Exposition Peinture Contemporaine: Arnaud LABELLE-ROJOUX «Étant Damnés»
"Ich bin Joseph BEUYS", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Du 22 janvier au 13 mars 2021
Prolongation de l'exposition jusqu'au 24 mars 2021
Est-il bien utile de préciser à quoi se réfère ce titre ? Pour qui connaît Étant donnés, l’œuvre ultime de Marcel Duchamp, la réponse ne soulève guère de doute, surtout si l’on sait que j’ai récemment consacré un petit livre au Marchand du sel1. De fait, en cherchant bien toutefois, les analogies avec son « approximation démontable » existent. Mais pas seulement. Le film de Visconti ? Il s’appelle en italien « la chute des dieux ».
Retenons le mot chute. Il en est question. Des dieux également d’ailleurs. L’Internationale ? Non, quoique, bien sûr, les damnés, que le chant révolutionnaire exhorte à se soulever, sont parmi ceux que ce titre inclut. Car damné, qui ne se sent pas tel dans cette période si sombre qu’elle m’évoque non seulement un enfer terrestre frappé de mille plaies rendant dérisoires celles d’Égypte, mais aussi un retour au Moyen Âge pour une société humaine que les nouveaux inquisiteurs de tout poil rendent chaque jour davantage invivable, et que la nature rebellée menace comme dans les légendes les plus terrifiantes du temps passé ?
En réalité, ce pessimisme que l’époque impose, propice aux fantasmes frisant le délire, oppose toujours banalement les figures du Bien et du Mal. Duo aussi vieux que le monde. C’est peut-être ce qui s’entend dans le titre : « et tant d’années ».
"Je suis Karlie", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Étant damnés" et "Chute d'homme", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Sanctus est", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Montaigne dit des noms donnés aux chapitres de ses Essais qu’ils « n’en embrassent pas toujours la matière ». C’est évidemment le cas de celui de cette exposition, laquelle, au reste, porte un sous-titre : « Un épisode de La Passion triste ».
Élaboré en 2005, le projet intitulé Manifeste de La Passion triste conçu avec Xavier Boussiron avait pour objectif d’évoquer, sur différents modes, hors de toute orthodoxie philosophique et de l’actualité immédiate, ce à quoi cette formule spinozienne nous semblait inviter poétiquement : l’émotion contradictoire, les sentiments troublés, une sorte d’irrationalité créatrice, que nos univers partagent. Plusieurs manifestations ont été imaginées à partir de ce concept incertain, notamment l’installation Le Miracle familier2, présentée à « La Force de l’art 02 » au Grand Palais, à Paris, en 2009.
Celle-ci a vu apparaître la sculpture d’un âne assis tenant une reproduction sur toile du Coucher de soleil sur l’Adriatique de Boronali (mystification célèbre et tableau partiellement peint par la queue d’un âne), spectateur d’une scène sur laquelle se présentait, tels des acteurs muets, une série d’œuvres aux affinités apparemment contre nature, appareillées par deux ou par trois.
"La viande c'est fini !", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Loup de rigeur", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"War", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Il s’agira cette fois-ci d’une accumulation composite et chaotique de peintures, dessins, sculptures faisant état d’inquiétudes enfouies, pour le dire un peu pompeusement, dans les zones les plus primitives de la psyché, dont les représentations (celles de la peur, du désir, de toutes les pulsions, des croyances) ouvrent aux interprétations multiples. Les titres ne sont que des indices : Puis elle se mit à danser... (2020) ; Avec l’âge les raideurs changent de place (2020) ; Et si je mens ? (2020) ; Ils te crèveront les yeux (2020)...
L’âne se rencontre encore (Asinus domestique, 2020), en particulier dans des dessins, ainsi que le cochon toujours rose ou le corbeau très noir (Haec Tibi Omnia Dabo, 2020 ; Good Night, Sweet Dreams, 2020), rappels que l’animal est un symbole. Forcément un symbole. Recherché ou pas. Tous renvoient sans doute à des souvenirs d’enfance, essentiellement livresques.
Et peuplés d’images. La série de petites peintures automatiques conçues comme des illustrations trouvées dans des contes (Étant damnés, 2020) en témoigne. Les réalisant un peu à la façon d’un moine enlumineur soucieux de précision illusoire, j’ai eu le sentiment d’être mentalement enfermé, confiné dans l’espace réduit de la feuille, avec pour résultat paradoxal de révéler un inconscient étrangement théâtralisé, qui plus est, en costume.
"Haec tibo omnia tabo", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"L'esprit de la bûche (beaucoup de travail !)", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Détail "Dada Counette", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Ah ! Ah !", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
C’est cette série qui est à l’origine de l’exposition. Tout ce qui la constitue y fait, dans des registres variés, référence littéralement ou de biais. Et elle trouve un écho singulier dans la vidéo Los Confinados3 de Xavier Boussiron, réalisée pendant le premier confinement comme un film-feuilleton en dix-sept chapitres. Laissons à l’intéressé le soin de nous éclairer : « Le nombre de chapitres se réfère à l’un des chefs-d’œuvre du XXe siècle, à savoir Le Prisonnier conçu par Patrick McGoohan, qui totalisait dix-sept épisodes. Et aussi à la fameuse réflexion de Francis Picabia : “Alors, qu’est-ce qui reste ? D’un côté la maladie, de l’autre la mort. Voilà.” Très Passion triste, non ?
Dans Los Confinados, il est question d’ingratitude, de mauvaise foi, de concurrence, de domination, d’envie de pouvoir et de bigoterie inventée sur le tas. Ça se passe à une époque où tout le monde est cantonné à la niche, et condamné à faire son trou. Non pas un trou pour s’y jeter par désespoir, mais un trou pour regarder à travers. Comme disait l’épineux Spinoza : Caute4 ! »
-Arnaud Labelle-Rojoux
1. Il s’agit d’une commande d’Emmanuel Tibloux pour la collection « Icônes », qu’il dirige avec Jean Cléder aux Éditions François Bourin. Titre du livre : Duchamp.
2. Elle avait été précédée d’une autre installation, suscitée, elle, par le Frac Collection Aquitaine au musée Bonnat, à Bayonne, Les Choses à leur place (2005), et avait fait l’objet d’un livre, Le Cœur du mystère (Les Éditions Particules, 2007), et d’un disque, Le Point d’orgue musical (Suave, 2009)
3. La bande originale du film est disponible en disque vinyle, éditée par Suave (2021).
4. Beware!
"Ils te creveront les yeux (cria cuervos)", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
""Foetus de footballeur adulte", 2006 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Avec l'âge les raideurs changent de place (sculpture diorama)", 2020 de Arnaud LABELLE-ROJOUX - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Arnaud Labelle-Rojoux est né en 1950, Arnaud Labelle-Rojoux est artiste plasticien, performeur et écrivain. Sa pratique, qui opère par glissements de genres, se manifeste sous une foisonnante forme plastique (dessins, collages, toiles, sculptures...), un corpus d’ouvrages (fictionnels, critiques) et une série d’actions (performances, conférences). Interdépendantes, ces différentes expressions s’inscrivent dans le champ de l’art-action théorisé par l’artiste. Son œuvre convoque un large éventail iconographique puisé dans l’histoire de l’art (Caravage, Duchamp, Fluxus), la philosophie (Spinoza) et la culture populaire (Elvis, The Beach Boys, Fantômas)...
Mettant sur un même plan haute et sous-culture, les murs d’Arnaud Labelle-Rojoux traduisent sa pensée artistique, où cohabitent, sans ordre ni classement, chacune des entités mises en jeu. Une « ontologie plate » parasitant tout sens de lecture imposée et encourageant les interprétations multidirectionnelles et déhiérarchisées.
Galerie Loevenbruck
6 rue Jacques Callot
Fr – 75006 Paris
Jours et horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h.
Expo Solo Show: Arnaud LABELLE-ROJOUX "Tombe la neige" - ACTUART by Eric SIMON
Du 12 Décembre au 31 Janvier 2015 "Cheval de triomphe", 2014 de Arnaud Labelle-Rojoux Courtesy Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon "A ta sainteté !", 2014 de Arnaud Labelle-Rojoux Courtesy ...
http://www.actuart.org/2015/01/expo-solo-show-arnaud-labelle-rojoux-tombe-la-neige.html