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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

27 May

Exposition Peinture Contemporaine: Alain JACQUET «JEUX DE JACQUET»

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Peinture Contemporaine

"Sans titre", 1962 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Sans titre", 1962 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

Du 27 avril au 5 juin 2021

 

La galerie Perrotin est heureuse d’accueillir une première exposition dédiée à Alain Jacquet, la galerie représentant désormais l’estate de l’artiste. Cette exposition d’envergure, conçue en étroite collaboration avec la famille de l’artiste, couvre plusieurs décennies de la carrière d’Alain Jacquet, et investit les trois espaces de la galerie dans le Marais. Un catalogue raisonné de l’œuvre de l’artiste est également en préparation par le comité́ Alain Jacquet.

 

Aussi varié dans ses procédés et dans ses formes que cohérent dans ses principes, l’œuvre d’Alain Jacquet présente d’incessantes métamorphoses autour du phénomène de la perception. D’un « tout fait main » au «tout fait machine1», il aura exploré la façon dont notre regard, à l’ère de la reproductibilité technique, est toujours infiltré d’images.

"Camouflage Lichenstein / Picasso, Femme dans un fauteuil", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Lichenstein / Picasso, Femme dans un fauteuil", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Prophète Isaïe", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Prophète Isaïe", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

Né en 1939, cet artiste appartient à une génération ayant assisté à l’expansion de la consommation et à la prolifération sans précédent des images. C’est d’ailleurs par des reproductions photographiques qu’il découvre les peintres abstraits américains qui lui inspireront ses premières toiles. Affichant de grands balayages gestuels d’apparence abstraite, on peut supposer que chacune d’elles a pour origine une image référentielle, comme cela est le cas d’un tableau de cette période intitulé Lever de soleil sur la falaise (1960). Il s’agit là d’un principe constant de son œuvre, celui de l’« image latente», relevant d’une mémoire collective aussi bien qu’individuelle, que l’on retrouve dès ses séries suivantes.

 

À commencer par ses Jeux de Jacquet, fondés sur une homonymie avec son propre nom, soit un ensemble de toiles dont les volutes, les courbes et les triangles irréguliers de couleur verte, bleue, jaune, rouge et blanche reprennent les formes colorées du tapis de ce même jeu. Ce vocabulaire baroque, enrichi de pourpres et de roses, se répercute immédiatement dans ses Images d’Épinal (1961-1962). Comme leurs titres l’indiquent, ces peintures sont produites à partir d’images d’Epinal réduites à des formes simplifiées, librement transposées au pinceau sur de grandes toiles. Tout se passe ici comme si l’artiste ramenait l’expressionnisme abstrait au statut d’une simple imagerie, pointant ainsi la « propension des livres d’histoire de l’art à transformer l’abstraction en image »2.

"Camouflage Walt Disney (Donald watching TV)", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Walt Disney (Donald watching TV)", 1963 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Statue de la Liberté", 1964 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Camouflage Statue de la Liberté", 1964 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"La Source", 1965 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"La Source", 1965 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

Voir une abstraction, une œuvre qui échappe à la représentation au profit d’une pure présence, c’est forcément la corréler dans les années 1960 comme aujourd’hui aux références visuelles qui peuplent notre regard, c’est-à-dire la voir comme « une image» d’abstraction.

 

C’est aussi par des reproductions qu’Alain Jacquet prend connaissance du pop art américain au début des années 1960. La proximité avec ses recherches autour des images de masse l’interpelle et l’incite à entamer un dialogue avec les artistes de ce courant3.

Roy Lichtenstein, qu’il rencontre en 1964 à New York, est celui avec lequel les échanges sont les plus fructueux, donnant lieu à plusieurs appropriations de ses peintures tel que Camouflage Lichtenstein/Picasso, Femme dans un fauteuil (1963). La toile originelle de Lichtenstein, transposant elle-même une œuvre de Picasso dans une trame de points, est ici recouverte par une juxtaposition de plages de couleurs ondoyantes caractéristiques des premiers Camouflages d’Alain Jacquet.

 

Succèdent en 1963 des Camouflages fondés sur des télescopages d’images hétéroclites, prélevées dans la culture populaire et dans l’histoire de l’art, selon des principes de superposition et d’hybridation. Assurément pop, chacun des tableaux de cette série « est un plan de condensation, une surface de passage et de commutation, où viennent se chevaucher différentes strates de culture, différentes cristallisations d’espace et de temps.»4

"The first Breakfast", 1972 - 1978 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"The first Breakfast", 1972 - 1978 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Catherine à Sidi R'Bat", 1974 - 2004 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Catherine à Sidi R'Bat", 1974 - 2004 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

 Autrement dit, une image en cache toujours une autre, selon une logique d’enchâssement puisant dans l’épaisseur de nos mémoires visuelles.

