Exposition Solo Show: Daniel POMMEREULLE "Je traverse, et nous restons..."
Du 15 mars au 28 avril 2018
« Le dessin est à la base de tout. »
Alberto Giacometti
« Désir aussi de trouver une solution entre les choses pleines et calmes et
aiguës et violentes. »
Alberto Giacometti, Lettre à Pierre Matisse, 1947
Daniel Pommereulle (1937-2003) a traversé le XX ème siècle avec fulgurance. Connu aujour- d’hui pour ses sculptures de lames, il a été, souvent simultanément, peintre, performeur, ciné- aste, comédien, sculpteur, poète et dessinateur. Figure mythique du Saint-Germain-des-Prés des années 1960, il se mêle très tôt aux principaux acteurs de la scène artistique européenne de son temps. Avec Alain Jouffroy et Jean-Jacques Lebel, il rencontre les Surréalistes, André Breton, Max Ernst ou Roberto Matta.
Avec Erró, il part à l’âge de 24 ans pour l’Italie et participe à l’Anti-Procès de Milan, manifesta- tion radicale organisée contre la Guerre d’Algérie, dont il rentre à peine. Très actif pendant Mai 68, il crée avec le peintre Olivier Mosset et les réalisateurs Serge Bard, Jackie Raynal ou encore Philippe Garrel, le groupe de production Zanzibar, dans la liberté totale de l’Esprit de Mai, marqué par l’œuvre de Jean-Luc Godard, avec qui il a collaboré en 1967 pour le film Weekend.
La même année a paru La Collectionneuse, que Daniel Pommereulle a coécrit avec Eric Rohmer. On l’y voit manipuler le fameux petit pot de peinture vide jaune strié de lames de rasoir – l’Objet hors-saisie exposé actuellement dans les collections permanentes du Centre Georges Pompidou à Paris.
"Les huit côtés de l'occident", 1976 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
"Pousse pouce", 2001 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
Cette première apparition des lames dans son œuvre annonce la grande série des Objets de prémonition (1973-1975), objets dangereux, armes potentielles fabriquées par un artiste qui affronte et provoque le spectateur pour mettre à mal l’ennui étouffant des années gaulliennes. Dans les années 1980, les sculptures façonnées dans le verre atomique ou industriel gardent la vivacité et la violence des couteaux.
Cette cruauté incarne pour ainsi dire la « ligne », la « marque » de Daniel Pommereulle. Elle n’a cessé de fasciner ceux qui ont regardé et commenté son œuvre. « La cruauté, rappelle
son grand ami et soutien Alain Jouffroy, ce n’est pas simplement le fait de torturer, (...) mais c’est aussi la forme de la pensée la plus extrême1».
"Sans titre (passant luisant)", 1984 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
"O-O, Double zéro", 1975 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
"Sans titre (fluchtig)", 1996 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
Le dessin est sans doute l’expression la plus directe de la pensée. Immédiate et simple transposition de l’idée sur le papier, il en est le prolongement. C’est chaque fois par le dessin que Daniel Pommereulle invente de nouvelles formes.
À la manière des architectes utopistes du XIXe siècle, il imagine les plans d’appareils de persé- cution qui restent pour la plupart à l’état mental (sauf le Toboggan de 1974 présenté récemment au Palais de Tokyo) et conçoit des machines monumentales.
"Sans titre (David)", 1975 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
"Monument aux vivants", 1976 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
Dans l’espace de la page s’élaborent un vocabulaire, une grammaire de formes qu’il travaille et qui le travaillent. On les retrouve dans tout l’œuvre peint, sculpté et filmé. Des centaines de croquis engendrent les idées futures du sculpteur.
Les archives des carnets, des calques, des blocs-notes, des coins de nappes, des menus biffés au crayon ou à l’encre d’un stylo dans les restaurants mettent au jour un travail répété, assidu, parfois presque obsessionnel de certaines formes qui surgissent plus tard dans les Passants luisants ou se matérialisent dans les sculptures. Regarder les dessins de Daniel Pommereulle, c’est entrer dans le laboratoire de sa pensée. Ce sont des « signes qui mordent 2», non sans élégance ni douceur.
"Monument aux vivants (projet)", 1976 de Daniel POMMEREULLE - Courtesy Galerie Christophe Gaillard © Photo Éric Simon
Après avoir montré en 2016 une sélection d’œuvres de jeunesse concentrée sur la période des expériences particulières aux années 1963, la galerie Christophe Gaillard propose, cette fois dans l’espace principal, un éclairage inédit.
Le large déploiement de sa production dessinée, en dialogue avec un choix resserré de sculptures, permet de confronter aux œuvres les plus connues d’autres jamais vues que dans l’atelier et d’embrasser aujourd’hui plus de trente ans de carrière.
Alors que les sculptures nous tiennent en respect et même à distance, les dessins nous invitent à porter notre regard au plus près, dans l’intimité de la feuille de papier : un mouvement subtile d’accommodation visuelle qui permet d’approcher la trajectoire et certainement le cœur du travail de cet artiste majeur.
Galerie Christophe Gaillard
5 rue Chapon
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture: du mardi au vendredi de 10h30à 12h30 et de 14h à 19h et le samedi de12h à 19h.