Artiste du XXème Siècle: Marie Helena VIEIRA DA SILVA
"Le jeu de cartes", 1937 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger © Photo Éric Simon
Du 20 septembre au 16 novembre 2019
« J’observe la rue et les gens qui marchent, chacun avec une apparence différente, chacun avançant à son propre rythme. Je pense aux fils invisibles qui les manipulent... J’essaie de percevoir la mécanique qui les coordonne. Je dirais que, d’une certaine façon, c’est cela que je tente de peindre. »
Les Galeries Jeanne Bucher Jaeger, Paris, Waddington Custot, Londres et Di Donna, New York ont le plaisir d’organiser ensemble une exposition itinérante historique entre la France, la Grande-Bretagne et les États- Unis, d’œuvres de l’artiste d’origine portugaise, naturalisée française en 1956, Maria Helena Vieira da Silva. Il s’agit de la première collaboration de ce type entre ces trois galeries internationales.
"Composition aux damiers bleus", 1949 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Collection particulière, Paris © Photo Éric Simon
'Red houses", 1962 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Gallery Knoedler, New York © Photo Éric Simon
Réunissant des peintures et des œuvres sur papier emblématiques de l’ensemble de sa carrière, l’exposition examinera son approche unique de la représentation de l’espace, envisagée sous l’angle de compositions semi-abstraites et poétiques.
Dans ses toiles, une qualité labyrinthique émerge des structures tout en dédales qui jouent avec l’espace et la perspective et invitent le spectateur à déambuler dans des espaces multidirectionnels, à pénétrer un système révélant la complexité du monde, en explorant tous ses points de vue y compris ses espaces les plus intimes.
Comme Vieira da Silva le souligne elle-même « la perspective est une manière de jouer avec l’espace. J’ai beaucoup de plaisir à regarder l’espace, les rythmes. L’architecture d’une ville a des rapports avec la musique. Il y a des temps longs, des temps courts. Il y a de petites fenêtres. Il y en a de grandes. » Dans ces œuvres se manifeste le Jeu du Monde et ses cartes sans cesse rebattues, telles des accumulations de savoirs et de mémoires, des mises en forme de pensées et de rêves, de sciences et de jeux, de lois et de traités, de théologies et d’astronomies...
"Sans titre", 1955 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Collection Particulière, France © Photo Éric Simon
"Perspectives", 1981 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Collection particulière, Portugal © Photo Éric Simon
Après la Seconde Guerre mondiale, Vieira da Silva devint membre du mouvement expressionniste abstrait à Paris. Elle saisit l’ambivalence entre la forme géométrique et lyrique dans les fusions d’un espace illusionniste et, à partir de l’étude et de l’assimilation des premiers styles modernes cubisme, abstraction géométrique et futurisme, compose son vocabulaire visuel unique dans l’univers de la peinture.
Les perspectives infinies de ses compositions peuvent se lire comme la manifestation d’une essentielle exploration de l’espace, de ses recoins et ses liens, qu’ils soient intimes ou lointains chez Vieira da Silva artiste immigrée parmi tant d’autres dans le Paris d’après-guerre. À partir d’une convergence de lignes flottantes apposées sans aucun sujet préconçu à l’esprit, elle amène l’œil à identifier des images émergentes puisant leur source dans ses souvenirs et son sens intuitif du motif et du rythme.
L’espace psychologique que crée cette représentation fragmentée de la réalité capte la façon dont l’esprit retient et remodèle les souvenirs : il ne renvoie pas seulement à sa vie à Paris, mais aux expériences sensorielles de son enfance à Lisbonne, célèbre pour les motifs fascinants de ses rues pavées et son extrême attention à tout ce qui l’entoure.
"Figure de ballet", 1948 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Collection particulière, New York © Photo Éric Simon
"La ville nocturne ou les lumières de la ville", 1950 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Collection particulière, Suisse © Photo Éric Simon
Bien qu’elle entretienne un sens de profondeur de l’espace et des perspectives au moyen d’une structure et d’un ordre sous-jacents, Vieira da Silva se plaît à brouiller la frontière entre représentation et abstraction de sorte que les surfaces évocatrices de pièces connues ou de vues urbaines aériennes ne décrivent jamais totalement un seul lieu ou panorama mais un enchevêtrement de lieux visités.
Dans un monde qui va sans cesse en s’accélérant, ses évocations d’une réalité toujours renouvelée et envoûtante ne perdent rien de leur pertinence et de leur contemporanéité, bien au contraire, puisqu’elles nous font visiter ses espaces parallèles qui côtoient et s’apportent sans cesse, dans un ballet musical incessant.
