Exposition Collective Contemporaine: Wormholes #1
"African Juliette R", 2016 de Tim STOKES - Courtesy Under Construction Gallery de Léo DORFNER © Photo Éric Simon
Du 15 mars au 21 avril 2018
Co-commisariat Clément Thibault et Mathieu Weiler
Un wormhole (trou de ver), en physique, est un objet hypothétique qui relierait deux feuillets ou deux régions distinctes de l’espace-temps, comme une sorte de raccourci. Le physicien autri- chien Ludwig Flamm (1885-1964) serait le premier à avoir suggéré, dès 1916, leur existence, mais la communauté scientifique s’accorde à en donner la paternité en 1935 à Albert Einstein et Nathan Rosen. Leur théorie précisait que l’on peut fabriquer n’importe quel type de géométrie spatio-temporelle, statique ou dynamique.
Le wormhole n’est qu’un objet mathématique théorique ; avec les connaissances et les outils actuels, il est impossible de confronter la théorie au réel, de l’expérimenter. L’idée, proche de celle de trou noir, a tout de même infusé la société, de la science à la pop culture. Dans la pratique artistique, on peut l’étendre à ceux qui mêlent consciemment, de manière tangible ou symbolique, différents espaces-temps dans leur œuvre, comme un raccourci liant deux espaces-temps distincts de l’art — ou plutôt des représentations humaines.
Plastiquement, ce geste a deux grands-parents, le collage ou l’assemblage d’Hannäh Hoch (en tant que sélection et recomposition de contenus culturels préexistants, recontextualisés), et le ready-made de Duchamp (qui a amené les artistes à s’interroger plus profondément sur la symbolique propre aux objets qu’ils emploient). Mais s’il est si récent, c’est qu’il a trouvé son origine dans un contexte favorable. Tant, qu’il porte une réelle signification sur notre appartenance au monde, telle qu’elle se définit au début du XXIe siècle.
Plusieurs phénomènes ont permis son émergence. D’abord, un monde porté par le numérique et la mondialisation, où tout est proche, même ce qui est loin, à la fois dans l’espace et le temps. C’est aussi un monde occidental qui a glissé d’un régime de « vérité » à un régime de « relativité » et plus encore de « relation ». Du post-modernisme de Jean-François Lyotard à la « créolisation du monde » d’Édouard Glissant en passant par la French Theory, plus de vérité, que de la relation ; plus de racines, des rhizomes.
"African apollo", 2016 de Tim STOKES - Courtesy Under Construction Gallery de Léo DORFNER © Photo Éric Simon
Ce glissement est d’ailleurs particulièrement perceptible dans l’institution qu’est le musée. Né au XIXe siècle, du fait des nationalismes et de la nécessité d’affirmer des identités, d’écrire des romans nationaux et de construire des certitudes immuables, le musée a progressivement glissé vers une certaine forme de relativisme culturel.
Aujourd’hui, il y est admis qu’aucune culture ne surpasse une autre, donc que naissent des correspondances intéressantes en créant un dialogue adéquat et respectueux entre elles. Mêler les temps et les espaces, donc les cultures, n’a d’intérêt que dans un monde de relations. D’ailleurs, en les confrontant, les styles gagnent en radicalité, parce que mêler les espaces-temps, c’est aussi rendre plus prégnante la relativité des regards.
Clément Thibault
Galerie Laure Roynette
20, rue de Thorigny
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : Du mardi au samedi de 14h à 19h