"Autoportrait a l'Icarette", 1925 de Germaine Krull
Du 02 Juin au 27 Septembre 2015
Germaine Krull (1897-1985) est une des photographes les plus connues de l’histoire de la photographie, pour sa participation aux avant-gardes des années 1920-1940, et l’une des femmes-photographes les plus célèbres. La publication de son portfolio Métal en 1928, sa présence à l’exposition « Film und Foto » en 1929 sont les événements le plus souvent rappelés, qui l’inscrivent de fait comme l’une des égéries de la « modernité » photographique.
Et pourtant l’œuvre de Krull est l’une des moins étudiées, à la différence de celle de Man Ray, Moholy-Nagy ou Kertész. Cela tient à une carrière courte et chaotique – une vingtaine d’années actives en France, avec un climax d’à peine cinq ans, puis les quarante dernières années en Asie, où les liens avec le milieu photographique sont presque rompus –, et aussi à la dispersion de ses tirages, comme à l’absence d’un fonds d’archives complet et bien identifié. Peu d’expositions ont eu lieu : les deux premières, succinctes, en 1977 (Rheinisches Landesmuseum, Bonn) et 1988 (par Christian Bouqueret, musée Réattu, Arles), et la rétrospective de 1999, montée à partir de ses archives déposées au Folkwang Museum d’Essen (présentée à Munich, San Francisco, Rotterdam, Paris) dont le catalogue développe la biographie autour des notions d’« avant-garde » et de « modernité ».
"Assia, de profil", 1930 de Germaine Krull
"Nu féminin", 1928 de Germaine Krull
Il s’agit aujourd’hui de rendre compte de l’œuvre éclatée d’une femme-photographe politique- ment ancrée à gauche, énergique, engagée, voyageuse, dont l’engagement photographique est à l’opposé d’une revendication esthétique, artistique ou interprétative du type Bauhaus ou surréalisme. Selon ses propres termes, « le vrai photographe, c’est le témoin de tous les jours, c’est le reporter » (ce propos ouvre paradoxalement son livre Études de nu, en 1930).
"Architecture ancienne: imprimerie de l'horloge", 1928 de Germaine Krull
"Au coin de la rue, Paris", 1929 de Germaine Krull
Il est essentiel de montrer que Germaine Krull travaille constamment en vue de la publication de ses photographies : on sait l’importance du magazine VU lancé en 1928, auquel elle participe dès le début (280 photographies reproduites dans VU), et qui lui permet d’élaborer, avec Kertész et Lotar, cette forme du « reportage » qui lui convient tellement. Mais afin de vivre de ses photographies, elle participe à de nombreuses autres publications, comme les magazines Jazz (76 photographies sur 17 numéros), Variétés, Paris-Magazine, Art et Médecine, Voilà, L’Art vivant, La France à table, etc.
"André Malraux", 1930 de Germaine Krull
"Autoportrait, Paris", 1927 de Germaine Krull
'Jean Cocteau", 1929 de Germaine Krull
Et surtout, fait notoire, elle innove par la publication de livres photographiques ou portfolios dont elle est l’unique auteur : Métal (1928) 100 x Paris (1929), Études de nu (1930), Le Valois (1930), La Route Paris-Biarritz (1931), Marseille (1935), ainsi que le premier photo-roman avec Simenon, La Folle d’Itteville (1931) : ces publications à elles seules regroupent près de 500 photos. Ses images illustrent d’autre part de nombreux autres livres, notamment sur Paris (Paris, 1928 ; Visages de Paris, 1930 ; Paris under 4 Arstider, 1930 ; La Route de Paris Méditerranée, 1931).
"Etalage: les mannequins", 1928 de Germaine Krull
"Rue Auber à Paris", 1928 de Germaine Krull
"Mannequins dans une virine", 1930 de Germaine Krull
"Etude pour la folle d'Itteville", 1931 de Germaine Krull
L’œuvre de Krull est donc profondément liée à l’apparition de formes innovantes du reportage et de l’illustration photographique autour de 1930 ; ce qui n’exclut pas de participer avec les mê- mes images à des expositions où la photographie est reconnue comme une activité artistique autonome.
L’exposition « Germaine Krull » propose une nouvelle lecture de son œuvre en rééquilibrant une vision artistique intégrée à l’avant-garde et une fonction médiatique et illustrative (de laquelle se nourrissent aussi les mouvements modernes comme le surréalisme ou le construc- tivisme). Le parcours proposé par l’exposition concernera principalement la période de pleine activité photo- graphique 1926-1933, en évoquant aussi son travail au service de la France Libre, jusqu’en 1945 et la période ultérieure, lorsqu’elle vit en Asie.
"Germaine Krull dans sa voiture, Monte Carlo", 1937 de Germaine Krull
"Pol Rab (illustrateur), 1930 de Germaine Krull
"Portrait de Germaine Krull, Berlin", 1922 de Germaine Krull
L’exposition sera constituée d’environ 130 tirages d’époque, et de nombreux extraits de livres et magazines rendant compte des intentions et des imaginaires de la photographe.
La présentation chronologique s’articulera autour des thèmes propres à Germaine Krull, qui sont aussi symptomatiques de son rôle moderniste :
- l’architecture métallique,
- le nu féminin,
- les vues urbaines et le trafic automobile, notamment à Paris et Marseille, qui exploitent les principes de déconstruction de l’espace de la Nouvelle Vision,
- les « documents de la vie sociale » : les clochards, la zone, les halles, les bals, les métiers, etc.,
- la femme et la condition féminine (ouvrières de Paris, nombreux portraits),
- la route, l’un des ses thèmes récurrents de reportage (avec certaines photographies prises depuis la fenêtre du véhicule),
"Usine électrique d'Issy les Moulineaux", 1928 de Germaine Krull
Série Métal "Pont roulant, Rotterdam", 1926 de Germaine Krull
"Les hallesde nuit", 1920 de Germaine Krull
"Marseille, juin 1930" de Germaine Krull
"Etude publicitaire pour Paul Poiret", 1926 de Germaine Krull
Métal "Couverture du portfolio d'heliogravure", 1928 de Germaine Krull
Cette présentation permettra d’apprécier la continuité et les constantes du travail de Germaine Krull, son rôle dans l’épanouissement des formes photographiques, tout en mettant en valeur ses innovations esthétiques et l’indépendance de ses conceptions photographiques, dans un esprit d’émancipation et avec une volonté de partage immédiat par les publications.
Commissaire : Michel Frizot, historien de la photographie
JEU DE PAUME
1 place de la Concorde
75008 Paris
http://www.jeudepaume.org
Ouvert du mardi au dimanche // Le mardi de 11h-21h et du mercredi au dimanche de 11h-19h