique V", 2014 de Edgardo Navarro Courtesy Michel Rein © Photo Éric Simon
Edgardo Navarro (né au Mexique, 1977) vit et travaille à Paris. Diplômé (DNSAP avec félicitations du jury) de la Villa Arson, Nice et de l’école des Beaux-Arts de Leipzig où il a suivi les cours de Neo Rauch.
MICHEL REIN, PARIS
42 rue de Turenne
F-75003 Paris
http://michelrein.com/
Horaires d'ouverture: de mardi au samedi de 11h00 à 19h00.