Du 4 decembre 2014 au 31 janvier 2015
Commissaire Léa Bismuth
Cette exposition s’est d’abord imposée par son titre, comme une musique à composer : La Légende des origines. Une histoire à écrire, à inventer, à fantasmer par fragments et zones blanches. A travers des pays et des mondes. Grâce à des gestes, des danses, des lignes tracées, des signaux, des langages, des mélodies et des brumes.
Et, Marguerite Duras restera en filigrane — ses Mains négatives, le texte puis le film du même nom ; poème à la gloire du premier homme ayant porté ses mains sur les parois des grottes, pour souffler ses couleurs et laisser une trace.
Puis, cet homme dont elle parle, dans sa solitude de granit, est aussi celui qui regarde le monde, qui sait désormais qu’il a créé un sillage, seul capable d’avancer vers la mer, vers l’inconnu dans sa vastitude. Sa solitude primordiale est ce qui le pousse à s’exprimer, à crier parce qu’il ne peut pas faire autrement.
Et la rationalisation de ce cri permettra le langage. Mais, restons encore dans cet état originel, dans cette solitude qui devient un appel à l’amour, à travers les milliers d’années, en une communication sourde entre les éléments.
"Sound in the glass", 2014 de Atsunobu Kohira Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Ici, nous serons témoins de la survenue d’un geste et d’une langue primordiales, comme les deux modalités d’un même rapport au monde qui se donne sans se donner. Et les artistes de l’exposition qu’ils utilisent le son, la voix, le graphite, le souffle, le verre, l’image filmée, la photographie ou l’installation saisissent des bribes d’immensité, des paysages d’une nature lointaine et sauvage, brumeuse ou sismique, au Chili, en Thaïlande ou au Kirghizstan, à moins qu’ils ne se contentent de suggérer une vie intérieure et secrète.
Léa Bismuth
"Sans titre", 2013 de Pia Rondé & Fabien Saleil Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Mathieu Bonardet est né en 1989, vit et travaille à Paris.
Derrière la rigueur formelle, il y a le travail d’un corps patient qui empreint son support. Cette implication physique frénétique du corps produit pourtant des formes simples, minimales. Si cette mécanique emballée du corps ne déborde pas le support, c’est qu’avant le moment de sa production, la pièce préexiste sous la forme d’une photographie mentale, qui contraint et resserre le dessin à venir. La frénésie du geste produit un dessin contenu, bridé par une pensée de l’espace qui lui assigne des limites.
Quant aux traits, ils se font traces et chaque marque déposée par le crayon devient résidu de l’action : ces dessins conservent le geste et son absurde répétition.
Dans l’interférence et la confusion de ces gestes qui sont autant d’expériences de l’instant, une terre initiale se révèle : cette évocation du paysage transparaît dans la représentation de ses forces et non dans l’apparence de la nature. La notion de paysage est réduite à un rapport entre l’homme et l’espace.
"Interstice II", 2014 de Mathieu Bonardet Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Clio Simon est née en 1984, vit et travaille à Lille.
Au confluent du cinéma documentaire et expérimental, les films de Clio Simon nous conduisent en un ensemble résolument hybride. Elle travaille cette matière qu’est le réel à la recherche d’une énergie politique, sans négliger les nécessaires échappées vers fictions et imaginaires. Majoritairement ancrée dans l’image mouvante, Clio Simon investit de manière complémentaire et transversale une diversité de disciplines. En 2010, « Valores » est une installation vidéo satirique in-situ réalisée dans le cadre d’une résidence artistique de six mois au Chili. En 2011 elle présente « VALORES//De Valparaiso à Paris » dans le cadre de l’exposition internationale Jeune Création au CentQuatre. Par la suite elle rencontre le Collectif de cinéastes 100Jours qui l’invite à se joindre à eux pour mener le projet 100jours/100nuits.
Aujourd’hui, Elle poursuit la réalisation de ses projets filmiques au Studio national des Arts Contemporains du Fresnoy, où elle vient de réaliser « Camanchaca, là où les corps crient » sélectionné en compétition internationale au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal (Oct 2014).
"Le bruissement de la parole", 2013 de Clio Simon Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Stéphanie Lagarde est née en 1982, vit et travaille à Paris.
