Exposition Solo Show: Gilles BARBIER « Entre, dans, derrière, sous, sur.. ».
Du 11 septembre au 31 octobre 2020
Déjà reconnu pour ses sculptures monumentales comme Le Festin ou L’Hospice, Gilles Barbier excelle aussi dans l’art du dessin, souvent de grand format. La galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois présentera sa dernière série, un ensemble d’œuvres sur calque ou sur papier dans lesquelles Barbier exploite les tissages, joue avec les notions de surface et l’illusion des profondeurs.
Entre, dans, derrière, sous, sur… : autant de prétextes à déployer des entrelacs qui vont explorer SOUS la terre, ENTRE les plis, DERRIERE la vitre ou encore SUR la mer et DANS les méandres de ses pensées obsessionnelles. Gouache, feutre Posca, bombes aérosol, blanco : l’exposition présentée au 36 rue de Seine sera l’occasion de se plonger dans la richesse foisonnante de l’œuvre dessinée de Gilles Barbier, qui exploite en profondeur depuis plus de vingt ans les nombreuses techniques de l’illustration.
L’œuvre de Barbier se constitue comme un réseau. Reprenant à son compte les concepts deleuziens de rhizome et de tanière, il préfère pour décrire son œuvre l’image d’une prolifération organique plutôt que celle d’une démarche formatée. Sans doute doit-on y voir l’influence de son pays natal, le Vanuatu (anciennes Nouvelles-Hébrides). Si pendant des années, il refusait de mettre en avant cet aspect très intime de sa personnalité, préférant citer ses autres sources d’inspiration plus « classiques », Barbier a finalement dû accepter la porosité entre sa sphère intime et son travail.
Archipel océanien changeant d’aspect en permanence au gré de la montée des eaux, de l’érosion, des violents changements climatiques et cycles de la végétation, le Vanuatu est également dépositaire d’une culture orale riche qui se chante ou se parle tout en traçant au sol sur le sable des dessins aux entrelacs extrêmement compliqués venant compléter le récit.
Si Gilles Barbier est un sculpteur virtuose, la pratique du dessin est une activité primordiale et incontournable pour l’artiste. Lié à cette pratique, comme pour les dessins de sable ni-vanuatu, il y a le mot, le langage.
Le dessin est l’affirmation que l’image n’a aucune existence arrêtée, elle peut être modifiée sans fin et suivre ainsi l’émergence des mots et de la pensée artistique. Chacune des œuvres représente à la fois le détail d’un univers et une composition imposant son évidence formelle et achevée.
Pour sa dernière série d’œuvres sur calque ou sur papier, Gilles Barbier est parti des prépositions « entre, dans, derrière, sous, sur... ». Ces mots sont le prétexte à déployer sur de grands formats des entrelacs à la gouache et/ou au feutre Posca qui vont explorer SOUS la terre, ENTRE les plis, DERRIERE la vitre ou encore SUR la mer les méandres des pensées obsessionnelles de Barbier. Formellement, ils permettent à la main de se lâcher, et produisent l’une des séries les plus « non figuratives » de l’artiste, ou le plaisir du « faire » l’emporte : les entrelacs, les coulures, les giclures, l’exploration de toutes les possibilités techniques offertes par les supports et les matériaux utilisés envahissent l’espace.
Mais Gilles Barbier n’est pas un peintre abstrait et les titres sont là pour nous le rappeler, apposés en bandeau en bas de ces grandes compositions, qui permettent de renouer les fils de tout son univers.
"Bodegón (la parabole)", 2020 de Gilles BARBIER - Courtesy Galerie G-P & N Vallois © Photo Éric Simon
« Je travaille sur papier ou sur calque et utilise tout un arsenal de moyens pour aller dessous, dessus, entre, dans et derrière en utilisant des bombes de peinture aérosol, du latex, du blanco, du posca, de la gouache, du crayon, mais aussi des caches et des révélateurs. Ça me rappelle la photographie. C’est étrange de tout penser à l’envers mais c’est aussi très productif. Je ne recherche que des libertés. »
La série de dessins dont les titres commencent par entre, dans, derrière, sous, sur laissent penser l’art – et le monde ? – dans tous les sens, comme les dessins de sable traditionnels du Vanuatu d’où l’artiste est originaire, qui le fascinent depuis toujours. Ces dessins lient en un seul geste l’histoire, l’image, l’espace et le temps : une écriture qui se lit dans toutes les directions. Une « préposition » est un mot-outil servant à lier syntaxiquement un mot à celui qui le précède, dans une relation de subordination. Entre, dans, derrière, sous, sur… sont autant de déplacements de l’artiste autour du motif enfoui dans un système complexe, comme une vague qui malaxe tout dans un flux continu, un maelström - du néerlandais malen, « broyer » et strom, « courant ».
