"Sans titre", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
Du 9 janvier au 3 mars 2016
Il y a bien un « reste » après l’exposition For Rest (1) de David Lefebvre au Centre d’art Le Vog. Il s’en était expliqué : « Au départ je voulais appeler l’exposition « Forais », car le verbe « forer » peut renvoyer à mes images peintes dans lesquelles il y a des espaces vides, des trous, même s’ils apparaissent toujours rebouchés. Il y avait aussi l’idée de faire une exposition sur la forêt (…). Mais titrer « forais » je ne trouvais pas ça très joli. Je me suis donc pris au jeu de l’intitulé en anglais et ça a donné « For Rest » (…) dans lequel il y a aussi « le reste » et en latin « res » c’est « la chose », donc peut-être est-ce le reste de la chose.
"Série Montagne I et VI", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
"Montagne", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
"Montagne XII", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
L’intérêt c’est que lorsque l’on déroule le fil de départ (…) il y a une multitude d’images qui apparaissent. C’est un mécanisme assez général dans mon travail. Ça peut paraître réfléchi, pourtant c’est toujours un étonnement pour moi. (2) » La suite du reste est présentée ici. Elle est constituée par un ensemble de paysages que l’on peut qualifier de « troublants » car l’artiste les a imaginé. Les courbes et les replis de terrain rappellent dans un esprit « cézannien » la surface et les contours du corps (on pourrait citer la montagne Sainte-Victoire que Freud interprète comme figure du maternel).
Courbes et béances dont le caractère anatomique n’est pas sans rappeler aussi les paysages de Ferdinand Hodler (connu autant pour ses paysages que pour ses figures) ou encore les paysages « épidermiques » de Georgia 0’Keefe. Il s’y ajoute un traitement diffracté de la lumière qui vient renforcer leur caractère informel.
"Montagne III", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
"Ah! Mais oui, Cocotier", 2014 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
David Lefebvre assume la dé-réalisation de certaines zones du tableau en tant que peinture du manque. Le mécanisme cité plus haut se poursuit : Les formes figuratives d’origine sont cryptées puis greffées elles forment un trou noir ouvrant une zone d’abstraction équivalente à la perte de pixels d’un fragment de l’image initiale. Ainsi se forme une tache dont les bords sont soit flous (Forer ou le Trou) soit réguliers (La tache, l’attache, la tâche).
Elle peut prendre divers aspects comme le tracé noir du chemin qui monte dans les dunes de la Grève II ou cette déchirure blanche et nette d’une image séparée en deux parties dans la Montagne VII. L’artiste précise : « On en revient à ce qu’il reste, à l’effort nécessaire pour retrouver l’image. Ce jeu a finalement amené une figure géométrique et plate (…) qui ne cache plus rien. (…)
Les camaïeux et les aplats renvoient à quelque chose de l’ordre de l’invisible. (…) Je laisse faire l’intuition esthétique qui amène forcément de l’inconscient et injecte de l’affect dans les images.(3) »
(1) "For Rest" (16.05 – 28.06.2014), Le Vog, Ville de Fontaine (38600)
(2) "(Dé)voiler le réel", Le Petit Bulletin de Grenoble n°933
(3) ibid
"Banane", 2015 de David Lefebvre - Courtesy Galerie Zürcher © Photo Éric Simon
David Lefebvre est né en 1980. A l’âge du 2.0 et de son flux d’images, ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Grenoble le familiarisent avec les « nouvelles technologies », l’installation et la performance. Cela ne le détourne pour autant pas du dessin et de la peinture. Marqué par l’exposition « Cher Peintre, peins-moi » au Centre Pompidou (2002), il apprécie Luc Tuymans, Peter Doig et John Currin.
De 2007 à 2012, il prend part à l’aventure collective du Centre d’art « Oui » à Grenoble. En 2007 il participe au projet Pilot 3 en off de la Biennale de Venise (University of Arts, London) sur une proposition de Inge Linder-Gaillard alors curator au Centre d’art Le Magas