La pratique de Stéphanie Lagarde se concentre sur les notions de déplacement, d’échappée. Elle implique des processus variés de transformation et/ou de manipulation des signes, des mots, des images. Des assemblages qui donnent naissance à une composition sonore à partir de langues sifflées, des poèmes à partir de noms de fleurs, une fugue musicale à partir de peignes en corne, une chorégraphie de mains à partir d’une technique photographique, des sculptures à partir de photographies de sculptures elles-mêmes tirées de peintures de Pietàs... Il s’agit de créer des formes paradoxales, des projets dépendants souvent de vocabulaires spécifiques tout en s’affranchissant de leurs règles. Entre ciel, terre et mer, dans un sentiment très fort de territoire à arpenter, où s’ancrer, les actions de résister au temps, de tenir debout, de grandir, de s’élever face à la disparition sont primordiales dans son travail.
Contrôle et liberté vont de pair afin de [...] construire ses propres règles. Stéphanie Lagarde est constamment dans cet équilibre fragile et cette démarche viscérale impliquant un rapport physique ultime et un effort inévitable face aux matériaux [...] Cette équation entre les médiums est fondamentale, entre apparition et disparition de l’un contre l’autre. Profondément baroque, il s’agit d’ «un monde où tous les contraires seraient harmonieusement possibles.*»
*Citation de Philippe Beaussant, expert en musique baroque.
Extrait du texte L’échappée sauvage écrit par Marianne Derrien pour Portraits-la Galerie.
Vidéo "Les hautes lumières", 2013 de Stéphanie Lagarde Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Jennifer Douzenel est née en 1984, vit et travaille à Paris.
Dans son espace Primo Piano, Emilia Stocchi montre cet hiver les vidéos de Jennifer Douzenel, diplômée de l’école des beaux-arts en 2009. Avec ce lieu indépendant qu’elle a créé il y a quelques années, elle mène un remarquable travail de découverte et de soutien à de jeunes artistes.
La salle du rez-de-chaussée est cette fois plongée dans le noir. Un hommage à Michel Verjux sous la forme d’un plan fixe sur un spot de lumière avec des particules de poussière qui flottent dans l’air ; un oiseau vivant jouant dans le sable avec un oiseau mort ; des chauves-souris qui traversent un écran ; des fils noirs qui se balancent, évoquant des caténaires au dessus des rails de chemin de fer, mais qui sont en fait des cordages de cerfs-volants ; un « ciel vivant » dessiné par des lucioles en Malaisie.
Les vidéos de Jennifer Douzenel sont à la fois intrigantes et limpides. Elle tourne des plans fixes dont elle extrait quelques minutes les plus denses et rapproche ses gestes de la position d’un peintre. La question du cadre est chez elle essentielle. Ses oeuvres sont des « fragments de réel » qui se poursuivent toujours bien au-delà du champ de la caméra.
Ce sont des boucles, mais avec un début et une fin qui se fondent l’un dans l’autre pour montrer qu’il n’y a pas de trucage. Le dispositif de projection est très important minuscule moniteur dans une bibliothèque pour les chauves-souris, ou grande vidéoprojection (rare dans son travail) pour les lucioles malaises. La BF15 de Lyon lui consacrera une exposition en janvier prochain ; ce sera l’occasion de découvrir d’autres micro-récits élevés au rand d’événements poétiques.
Vidéo "SongKol", 2014 de Jennifer Douzenel Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Pia Rondé est née en 1986, vit et travaille à Paris.
“La rencontre des deux artistes Pia Rondé et Fabien Saleil, au croisement de la gravure et de la photographie, se réalise dans la création d’un paysage commun. Leurs oeuvres prennent vie suivant un enchainement de créations successives qui dérivent les unes des autres, par l’articulation renouvelée entre plusieurs techniques, supports et médiums. Un même sujet, sculpté gravé ou photographié peut prendre différentes formes suivant le médium avec lequel les artistes choisissent de filtrer leur regard. Jusqu’au moment où les filtres se superposent, en brouillant notre perception de la technique, jusqu’à la faire disparaître, laissant la place à la densité sensible de l’oeuvre. “
Valeria Cetraro
"Météore, sténopé", 2014 de Pia Rondé & Fabien Saleil Courtesy Galerie Maubert © Photo Éric Simon
Galerie Maubert
20 rue Saint-Gilles
75003 Paris
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Heures d'ouverture: du mardi au samedi de 13h00 à 19h00.