Expo Artiste du XXème Siècle: CÉSAR La Retrospective
Du 13 Décembre 2017 au 26 Mars 2018
La rétrospective de l’œuvre de César présentée par le Centre Pompidou coïncide avec le
vingtième anniversaire de la mort de l’artiste. Illustre dès l’âge de 25 ans, César a vécu plus
de cinquante années de création. Il est la dernière figure majeure du Nouveau Réalisme dont l’œuvre n’a pas encore fait l’objet d’une rétrospective au Centre Pompidou.
À travers une centaine d’œuvres présentées dans la plus vaste de ses galeries d’expositions, le Centre Pompidou propose de découvrir, dans toute son intégrité et sa richesse, le parcours de l’un des plus grands sculpteurs de son temps. Avec les œuvres majeures les plus célèbres,
comme à travers certains cycles plus méconnus, cette rétrospective présente un ensemble
inédit à ce jour.
FERS SOUDÉS
Lorsqu’il s’installe à Paris en 1946, César découvre les assemblages hétérogènes de González, Giacometti, Picasso… L’intérêt que ces sculptures suscitent chez lui, joint à la pauvreté de ses ressources, qui l’empêche de recourir aux classiques marbre et bronze, l’orientent vers l’utilisation du matériau de récupération.
César réalise ses premières recherches avec du plâtre et du fer, puis découvre en 1949 une technique qu’il emprunte à l’industrie, la soudure à l’arc. Cette méthode lui permet de sculpter le métal avec une grande souplesse, qui s’apparente à celle du modelage.
Sa familiarité grandissante avec le matériau de rebut lui donne une réelle liberté : avançant sans idée préconçue, il plie ses tôles, les écrase, les cisaille, travaille à partir de déchets ferreux les plus divers, souvent de très petits morceaux de métal – vis, écrous, clous, boulons, tuyaux… Pour créer un bestiaire fantastique (coq, scorpion, chauve-souris...) ou pour représenter la figure humaine (nu, torse, tête...), César assemble toutes ces petites particules qui paraissent se disposer selon une logique autonome.
Peu à peu, il dégage sa propre esthétique de ses premiers assemblages de ferraille soudée. Dès 1955, les déchets commencent à s’intégrer à un tout organique, qui laisse visibles, de-ci de-là, un boulon ou un écrou.
Parallèlement, César réalise, outre des petits reliefs, ses premières Ailes (dont certaines prennent la forme d’« hommes ailés ») et ses premières Plaques . Il développe ces œuvres «abstraites » pendant une décennie, notamment les Plaques série très variée et essentielle dans son œuvre.
Leur conception modulaire et répétitive signe une nouvelle orientation : accumula- tion, juxtaposition, chevauche- ment des éléments scandent la syntaxe du langage de la quantité. Une poésie véritablement organique émane du métal. Par ailleurs, l’application répétée d’huiles de diverses sortes sur le métal à différents degrés de chaleur offre aux œuvres une variété intrinsèque de colorations.
En 1961-1962, César réalise une série de grands Panneaux-Reliefs en tôle de carrosserie qui rappellent les premiers Reliefs muraux de 1955. Des éléments ready-made (morceaux froissés taillés dans les carrosseries accidentées) y sont soudés en assemblages compacts sur fond métallique. Ces fragments, également introduits dans d’autres œuvres, y apportent des touches de polychromie. Ils viennent aussi statufier un tronc de ferraille soudé, serré et galbé, La Sœur de l’autre (1962), qui n’est pas sans évoquer quelque déesse antique.
Enfin, renouant avec la figuration qu’il n’a en fait jamais complètement abandonnée, César achève sa période d’assemblages avec les emblématiques Victoire de Villetaneuse (1965) et Pacholette (1966).
COMPRESSIONS 1959-1970
L’origine des Compressions remonte à 1958 lorsque César, qui va chercher sa matière première chez les ferrailleurs, rapporte quelques paquets de matériaux non ferreux – cuivre ou aluminium – avec l’intention première de les intégrer dans une sculpture. Il les voit et s’approprie ces blocs compressés de plaques et rubans de cuivre, qui deviennent ses premières Compressions .
En 1960, à la suite de la découverte, chez un ferrailleur de Gennevilliers, d’une presse géante importée des États-Unis et capable d’engloutir une voiture entière, César présente au Salon de Mai trois balles de voitures compressées intitulées 3 tonnes .
L’une est prise au hasard contrairement aux deux autres, choisies par l’artiste. L’ensemble provoque scandale et incompréhension auprès du public. Ces Compressions brutes dites « historiques » terme employé par le critique d’art Pierre Restany dès octobre 1960 inaugurent ce geste d’une radicale simplicité.
