Expo Collective Contemporaine: DÉFORMATION PROFESSIONNELLE
Du 5 novembre au 21 décembre 2016
Artistes présentés: Léa Belooussovitch | Justine Bougerol | Dieudonné Cartier | Claude Cattelain | Jerome Cavaliere & Stéphane Déplan | Morgane Fourey | Mathieu Gargam | Elodie Huet | Alexandre Lavet | Gabriel Leger | Maude Maris | Simon Nicaise | Félix Pinquier | Brice Raphalen | Benjamin Sabatier | Mathias Tujague | Roeland Tweelinckx | Président Vertut | Sebastian Wickeroth | Michael Zelehoski
Une proposition de Raphaël Denis
Nourries par leur expérience de travail et d’observation dans l’univers des galeries et institutions culturelles, les créations proposées par les artistes réunis dans Déformation Professionnelle constituent autant de digressions sur le monde de l’art, les formes et matières de l’exposition, évoquant notamment la construction des œuvres, leur mise en scène et l’intendance d’une galerie. Elles mettent au premier plan un ensemble de matériaux et un vocabulaire générale- ment invisibles au spectateur, laissés dans les réserves, évacués lors d’un dernier lissage avant l’ouverture au public ou conservés dans l’intimité de l’atelier.
Plusieurs œuvres font ainsi directement référence aux outils et consommables employés par les régisseurs chargés de monter et construire physiquement les expositions ; les bleus de protection, les parois mobiles, les rouleaux de scotch, les différents dispositifs d’accrochage et de stockage, mais aussi les traces de peinture ou restes de plâtre deviennent le sujet principal de l’attention, transformés en œuvres indépendantes, maniés pour eux-mêmes, mimés dans leur apparence ou encore utilisés à contre-emploi et rendus inutilisables, dans des constructions confinant à l’absurde ou au paradoxe comme les clous cloués de Simon Nicaise, les bâtons de colle collés d’Elodie Huet, les équerres soutenant le plafond de Roeland Tweelinckx, la cloison explosée de Sébastien Wickeroth ou la perceuse à foret de cristal de Gabriel Leger.
"Composition sur Angle N°6", 2016 de Claude CATTELAIN - Courtesy Galerie Paris-Beijing © Photo Éric Simon
De l’intérêt pour les rebuts et les matériaux quotidiens d’emballage, de transport ou de protec- tion naissent des jeux formels et installations relevant tantôt de la prouesse architectonique, tantôt du trompe-l’œil ou de la stratégie poétique.
Les différences d’échelle entre les formes spectaculaires ou minuscules que ces éléments standardisés et faciles d’emploi permettent de créer laissent toutefois toujours percevoir le même souci de perfection, la même délicatesse dans la mise en œuvre.
Ainsi des armatures apparemment instables de Claude Cattelain qui forment une installation à l’équilibre parfaitement maîtrisé, des tâches de peinture en porcelaine disposées au sol d’Alexandre Lavet ou encore de la tour interminable de rouleaux de scotch de Benjamin Sabatier.
"IBK'S SCOTCH TOWER X", 2012 de Benjamin SABATIER - Courtesy Galerie Paris-Beijing © Photo Éric Simon
"Reste", 2015 de Mathias TUJAQUE et en arrière plan "La Tribu", 2014 de Maude MARIS - Courtesy Galerie Paris-Beijing © Photo Éric Simon
Des équilibres similaires se retrouvent dans les mystérieuses constructions scénographiques de Maude Maris, élaborées à partir de maquettes constituées de moulages en plâtre, évoquant un monde de formes en devenir, prêt à s’animer, ou dans l’espace distendu conçu par Justine Bougerol.
Le même silence, la même attente et la même tension semblent résonner dans les vues de galeries vidées de leurs œuvres d’Alexandre Lavet qui simulent l’état dans lequel les régis- seurs les perçoivent avant et après l’exposition ou émaner des tables de travail à la présentation très soignée de Mathias Tujague et Morgane Fourey, dont les arrangements évoquent des établis parfaitement ordonnés.
Conçues comme un autoportrait ou une accumulation de restes, ces installations soulignent la parenté entre l’artiste et l’artisan ; d’autres œuvres laissent percevoir les liens entre l’artiste et l’ingénieur technicien, comme les manipulations de modules et constructions graphiques du sculpteur Félix Pinquier.
Vidéo "Highway to Jahannam", 2016 de Président VERTUT - Courtesy Galerie Paris-Beijing © Photo Éric Simon
À l’évocation directe de l’aspect pratique et matériel, très standardisé, du montage d’une expo- sition, s’ajoute celle d’un monde de l’art concurrentiel et des impératifs de séduction qu’il requi- ert (de la possession d’un espace et de la connaissance précise de collectionneurs jusqu’à l’envoi de centaines d’invitations que peut évoquer la ligne d’enveloppes de Léa Beloous- sovitch).
Un monde aux apparences policées dont la brutalité et la sauvagerie sont clairement démon- trées par les hilarantes vidéos de Jérôme Cavaliere et Stéphane Déplan et dont les références fonctionnent comme autant de signes immédiatement reconnaissables, objets de réappropria- tions et détournements dont certains confinent au fétichisme ainsi des fragments de néons brisés issus d’une sculpture de François Morellet récupérés par Brice Raphalen ou des motifs de Sol Lewitt repris par l’artiste new-yorkais Michael Zelehoski.
Aux rivalités artistiques s’ajoutent à l’occasion l’irruption de véritables guerres, de compromis- sions et d’arrangements, comme le rappelle Dieudonné Cartier avec son évocation du « don » de Jacques Chirac au Musée de Bamako d’une statuette volée qu’on lui avait offerte ou encore Président Vertut avec sa vidéo minutieusement calquée sur les images de la destruction des œuvres du musée de Mossoul par les sbires de l’État islamique, dans laquelle ces derniers sont remplacés par des hipsters fanatisés, saccageant une exposition d’art contemporain.
Raphaël Denis, Septembre 2016
"Le Code de Hammurabi", 2016 de Dieudonné CARTIER - Courtesy Galerie Paris-Beijing © Photo Éric Simon
Galerie Paris-Beijing
62, rue de Turbigo
75003 Paris, France
Horaires d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h à 19h