"Chemins de la paix", 1985 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger © Photo Éric Simon
"Mémoire", 1966-67 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger © Photo Éric Simon
Vieira da Silva peint certainement son étonnement d’être un être vivant, de bouger, de persévérer, de s’ouvrir à la lumière et à l’échange avec tout ce qui l’entoure. Dans la croissance des tissus organiques de ses tableaux où les lignes se croisent et se recroisent, elle découvre toujours de nouvelles issues de lumière, ce vide/plein, cette destination de présence inconnue qu’elle explore depuis le début de son œuvre et, plus particulièrement, dans ses œuvres des années 70 à 90 où une trajectoire ascensionnelle se fait plus évidente comme si notre vie s’apparentait à un chemin de traverse.
C’est à peine après son arrivée à Paris en 1928 que Vieira da Silva fit la connaissance de Jeanne Bucher, qui fut la première galeriste à montrer son travail, galerie à laquelle elle restera fidèle à travers les générations, jusqu’à sa mort en 1992 et qui continue à défendre son œuvre à travers le temps. Par le biais de cette importante exposition et afin de souligner l’univers pictural d’une femme peintre tout à fait singulier dans un contexte international, la galerie parisienne Jeanne Bucher Jaeger entre en collaboration avec les galeries Waddington Custot à Londres et Di Donna à New York, avec une exposition unique voyageant dans ces trois lieux, rebattant ainsi à chaque fois les cartes d’une œuvre profondément actuelle dans sa vision globale d’un espace aux innombrables liens tissés.
"Et puis voilà...", 1951 de Marie Helena VIEIRA DA SILVA - Courtesy Beda Jedlicka, Suisse © Photo Éric Simon
Née en 1908 à Lisbonne, issue d’un milieu bourgeois, Maria Helena Vieira da Silva a été très tôt familiarisée avec l’art grâce à son grand-père, fondateur du journal lisboète O Século. Après avoir commencé ses études dans sa ville natale qu’elle quitte pour Paris en 1928, elle poursuit sa formation à l’Académie de la Grande Chaumière, notamment chez le sculpteur Antoine Bourdelle. Elle y rencontre son futur mari, le peintre hongrois Árpád Szenes qu’elle épouse en 1930. Bien qu’elle ait pratiqué la sculpture, elle se consacre, dès 1929, essentiellement à la peinture, très vite empreinte d’un style abstrait et géométrique, marquée par l’œuvre de Torres-García, de Cézanne, de Bonnard et influencée notamment par les azulejos, avec aussi une fascination pour les jeux et les immeubles en construction.
En 1932, elle fait la connaissance de Jeanne Bucher qui deviendra son premier marchand, qu’elle surnommera “Notre-Dame de Paris” et avec laquelle elle restera liée tout au long de sa vie.
"Marie Helena VIEIRA DA SILVA in her studio", 1960 - Courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger © Photo Wölbing-Van Dyck, Bielefeld et Ida Kar
Suite à la parution de l’édition Kô et Kô en 1933, Jeanne Bucher l’expose dès 1937 à Paris puis suivra une exposition chez Marian Willard à New York en 1946.
Pendant la seconde guerre mondiale, Vieira da Silva et son mari partent au Portugal, puis au Brésil, avant de rentrer à Paris en 1947. Suite à ce retour, l’Etat français inaugure sa politique d’acquisitions de ses œuvres. Naturalisée française en 1956, Vieira da Silva a reçu de nombreux prix, dont le Grand Prix National des Arts du gouvernement français en 1966. Elle est ensuite nommée Chevalier de la Légion d’honneur en 1979.
Elle restera constamment promue et défendue tant en France qu’à l’étranger par Jean-François Jaeger dès sa prise de fonction en 1947 et plus particulièrement à partir de 1960 à l’occasion du déménagement de la galerie vers la rue de Seine, puis par Véronique Jaeger depuis 2004, co- commissaire des expositions des dizième et vingtième anniversaire de la Fondation lisboète.
Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier et sont aujourd’hui dans les collections du MoMA de New York (premier acquéreur de son œuvre), de la Guggenheim Foundation, de la Phillips Collection à Washington, du San Francisco Museum of Modern Art et de l’Art Institute de Chicago, du Centre Pompidou et du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, des musées de Dijon, Colmar et Grenoble et de la Tate Modern de Londres. Deux ans après la naissance de la Fondation Árpád Szenes – Vieira da Silva à Lisbonne et l’inauguration d’un musée qui abrite les œuvres des deux artistes, Vieira da Silva décède à Paris en 1992.
Galerie Jeanne Bucher Jaeger
5 rue Saintonge
75003 Paris
https://jeannebucherjaeger.com/fr/
Horaires et jours d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 19h.