Dès 1961, César réalise ce qu’il appelle des Compressions « dirigées » : il choisit les éléments pour leur forme, leur matière ou leur couleur, les dispose, recherche la mise en évidence des structures internes, et varie le degré de compression afin d’obtenir des effets de surface issus de l’éclatement et la déchirure du métal.
Cette masse régulière, réduite à l’essentiel, sans rapports hiérarchiques dans la composition, n’est pas sans évoquer les drippings de Pollock : l’interpénétration et l’enchevêtrement des tôles pliées amorcent des volumes qu’on ne voit jamais se refermer.
À travers la quête d’un volume simple, d’une masse dans l’espace, César préfigure les recher- hes des sculpteurs minimalistes. Toutefois, les Compressions de César s’en écartent par la diversité de leurs surfaces colorées, par les pliures et les crevasses qui attirent et projettent le regard dans toutes les directions à la fois.
Série Suite Milanaise "Blu Francia 490" , 1998 de CÉSAR - Courtesy Collection particulière © Photo Éric Simon
César explore jusqu’en 1963 dans plusieurs séries successives les possibilités formelles de cette nouvelle technique en utilisant d’autres matériaux métalliques ainsi que des radiateurs automobiles, et en variant les formes (parallélépipèdes rectangles, blocs cubiques, compressions plates).
À partir de 1968, il reprend la technique en élargissant la palette des matériaux utilisés : tubes d’aluminium léger, emballages métalliques, plaques minéralogiques ; il l’applique également à des mobylettes, des motocyclettes, jusqu’à la compression d’une Dauphine qui, aplatie et non plus cubique, préserve l’identité de la voiture initiale.
EMPREINTES HUMAINES
la main, de Rodin à Picasso, est en préparation à la Galerie Claude Bernard, où elle ouvrira en 1965. Désireux d’échapper à l’académisme du sujet, César découvre dans l’atelier d’un jeune artiste un pantographe permettant d’agrandir les sculptures. Choisissant une technique de non-intervention, l’artiste se met une fois encore en position de rupture complète avec la sculpture traditionnelle.
Il fait réaliser l’empreinte de son pouce et, expérimentant les nouvelles matières que sont les résines synthétiques, l’agrandit à 45 cm de hauteur dans une résine orange. Le moulage de son pouce, ainsi présenté dans l’exposition, devient par son agrandissement une œuvre en soi. De toutes les Empreintes, le Pouce est sans doute la plus emblématique de César.
Avec une constance toute particulière, ce dernier le déclinera dans différentes tailles et dans des matières diverses – plastique, nickel, bronze, marbre, mais aussi or et même sucre. Selon le même principe, César entreprend en 1966 le moulage du sein d’une danseuse du Crazy Horse. La plupart du temps agrandi en résine, il est accroché au mur ou posé au sol lorsqu’il est surdimensionné.
Le choix des parties corporelles trahit ici la connotation sexuelle qu’il donne à ces Empreintes alors que l’érotisme irrigue en général son œuvre de façon plus discrète. Pouce ou Sein , l’élément ainsi isolé est représenté de manière très scrupuleusement exacte et précise.
Cependant, les agrandissements, importants et quelquefois monumentaux, « sublimisent » ces œuvres en même temps qu’ils leur confèrent un caractère quasi abstrait, allant jusqu’à presque effacer leur identité propre : ainsi, le Sein en inox des usines Rochas à Poissy (1966), le Pouce en bronze, installé à l’occasion de la présente exposition sur la Piazza du Centre Pompidou ou celui, monumental, du parvis de La Défense (1994, 12 m de hauteur).
Variation pour un "Pouce", 1965 de CÉSAR - Courtesy Musée d'Art Contemporain, Marseille © Photo Éric Simon
EXPANSIONS
À l’origine des Expansions se trouve la convergence des recherches sur les possibilités de moulage des empreintes corporelles et de la découverte par César d’un nouveau matériau, la mousse de polyuréthane.
Ce mélange de résines de polyester et d’isocyanates, auquel on ajoute du fréon, un élément accélérateur, produit une mousse dont le volume augmente dans des proportions étonnantes. César la verse plus ou moins vite, contrôle la direction, intervient sur la forme et la fait varier à l’infini. Lorsque la matière a terminé sa réaction, la mousse se fige et se solidifie en fonction du dosage.
Les premières Expansions , réalisées en 1967 en public, donnent lieu à de véritables happenings quand les spectateurs invitent César à les découper en morceaux et à en signer les fragments. Pendant deux ans, l’artiste réalisera ainsi une dizaine d’ Expansions à travers le monde.