Cette logique est également à l’œuvre dans l’une des pièces les plus connues de l’artiste, Le Déjeuner sur l’herbe (1964). Cette toile marque la transition d’une pratique manuelle de la peinture à l’impression photomécanique, faisant ainsi de l’artiste un précurseur du Mec’Art selon le terme inventé par Pierre Restany pour qualifier ses œuvres. Il s’agit là d’un transfert sérigraphique, tramé de points bleus, jaunes, rouges et noirs, d’une photographie pour laquelle des amis de l’artiste ont repris la pose des personnages du tableau de Manet, lui-même inspiré par le Concert Champêtre de Giorgione. En toute logique, ayant pour principe une technique de reproduction, ce tableau a donné lieu à une déclinaison d’œuvres à partir du recadrage et de l’agrandissement de la photographie d’origine.

 

D’une toile à l’autre, la taille et les couleurs des trames varient suivant des effets de flou et de brouillage allant parfois jusqu’à faire disparaître le sujet, comme cela est le cas avec Limite entre le béton et l’eau (1964), soit la dilatation du bord de la piscine où se trouvent les personnages. Comme dans la plupart des œuvres d’Alain Jacquet, une tension se joue ici entre abstraction et figuration, sans qu’il y ait de ruptures entre elles mais au contraire des passages liés à des questions d’échelonnement, de gradation ou, pourrait-on dire, de mise au point. Image d’image d’image, Le Déjeuner révoque les notions d’originalité et d’unicité de l’œuvre d’art, anticipant ainsi sur l’art simulationniste et appropriationniste, en même temps qu’il signale une nouvelle condition de nos existences : dans un monde toujours plus saturé de signes et d’images, toute expérience est d’ores et déjà mêlée de représentations.

"Exoteric (Billes Colorées", 1970 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Exoteric (Billes Colorées", 1970 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Marilyn and the Angels", 1984 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Marilyn and the Angels", 1984 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

Une fois le procédé mécanique enclenché, Alain Jacquet déploie sur tout type de support différentes trames, circulaires ou linéaires, à partir d’une iconographie populaire, de photographies rejouant des tableaux iconiques et de grands thèmes de l’histoire de la peinture, tels que des femmes de dos, couchées ou penchées.

 

Parmi toutes ces expérimentations, il arrive que l’artiste redouble l’effet de tramage lorsque le sujet de référence présente également des rayures (Zèbre, 1966) ou lorsque l’objet sur lequel il est imprimé ne fait qu’un avec lui (une image de toile de jute sur un sac de jute, un plancher sur un plancher,...), révélant ainsi le devenir image des objets au sein de la société du spectacle. Au début des années 1970, The First Breakfast (1972-1978) amorce une série d’œuvres où la main de l’artiste refait son apparition et où les images latentes liées à la culture populaire cèdent la place à la projection d’images fantasmatiques.

"Ducan Donut", 1989 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Ducan Donut", 1989 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Le déjeuner sur l'herbe", 1964 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Le déjeuner sur l'herbe", 1964 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

Cette œuvre séminale consiste dans la reproduction de la première image de la Terre vue depuis l’espace, à laquelle Jacquet superpose une trame circulaire dont le centre est la pyramide de Khéops. S’en suivent des peintures où les masses nuageuses et continentales du globe laissent émerger des figures mentales comme le feraient des tests de Rorschach.

 

Ces dernières semblent convoquer des schémas visuels appartenant à un inconscient collectif, ce que suggère l’association de la Terre à un œuf ou à des formes apparentées à des organes sexuels (May West, 1985), sinon l’héritage jungien dont se revendique Jacquet.5

 

De la trame mécanique, l’artiste passe ensuite à la trame numérique. L’outil informatique lui permet de mettre la Terre et d’autres planètes à plat, de déplier leurs surfaces comme des peaux puis de générer des volumes troués, appelés Donuts, ou allongés, des Saucisses, qu’il assemble dans des compositions pouvant parfois évoquer des coïts cosmiques ou renvoyer à des œuvres canoniques (La Joie de vivre de Matisse pour La Danse, 1995). Par-delà leur humour, ces toiles ont quelque chose d’un symbolisme primordial, ouvert sur une germination infinie de signes, de symboles et d’images.

"Portrait de Jeannine", 1965 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Portrait de Jeannine", 1965 de Alain JACQUET - Courtesy Collection Privée © Photo Éric Simon

"Bulldozers", 1973 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

"Bulldozers", 1973 de Alain JACQUET - Courtesy de l'artiste et de la galerie Perrotin © Photo Éric Simon

La contemporanéité d’Alain Jacquet est ici manifeste tant son œuvre entre en résonance avec une nouvelle génération d’artistes, laquelle ne considère pas les images comme un redoublement du monde mais comme le milieu dans lequel baigne tout individu.

 L’enjeu est dès lors de proposer des trajectoires singulières parmi des représentations massifiées, de susciter une aura, un effet de présence par ce qui en signerait prétendument la fin, à savoir les copies de copies d’un monde encombré de signes. