Exposition Peinture contemporaine: Pieter VERMEERSCH
"Perimeter 03", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Du 17 octobre au 30 janvier 2021
Il y a, paraît-il, des centaines de manières de faire de l’art, et probablement un peu moins de manières de faire de la peinture, mais quand même.
Pop puis minimale, néo-expressionniste puis Bad et neo geo en même temps, elle investit successivement, dans les décennies précédentes, une excitante litanie de conceptions — il paraît que, récemment encore, elle était « Zombie ». Longtemps, on lui fit reproche d’être “décorative“ (probablement parce qu’elle s’accroche au mur) et d’être parmi toutes les formes d’art la plus bourgeoise et la moins contemporaine (car il y a tant de nouvelles formes d’art évidemment plus cool).
Aujourd’hui réhabilitée peut-être, en tous cas parfaitement désinhibée, elle tire profit de la simplicité de son appréhension : tout est sinon à la surface, du moins dans la surface rectangulaire que l’on appréhende d’un coup. Si elle est bien faite, elle met en marche nos propres rayons X et, à travers elle, nous en voyons d’autres faites par d’autres artistes et à d’autres époques.
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
L’exposition que Pieter Vermeersch a conçu pour Perrotin Paris (sa sixième exposition personnelle pour cette galerie, la troisième à Paris), c’est à craindre, ne rassurera pas ceux qu’inquiètent son art en général et sa conception de la peinture en particulier. Inquiétant, en effet, parce que sans équivalent — mais avec suffisamment de points d’appui historiques pour que nos rayons X aient de quoi faire.
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Elle se nourrit de tous les antagonismes de la discipline, se voulant par exemple à la fois figurative (elle a toujours une source photographique, ces photographies sont toujours faites par Vermeersch, même lorsqu’il s’agit de photos qu’il qualifie d’« accidentelles ») et abstraites (car ces photographies « accidentelles » n’ont souvent à offrir que quelques variations colorées informelles).
Même lorsque la toile est « abstraite », elle est paradoxalement fabriquée comme une peinture photoréaliste, l’image photographique y étant reproduite avec un méticuleux système de grilles. De la toile elle garde parfois souvenir uniquement du format (et encore peut-elle être shaped) l’entrainant vers d’autres supports : dans l’exposition parisienne, la première salle comprend des sérigraphies sur marbre et la dernière permet de déployer un ensemble de peintures à l’huile sur bois fossilisé — un bois que, comme le décrit Vermeersch, le temps aurait « rendu minéral ».
Dans les sérigraphies sur marbre, « la matière devient image » au bénéfice d’une “industrialisation du pointillisme ».
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Detail "Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
L’art de Vermeersch n’est ni illustratif ni narratif : il n’a, en somme, que l’art comme béquille. Les choses partent souvent des matériaux (sur le marbre, ce sont des images de marbre qui sont sérigraphiées — l’image est tellement agrandie que chaque point de la grille laisse voir autour de lui le support) et des vertus (et récits personnels) que l’artiste y projette. Les œuvres, et plus encore les expositions, traduisent en expérience physique les réflexions scientifiques et poétiques (les deux, simultané- ment) de Vermeersch qui, ici précisément mais aussi auparavant, se focalisent sur le temps et l’espace, et la manière dont leurs divisions définissent le quotidien.
Ce n’est pas un programme que le spectateur devrait déchiffrer ou dont il devrait identifier les traces dans les œuvres et les expositions (les œuvres ne sont pas la traduction littérale d’une pensée) mais, disons, la source de laquelle elles s’écoulent. Sans jamais renoncer par ailleurs à la peinture à l’huile sur toile, l’expérimen-ation constante de nouvelles techniques (ici la sérigraphie sur marbre) et de nouveaux matériaux (le bois fossilisé) arme l’œuvre de diversité et de complexité.
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Le moment de l’exposition, chez Pieter Vermeersch, est véritablement un moment de cristallisation qui excède la présentation des œuvres. Ses expositions sont plus exactement des dispositifs ingénieux de perception, de réflexion, d’appréhension qui, eux, mettent en pratique de manière plus littérale les divisions du temps et de l’espace.
Le « room divi- der », œuvre de Pieter Vermeersch et OFFICE Kersten Geers David Van Severen, qui contrarie la première salle, celui fait de lamelles (miroir sur une face, image au verso) qui, avec sa forme de virgule, ponctue le déplacement du spectateur dans la seconde salle, « ralentissent » la visite, poétisent l’espace, et multiplient les possibilités de cadrage du regard.
Sur cette courbe en miroir les tableaux et l’espace de la pièce se reflètent et le white cube vole en éclats — Vermeersch façonne le contexte de sorte que, selon sa belle formule, il s’agisse moins de voir les œuvres que de les découvrir. Ce faisant, il esquisse aussi un pas dans la direction qui s’oppose à la « civilisation de l’accès » qui caractériserait l’époque qui nous est contemporaine.
"Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Détail "Untitled", 2020 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Le moment de l’exposition est aussi celui où les œuvres murales sont provisoirement confrontées aux matériaux et aux couleurs de ce « room divider » : dans l’exposition parisienne, le polycarbonate et le miroir, pro- duits industriels, mettent en scène le marbre et le bois sur un mode conflictuel.
Pareillement, les œuvres elles-mêmes exposent des conflits entre l’industriel et le naturel, via par exemple l’application des composants chimiques de l’encre de sérigraphie sur le marbre brut. Conflictuel ou «Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » ?
Le dispositif qui fabrique l’exposition de Vermeersch organise pour le spectateur l’expérience de ces conflits sur un mode qui, lui aussi, tient à distance la logique.
Eric Troncy
Galerie Perrotin
76 rue de Turenne
Fr - 75003 Paris
Jours et Horaires d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h00 à 19h00.
Expo Peinture Contemporaine: Pieter VERMEERSCH " Turning to Stone " - ACTUART by Eric SIMON
"Untitled", 2016 de Pieter VERMEERSCH - Courtesy Galerie Perrotin © Photo Éric Simon Du 7 janvier au 18 février 2017 Connaissant Pieter Vermeersch depuis maintenant une vingtaine d'années, j'ai...
http://www.actuart.org/2017/01/expo-peinture-contemporaine-pieter-vermeersch-turning-to-stone.html