"Bodegón (L’asymptote)", 2020 de Gilles BARBIER - Courtesy Galerie G-P & N Vallois © Photo Éric Simon
L’idée de réseau circule partout, Entre, dans, derrière, sous, sur… ces grandes compositions : le papier devient la surface d’expression d’une exploration sous la surface du visible, sous la peau des choses. Le motif perd de sa figuration et libère le geste de Gilles Barbier : « La page est ma plage ». Il tisse l’essence et les sens des images dépossédées, extraites de la vie et des replis les plus intimes de la mémoire jusque dans ses dérives les plus programmatiques. Comme Entre les plis (les souvenirs), la langue s’est glissée dans toutes les strates de l’œuvre de Gilles Barbier.
Pourtant, il arrive que des titres se logent dans un coin de l’esprit mais que l’image ne vienne pas. Gilles Barbier s’est arrêté Sur la vague (les accélérations), comme un mot sur le bout de la langue. Serions-nous face à une image qui n’existe pas ? Peut-être parce qu’il n’y a jamais deux vagues semblables, et que vouloir s’en déposséder serait se lancer dans une entreprise infinie comme le flux et le reflux du courant ; peut-être parce que la vague brasse toute la mémoire du monde ; peut-être parce que sous ce titre « se planque » une trop grande humanité ; peut-être aussi parce que finalement penser la vague, c’est être à la fois sur, dans, derrière, dessous, devant ; c’est être tiraillé dans toutes les directions, toutes les dimensions. Des accélérations face auxquelles on ne peut rien, cette puissance qui nous renverse en un instant, comme cette peau de banane, cet esprit de la glisse incontrôlé, incontrôlable, qui n’en finit jamais de penser le monde.
"Bodegón (la ligne droite)", 2020 de Gilles BARBIER - Courtesy Galerie G-P & N Vallois © Photo Éric Simon
Gilles Barbier arrive en France à l’âge de vingt ans et met alors en place un travail qu’il définit comme fiction. La distance qu’il introduit ainsi avec l’« intelligence de l’œuvre » lui donne une considérable mobilité, embarrassant pour qui veut simplifier l’ensemble en une unité cohérente. Son parcours, avec la copie rigoureuse du dictionnaire comme bruit de fond, traverse des corps définis comme des clones, des espaces « médiagéniques » avec des super héros grabataires, mais aussi, la « pornosphère », les mondes « corrigés », les « Perdu dans le Paysage » ou « Planqué dans l’atelier »… soucieux d’associer à ce corpus la rigueur de son travail théorique, son « ressassement », Gilles Barbier alimente en textes et en outils de réflexion un flux continu de dessins, d’images. Parmi ses outils, on retrouve certains fromages, des bâtons relais, des bananes, des vers de terre, des terriers, l’espace tube, la vaseline, la bombe atomique, la cosmétique, l’obésité…
Finalement, l’œuvre de Gilles Barbier est une forêt qui reste à défricher tant elle est profuse et luxuriante. Bâtie sur un système où tout est possible et où chaque pièce n’est que la version visible de toutes ses versions potentielles, elle recèle de multiples flux dont l’entrelac dessine une esthétique de la consommation, voire de la consumation.
Gilles Barbier est représenté par la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois depuis 1995 : il s’agit là de sa 12e exposition personnelle à la galerie. Déjà présent dans de grandes collections muséales françaises (MNAM, MAM, etc.) et étrangères (Santa Barbara Museum, Margulies at the Warehouse, etc.), Gilles Barbier prépare actuellement deux grandes expositions personnelles, au Musée Soulages pour décembre 2020, et au HAB de Nantes pour 2021.
33/36, rue de Seine
75006 Paris
Jours et Horaires d’ouverture : du lundi au samedi de 10h30 à 13h et de 14h à 19h