"Expansion N°33", 1971 de CÉSAR - Courtesy Galerie Georges-Philippe et Nathalie VALLOIS © Photo Éric Simon
Cependant, conscient du côté éphémère de ces œuvres, lié à la fragilité des mousses brutes, et en prévision d’une exposition au Centre national d’art contem- porain en 1970, César met au point une technique permettant de durcir la surface de l’ Expansion , proche de celle utilisée pour les carrosseries automobiles.
Ce procédé confère ainsi le statut de sculpture pérenne à ce qui n’était jusque-là qu’un geste ponctuel et éphémère. La surface est stratifiée, poncée, laquée, recouverte de laine de verre. Un nouveau ponçage tend et affine les volumes, et l’œuvre, par la superposition de couches successives de laques aux couleurs nacrées et de vernis translucides, vibre d’une lumière qui semble monter de l’intérieur de la sculpture.
Comme si un champ de formes libres s’était ouvert à César, les Expansions , des plus volumineuses aux plus petites, des plus plates aux plus radicalement verticales, des plus simples aux plus baroques, se répandent au sol, se dressent vers le haut ou s’échappent d’une structure métallique comme de la lave.
Parallèlement, César utilise des objets quotidiens – bouilloire, œuf, chaussure – pour en faire sortir de petites Expansions , comme les Expansions en boîtes à faire soi-même, réalisées avec la complicité de Martial Raysse et présentées à la Galerie Givaudan en 1969.
Cette série est particulièrement emblématique du caractère ludique de ces œuvres et témoigne de la participation du spectateur, appelé à accompagner le processus de réalisation de la pièce.
ENVELOPPAGES
La série des Enveloppages , œuvres peu connues au caractère expérimental, fait suite aux Compressions transparentes des années 1970. Dès 1965, César exploite les matières plastiques : en voyant par hasard des feuilles de méthacrylate chez un fabricant niçois de meubles et de vitrines, il comprend que la technique des Compressions peut s’appliquer à d’autres matériaux que la tôle.
Catherine Millet décrit l’ensemble de cette opération délicate : le placement des feuilles de Plexiglas les unes par rapport aux autres lorsqu’elles sont couchées dans les tiroirs d’une étuve, puis le moment où, suffisamment souples, elles sont « sorties et pliées dans une matrice construite spécialement et dont le couvercle, actionné par un levier, s’enfonce de manière à plier les feuilles 1 ». Des trous placés dans le châssis permettent d’envoyer de l’air pour accélérer le refroidissement du Plexiglas. « Au bout de vingt minutes, indique César, la matière est prise, mais elle craque pendant des heures 2 ».
Dans les Enveloppages , César utilise ce processus en y insérant des objets. Machine à écrire, téléphone, paire de chaussures, moulin à café, outils, ventilateur, tous ces objets anciens, issus du quotidien ou de la brocante que l’artiste aime à fréquenter, apparaissent, tels des reliquaires, figés dans une ou plusieurs feuilles de plastique. Ils sont de petite dimension et d’une grande qualité décorative. L’ampleur des plis et replis de la feuille de Plexiglas magnifie leur présence.
Ces Enveloppages soulignent le rapport complexe entre l’intérieur et l’extérieur de l’œuvre. Ils révèlent l’admiration de César pour les sculptures, anciennes ou modernes, dont les surfaces tendues expriment une puissance qui vient, à ses yeux, du plus profond de l’œuvre. César considéra pendant tout un temps ce type d’œuvres comme des « expériences ou parfois même comme de simples essais pour des chemins [qu’il n’avait] pas pris 3 », mais elles trouvent aujourd’hui leur juste place.
"Le Centaure", 1983 de CÉSAR - Courtesy Fonds national d'Art Contemporain/ Centre National des Arts Plastique de Puteaux au Musée PICASSO d'Antibes © Photo Éric Simon
PLÂTRES, BRONZES ET FONTES DE FER
Autre sujet de prédilection de l’artiste, les autoportraits auxquels il s’essaie en vue de l’exposition « Tête à têtes » à la Galerie Creuzevault en 1973. Originellement nés sous la forme de moulages en plastique, ces Masques sont une suite logique des Empreintes du Pouce et du Sein.
En 1973, une ébauche de tête en plâtre annonce déjà celle du Centaure (1983) pour laquelle l’artiste effectue un moulage de sa propre tête : il conçoit un auto- portrait à double face, le visage du dessus, celui de Picasso, se rabattant comme un masque de soudeur sur celui de César.
Il réalise cette sculpture également intitulée Hommage à Picasso – à plusieurs échelles, jusqu’au bronze de 4,7 m de hauteur.
