Exposition Solo Show: Mircea CANTOR “HISTORY IS JUST A BULLET ON YOUR TIMELINE”
Du 12 octobre au 17 novembre 2018
Cette exposition personnelle est la première de l’artiste à Paris depuis celle organisée au Centre Pompidou en 2012 à la suite du Prix Marcel Duchamp dont Mircea Cantor a été le lauréat en 2011.
Sur la façade extérieure de la galerie, c’est un visiteur attentif qui remarquera que l’arche colorée - intitulée “Double rainbow” - marquant le début de l’exposition ne revêt pas la dimension parnassienne qu’elle semble pourtant incarner.
Tout d’abord, on est interpellé par le motif de barbelé qui constitue ces arcs chromatiques. Puis c’est une addition de questions liées à la notion d’identité qui jaillit lorsque le visiteur réalise que ces ronces de fer sont peintes du bout de ses doigts par l’artiste qui a méticuleusement apposé ses empreintes digitales les unes à côté des autres.
Image tiré de la video "Aquila non capit musca", 2018 de Mircea CANTOR - Courtesy VNH Gallery © Photo Éric Simon
Si l’identité au sens mathématique définit deux choses confondues que rien ne peut différencier, les sociétés contemporaines lui préfèrent plus souvent sa définition antonymique définissant alors plutôt ce qui nous différencie et nous sépare de l’autre.
Ce sont ces mêmes sociétés où chaque dermatoglyphe finit par ouvrir tel ou tel accès, telle ou telle porte mais aussi d’identifier un Homme, d’en définir ses libertés et parfois même son destin.
Si l’arc-en-ciel exprime métaphoriquement pour certains le symbole de l’alliance de Dieu avec les hommes, son interprétation par l’artiste semble plutôt souligner les antagonismes profonds dans lesquels se plonge souvent l’Humanité et dont les barbelés sont parfois le triste témoin matériel.
Image tiré de la video "Aquila non capit musca", 2018 de Mircea CANTOR - Courtesy VNH Gallery © Photo Éric Simon
La nouvelle vidéo de Mircea Cantor intitulée “Aquila non capit muscas” (2018) d’après le célèbre proverbe latin qui se traduit “L’aigle ne chasse pas les mouches” a été produite pour cette exposition et s’inscrit dans sa pratique assidue de ce medium.
Dans “Deeparture” (2005), l’absence d’action était la clé de voûte de cette vidéo où chaque respiration, déplacement et regard définissaient petit à petit la cohabitation de deux animaux - la biche et le loup - dont l’instinct face à l’imprévu les incita davantage à une nouvelle prise de repères qu’à une confrontation qui semblait pourtant évidente.
Chez VNH Gallery, c’est le vol d’un aigle qui est minutieusement enregistré et décortiqué dans une vidéo où le moindre détail est capturé. La puissance innée et la détermination du rapace laissent imaginer une cible dont l’identité met de nombreuses secondes à se dévoiler. Dès lors c’est une confrontation entre le Roi des airs, qui alimenta tant de légendes ancestrales, et un drone, icône d’une technologie triomphante, qui se joue. Elle est esthétique, philosophique, oppose deux des mondes évoqués dans des travaux antérieurs de l’artiste et convoque les concepts de territoire, de surveillance et d’intrusion.
Dans cette même pièce se déploient plusieurs centaines de dessins issus de la série “Tableaux” initiée par l’artiste il y a maintenant de nombreuses années. Si l’idéal d’objectivité justifierait l’anonymat systématique des journalistes du magazine The Economist, l’artiste introduit une touche de sensibilité et donc de subjectivité en dessinant à l’encre de Chine à même les feuilles du magazine.
Cette pratique hebdomadaire qu’il développe depuis 2014 rappelle le goût de l’artiste pour l’haiku : la traduction d’une sensation, d’un sentiment passager, rapide, concis qui ne décrit pas les choses.
Devant cette juxtaposition de toutes ces histoires d’individus, de nations, de pays, de mondes, on est confronté de plein fouet à une réalité froide et implacable ; une sorte d’état du monde où l’apparition de cette sensibilité toute personnelle
tranche avec la violence des constats et analyses.
Sous la verrière, le motif de la corde est omniprésent et appuie sur la notion de lien que l’artiste développe depuis de nom- breuses années dans son travail.
Tout d’abord, une corde longue de plusieurs dizaines de mètres serpente dans l’espace et nous guide vers les sept chaises qui y trônent. Chacune intitulée “Add verticality to your seat (to Socrates)”, elles ont été réalisées dans des sections de troncs centenaires collectées en Roumanie puis ont été taillées dans la masse par des artisans locaux qui ont travaillé sur cette forme épurée avec l’artiste selon des techniques traditionnelles.
"Add verticaly to your seat (to Socrates)", 2018 de Mircea CANTOR - Courtesy VNH Gallery © Photo Éric Simon
"Add verticaly to your seat (to Socrates)" et "Words are ropes", 2018 de Mircea CANTOR - Courtesy VNH Gallery © Photo Éric Simon
Parallèlement à cette dimension patrimoniale, la réalisation de ces portraits abstraits du philosophe sous les traits d’une chaise rappellent sa position d’accusé, lui qui a été condamné à mort pour ses idées. Accusé de tout pour avoir reconnu ne rien savoir (cf doctrine socratique pour laquelle l’artiste éprouve un grand intérêt), le philosophe, loin de renoncer, s’est servi de cette tribune à la finalité funèbre - racontée par Platon dans “L’Apologie de Socrate” - telle une caisse de résonance dont l’écho inspira ses contemporains comme il inspire la philosophie contemporaine.
Une seule chaise semble à peine retirée d’un brasier, comme témoin rémanent d’une violence antérieure, d’un pouvoir renversé ou sur le point de l’être.
Sur les murs, les oeuvres sur papier “Words are ropes” (2018) - réalisées au vin - soulignent une dernière fois cette importance des mots qui, par leur assemblage savant et profond, peuvent séparer, confronter ou alors sublimer le quotidien pour atteindre l’universel.
Mircea Cantor a été lauréat du Aspen Leadership Prize (2017), du Prix Marcel Duchamp (2011), du Zece Pentru Romania Award (2010) ainsi que du Prix de la Fondation d’entreprise Ricard (2004).
"Add verticaly to your seat (to Socrates)", 2018 de Mircea CANTOR - Courtesy VNH Gallery © Photo Éric Simon
VNH Gallery
108, rue vieille du Temple
FR-75003 Paris
Horaires d’ouverture : Du mardi au samedi, de 10h à 19h