Du 23 avril au 4 juin 2016
En 1973, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présentait une importante rétrospective de l’oeuvre de Heinz Mack. Pourtant, les décennies suivantes, à mesure que la carrière de l’artiste prenait une ampleur internationale, sa présence s’amenuisait sur la scène artistique française.
La présente exposition se propose dès lors de renouer avec ce réformateur essentiel de l’histoire de l’art abstrait. Avec le concours enthousiaste de l’artiste, de prêteurs et d’institutions de premier plan, j’ai retenu un ensemble conséquent de plus de soixante-dix œuvres dont certaines, très anciennes, n’ont jamais été montrées au public.
Le parcours se déroulera exceptionnellement sur l’ensemble des espaces de la Galerie Perrotin à Paris et articulera différents formats, natures et périodes, afin de pointer certains des axes essentiels, pour ne pas dire « tout le spectre », d’une ample carrière.
"Weisse Marmorstele", 2012 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Grosses Sandrelief", 1962-1970 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Collage with Sand", 1987 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Les toutes premières réalisations caractéristiques de Mack apparaissent autour de 1950, dans le cadre de la Kunstakademie de Düsseldorf, puis lors d’études de philosophie à l’université.
L’artiste y privilégie d’emblée un langage volontiers abstrait et non-figuratif, tout en étant déçu par la plupart des développements récents de ce courant, qu’il estime académiques et par trop redevables de la composition traditionnelle et de l’imagerie. L’avant-garde historique et les travaux de Malevitch, Rodtchenko, Mondrian ou encore Balla retiennent en revanche toute son attention.
Rapidement, autour de 1953-54, il conçoit des tableaux, reliefs et sculptures selon une logique radicale, qui se déploie encore aujourd’hui dans sa pratique quotidienne, ceci de l’atelier de Mönchengladbach à celui d’Ibiza.
"Ohne titel", 1968 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Schwarzes Light relief", 1969 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Entwurf für eine lichtpyramid", 1964 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Ce principe esthétique concerne ses nombreux voyages au Sahara où ses réalisations et actions, dès 1962, préfigurent le land art nord américain.
La période 1957-1966 est une étape tout aussi cruciale : avec Otto Piene, puis Günther Uecker (qui les rejoint en 1962), Mack est le fondateur et l’animateur central de ZERO, une entité artis- tique à géométrie variable, pivot international du renouveau cinétique de l’abstraction dont Yves Klein ou encore Jesús Rafael Soto furent membres et dont, très récemment, de nombreuses institutions, avec le concours de la ZERO Fondation à Düsseldorf, ont tenté de rendre compte, du Guggenheim à New York au Stedelijk à Amsterdam, en passant par le Martin-Gropius-Bau à Berlin ou encore le Grand Palais à Paris, avec « DYNAMO » dont j’avais par ailleurs proposé le titre en référence à l’usage récurrent qu’en fit Mack lui-même à cette époque historique.
"Glass kubus", 1964-1969 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Lichtskulptur", 2001 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Les années 1970-80, quant à elles, relèvent d’une même singularité esthétique, et nombre des sculptures de Mack, dont de très nombreuses stèles et autres obélisques volontiers hors-échelle, engagèrent un dialogue fécond avec l’architecture et l’espace urbain, principalement à travers toute l’Allemagne.
D’une période à l’autre, la quête esthétique de Mack est une exploration constante, à la fois systématique et sensuelle, du spectre lumino-chromatique et de ses seuils perceptifs.
"Ohne Titel", 1970 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Weisser Drahtkasten", 1959 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Luftsäge", 1955 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Cet objectif immatériel prend chez l’artiste une dimension philosophique qui s’appuie, paradoxalement, sur des moyens hautement matériels et exploite la simplicité brute de matériaux naturels ou manufacturés, tels que la peinture, le métal, le bois, la pierre, le verre, le plexiglas ou encore le sable. La variabilité de la réalisation manuelle, à la fois contrôlée et aléatoire, ainsi que cette réduction primitiviste, font chez Mack le lit d’un exceptionnel déploiement phénoménologique. Dans ce cadre, le spectateur est amené à faire l’expérience tangible de la vision et à considérer le temps et l’espace comme des médiums à part entière.
Sur sa carte de visite, Heinz Mack se présente comme « sculpteur et peintre ». L’ordre de ces mentions est significatif en ce que la modulation de la matière dans l’espace y prévaut sur la création d’images à la surface du tableau. Autrement dit, même les toiles tendues sur châssis - des tableaux - de l’époque ZERO se trouvent chez Mack recouvertes d’empâtements abondants qui les tirent vers ce domaine intermédiaire de l’histoire de l’art qu’est le relief, situé entre peinture et sculpture, et dont les éléments forment une saillie conséquente par rapport au plan qui les reçoit.
"Rondo", 1963-1964 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Stelen Wald", 1970-1983 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Weisse Licht stufen", 2011 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Leur apparence, toute aussi ambiguë, voire paradoxale, rend difficile toute fixation mentale ou photographique.
Car l’œuvre de Mack n’existe que dans un double mouvement d’apparition et de disparition. La matière, instable, y est constamment rongée par l’obscurité ou la lumière. Il s’agit là d’un paradoxe, inhérent à l’histoire du cinétisme et de l’art perceptuel dont Heinz Mack fut un acteur central, entre l’évidence tangible du fait matériel et le mystère insoluble de ses effets.
Curated by Matthieu Poirier
"Säberstele", 2012-2014 de Heinz Mack - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Galerie PERROTIN
76 rue de Turenne
75003 Paris
https://www.perrotin.com
Horaires et jours d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h00 à 19h00.