Exposition Peinture Contemporaine: Jörg IMMENDORFF «Passage»
Du 12 octobre 30 novembre 2019
Pour cette deuxième exposition de Jörg Immendorff, la Galerie Suzanne Tarasieve a choisi de présenter les travaux ultimes de lʼartiste.
Jörg Immendorff a fait exister un monde, celui dʼimages issues de la Renaissance en sʻéloignant de plus en plus du climat liber- taire et contestataire des années 60. Il découvre des formes dʼérudition savante jusquʼalors délaissées pour en faire une source inépuisable dʼinspiration et dʼénergie.
Dans cette aventure compulsive, il emmène avec lui des amis : Goya, Granville, Hogarth, Dürer, Caspar David Friedrich, etc. Il délaisse lʼhéritage de Pollock ou de Picasso et se tourne vers Schwitters, Max Ernst, Manzoni et Broodthaers.
Cet appétit érudit pour les illustrations de livres anciens sera pour lui un moyen de signifier la fonction de lʼart dans lʼhistoire et de libérer la peinture des limites dʼun plaisir esthétique complaisant.
A partir de 2003 la maladie neuro-dégénérative dite maladie de Charcot, diagnostiquée en 1997, au moment où lʼartiste connaît une reconnaissance internationale (il a alors 52 ans), provoque la paralysie du bras gauche puis celle du bras droit, et contrarie la réalisation dʼun tableau.
Avec le soutien de sa jeune épouse Oda Jaune, elle-même artiste, et dʼassistants, Immendorff va trouver le ressort nécessaire pour produire ses dernières œuvres. Ce sont ces derniers tableaux que lʼon peut voir ici, presque tous sans titre, très différents de sa production antérieure où la présence du langage était centrale.
« Celui qui ne veut pas penser, quʼil sorte dʼici en vitesse » déclamait Joseph Beuys. Son élève préféré ne va pas seulement penser, il va vouloir rêver. Du temps quʼil lui reste à vivre, Jörg Immendorff va revendiquer une peinture mentale, onirique, introspective et illuminée. Il se quitte pour mieux se retrouver.
Sa peinture, proche dʼune Renaissance maniériste ou des proverbes flamands, invente une surréalité à la mesure dʼun désenchan- tement. A travers ce collage universel apparaissent des images exigées par lʼhistoire. Il garde en permanence à lʼesprit Beuys, Penck, Fluxus, sans oublier Marcel Duchamp, Rimbaud, Stockhausen et John Cage dont il fut lʼassistant à New-York.
Ce qui avait fait le principe narratif de sa peinture disparaît : plus de perspective, de paysage, de profondeur scénique. A la place, un extraordinaire réseau de figures apparaît au cours de ces dix dernières années, avec différentes techniques : la superposition des motifs, le découpage au pochoir, le positif / négatif des formes, lʼomniprésence de lʼornement.
Ce réseau compose un fond tantôt tramé, tantôt abstrait, tantôt obscurci, sans quʼon soit sûr quʼun ultime motif ne sʼy cache pas. Cʼest comme si tout relevait dʼune surimpression mentale destinée à aller au delà des apparences. Son travail, depuis les années du Café Deutschland (1977-1983), conçoit la présence de ses contemporains, hommes politiques, écrivains, artistes et autres figures de lʼactualité comme autant dʼallégories dʼun monde qui ne cesse de se diviser et de se recomposer au gré dʼun spectacle, celui de lʼhistoire allemande avant et après la réunification dʼoctobre 1990.
"Malerstamm - Christian und Otto", 2002 de Jörg IMMENDORFF - Courtesy Galerie Suzanne TARASIEVE © Photo Éric Simon
"Malerstamm - Georg und Otto", 2002 de Jörg IMMENDORFF - Courtesy Galerie Suzanne TARASIEVE © Photo Éric Simon
Son expérience pédagogique à la Kunstakademie de Düsseldorf de 1993 à 2003 lui sera bénéfique pour le choix de ses assistants comme aux temps des maîtres anciens.
Plus tard, le recours final à lʼordinateur lui confère une lumière inattendue, cette lumière et cette nuit quʼil a toujours voulu peindre. Elève de Beuys, étudiant de Teo Otto et assistant de John Cage, Jorg Immendorff, peintre, développe un art devenu par force majeure conceptuel. Témoin et acteur de son époque, il avait participé aux actions des années LIDL avec Chris Reinecke, à la période maoïste et ses dazibaos, à la cosmogonie punk du Café Deutschland, au scénario des « non-peintres » Duchamp et Beuys de la série Café de Flore.
Début 2000 Benjamin Katz, ami de toujours, déclenche lʼinstant de vérité que seul un photographe peut saisir. « Il a vu le peintre menacé de paralysie parader au pas de course devant lui avec, sur lʼépaule, par défi, le chêne mort de Friedrich dont il fit à Riesa en 1999 un monument à lʼart redevenu allemand, Elbquelle. Et cela dans lʼhistoire dʼun combat pour le règne des images qui, depuis des siècles, changent le monde sans le dire. Jörg Immendorff aura voulu nous en convaincre jusquʼau bout. »1
A sa disparition en 2007, il faudra plusieurs années et plusieurs expositions (Deadline au Musée dʼArt Moderne de la Ville de Paris en 2009, la rétrospective à la Haus der Kunst de Munich en 2018, à la fondation Querini Stampalia pendant la Biennale de Venise 2019, et au Reina Sophia de Madrid en octobre 2019) pour comprendre que ces peintures fascinantes inventent un langage créatif et unique, elles sont les premières dans lʼhistoire de lʼart à avoir été réalisées de cette manière.
1. Un immense merci à Eric Darragon pour son texte remarquable + Vous pourrez retrouver une explication détaillée sur chaque œuvre dans le catalogue de lʼexposition Jörg Immendorf – Passage .
Galerie Suzanne TARASIEVE
7 rue Pastourelle
Fr-75003 PARIS
Jours et horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h.