"Compression dirigée (Viens ici que j't'esquiche), 1961 de CÉSAR - Courtesy Collection Particulière © Photo Éric Simon
À la fin des années 1970, l’artiste revient à ses Fers initiaux. Reprenant la technique de la soudure à l’arc, abandonnant le fer au profit du bronze, il remodèle les œuvres en les agrandissant. Il ne cessera ensuite de travailler ces pièces en bronze soudé, y intégrant souvent des éléments en fer, les reprenant et les réinventant sans cesse. À partir de 1985, il entreprend la série des Poules patineuses et donne une fois encore une dimension monumentale à certaines d’entre elles.
Toujours fasciné par les possibilités du fer, César laisse de côté les œuvres soudées de facture classique et expérimente les fontes de fer sur les œuvres « radicales » : Compressions, Empreintes et Expansions . D’une première étonnante Compression de Fers à béton (1986) se dégagent une puissance et une tension extrêmes. Puis, dans les années 1990, César fait couler en fonte de fer les Empreintes d’un Sein et d’un Pouce , ainsi qu’une série d’ Expansions réalisées à partir de moulages des Expansions brutes. Ici encore, César exprime sa capacité inépuisable à recycler son œuvre dans une expérimentation sans cesse renouvelée.
"Renault 977 VL06", 1989 et" Bas-Relief", 1961 de CÉSAR - Courtesy Musée d'Art Contemporain, Marseille © Photo Éric Simon
"Dauphine 1959", 1970 de CÉSAR - Courtesy Collection du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice © Photo Éric Simon
COMPRESSIONS 1976-1998
Dans un mouvement de va-et-vient constant entre classicisme et radicalité, César, en quête permanente d’innovations formelles, reprend les Compressions en 1976. Toujours inspiré par sa « logique des matériaux », il s’éloigne du déchet industriel et s’empare du déchet urbain.
Sensible à la réalité brute de ces éléments usagés, il ramasse cageots, cartons d’emballage, filasse et autres matériaux sur les marchés de Nice ou d’ailleurs. Pour ces Compressions murales , il utilise le même type de presse que pour les plastiques. Avant d’être écrasés par la machine, les matériaux doivent être enduits d’une colle permettant leur futur maintien vertical.
À partir de 1984, à la demande de Jean Todt, directeur de Peugeot Talbot Sport, qui souhaite donner aux épaves des voitures de rallye 205 Turbo 16 Peugeot un statut d’œuvre d’art, César revient au métal et reprend, pour la série intitulée Championnes , le principe de la « ligne plate » inaugurée en 1970 par la Dauphine.
Écrasées en galettes, sciées de manière rectiligne sur les bords, les Championnes tendent vers l’abstraction tout en gardant leur ampleur. Leur présentation verticale, sur pied ou à même le sol, leur confère une monumentalité autoréférentielle énigmatique.
À l’opposé, la Renault 977 VL 06 (1989), avec ses éléments référentiels, roues et pneus, garde le caractère réaliste de la voiture. En 1995, pour le Pavillon français de la Biennale de Venise, César concrétise enfin son projet d’installation monumen- tale pour le Salon de Mai de 1960 avec 520 tonnes, qui réunit 520 Compressions de voitures.
Parallèlement, dans les salles latérales, six Compressions plates de Citroën ZX noires sont exposées horizontalement ou verticalement. César tenait cette fois encore à affirmer la présence physique et le poids de ses pièces.
En 1998, César réalise son œuvre ultime, la Suite milanaise , quinze Compressions
de carrosseries d’automobiles Fiat toutes neuves. Elles sont peintes au sortir de la presse dans les couleurs laquées et métallisées de la gamme de la production industrielle de Fiat, couleurs qui donnent leur nom à chacune des œuvres.
La pression exercée, moins forte que pour les Compressions des années 1960, laisse apparaî- tre des vides et des interstices dans les replis du métal. À cet ensemble s’ajoutent deux Compressions plates, fines galettes de tôle très dense.
Ces Compressions monochromes témoignent de l’inventivité de César jusque dans ses dernières œuvres et sont fidèles à sa démarche : « Recommencer, ce n’est pas refaire. »
Né à Marseille en 1921, César commence un apprentissage qui le conduit à Paris à l'École nationale supérieure des Beaux-arts. À Paris, il croise entre autres, Alberto Giacometti, Germaine Richier, Pablo Picasso et se mêle à la scène artistique d'alors, côtoyant les artistes de Saint-Germain-des-Prés et de Montparnasse.
Très tôt, il se fait remarquer par une technique qui lui est propre et lui apporte la célébrité : ce sont les « Fers soudés », les figures humaines et autres « Vénus » ainsi que le bestiaire qu'il invente, peuplé d'insectes et d'animaux de toutes
sortes qui l'amènent à sa première exposition personnelle, galerie Lucien Durand en 1954. Bientôt célèbre, son œuvre est exposée de Londres à New York .
Centre Georges Pompidou / Beaubourg
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