Du 21 mai au 26 juin 2015
Pour la première exposition d’Aharon Gluska dans notre galerie parisienne, nous présentons deux séries rassemblées sous le titre Between the Lines.
Car lire entre les lignes, il en est toujours question chez cet artiste israélien confirmé, qui vit aujourd’hui à NYC. Dans la série Imagined Landscapes (2004 - 2014), d’impressionnants paysa- ges rêvés s’offrent à nous; leur rendu quasi photographique est troublant, quand on sait qu’ils ont été exclusivement réalisés en matières (pigments, acrylique, aquarelle sur papier). Sur les gran- des toiles de Between the Lines (2014-2015), ce sont plus de 50 couches de peinture qui se révè- lent au gré des sillons et des empreintes de lignes parallèles. Faussement figurative ou complè- tement abstraite, en noir et blanc ou dans une accumulation de couleurs, les deux séries dévoi- lent de formidables recherches sur la mémoire et la nostalgie.
Vue de l'exposition "Between the lines", 2015 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew
Pour la série Imagined Landscapes, Aharon Gluska s’est consacré pendant une dizaine d’année à la réalisation de paysages vierges. La précision des traits et le rendu noir et blanc pourraient d’abord laisser penser qu’il s’agit de photographies; pourtant à y regarder de plus près, les val- lées n’ont pas une pente naturelle, les différents éléments ne pourraient pas cohabiter ensemble; et il y a cette matière, cette texture, qui vient troubler l’oeil au moment ou l’on s’approche...
Sa fascination pour le chaos organisé des éléments naturels a débuté quand, jeune adulte effectuant son service militaire, il marchait des jours durant dans les montagnes désertiques d’Israël. Et avec elle, l’envie de reproduire, non pas la nature elle même, mais le processus créatif de constitution des éléments naturels (reliefs, matières, etc.)
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
Il y a dix ans, ce désir revient comme une obsession. Il décide d’imiter la nature en tra- vaillant sur l’eau, la terre et le vent. Mettant au point un savant mélange dans de grands bains, l’eau devient le liant de son travail. La terre, ce sont les pigments qu’il ajoute et qui donneront la matière. Quand au vent, il est matérialisé par le geste - le souffle, di- rons nous - de l’artiste, qui compose ses oeuvres en immergeant un papier dans ses bains de pigments, lentement ou rapidement, avec des torsions, des plongées, des mou- vements maitrisés. Alors, un quatrième élément intervient: le mystère de la création.
C’est d’ailleurs ce qui fascine chez l’artiste : la tension constante entre la maîtrise des techniques qu’il crée et la place laissée au hasard, qu’il n’hésite pas à qualifier de magie. La contemplation de ses paysages fascinants résonne comme une invita- tion à un retour à la pureté des origines, préservée de la folie des hommes.
""Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
"Imagined landscapes", 2004-2014 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew
Une série de grandes peintures, chacune composée d’un ensemble unique de couleurs, nous invite à plonger loin dans le passé, loin dans nos origines et dans nos âmes. Plus nous regar- dons ces tableaux, plus nous comprenons que les touches de couleurs elle-même ont une his- toire. Certaines ont été posées au départ et se révèlent uniquement lorsque les plus récentes sont grattées.
Ainsi, chaque tableau résulte de l’accumulation de 50 ou 60 couches de couleurs étalées par de larges racloirs et grattées à la truelle. Les différentes balafres, issus de gestes à la fois réfléchis et spontanés, emmènent le spectateur dans un autre temps. Il ne s’agit pas ici du temps au sens narratif, au sens d’un passé émotionnel complexe et opaque, s’il n’était ordonné par la présence des lignes parallèles.
"Between the lines", 2015 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew
"Between the lines", 2015 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew
Détail "Between the lines", 2015 de Aharon Gluska - Courtesy Galerie Lazarew © Photo Éric Simon
Ces lignes, placées à quelques centimètres les unes des autres, emplissent la toile de gauche à droite et de haut en bas et donnent à ces peintures une régulation, un peu comme sur le cahier d’un écolier. L’artiste a soigneusement placé des cordes sur du bois contreplaqué, contre lequel il a fixé la toile, afin qu’elles contrecarrent sa planéïté naturelle et qu’elles divisent l’espace en autant de bandes barallèles de taille égale. Quand le racloir dépose d’épaisses couches de peinture, ces cordes l’empêchent de recouvrir uniformémment la toile et prennent leur propre couleur, laissant transparaitre les couches les plus anciennes.
Ces lignes sont là pour aider le spectateur à explorer la complexité de son passé. Elles per- mettent d’engager une connexion avec le tableau, sa riche palette de couleurs faisant écho à nos émotions enfouies, à la fois floues et profondément consituantes de notre identité présente. Comme par magie, plus on passe de temps devant ces peintures, plus on a l’impression de n’avoir pas d’âge, ou plutôt d’être beaucoup plus vieux que notre âge, plus vieux même que la mémoire collective... d’avoir l’âge de la création. Gluska, maitre des couleurs indéfinissables et des formes indéterminées, nous donne l’occasion de lire notre propre histoire entre les lignes. Pas notre histoire narrative, pas la liste des anecdotes usées que l’on raconte en boucle, mais l’histoire profonde, mouvante, de nos émotions les plus enfouies.
Galerie Lazarew Paris
14, rue du Perche
75003 Paris
www.galerie-lazarew.fr
Horaires d’ouverture : du Mardi au Samedi : de 14h à 19h.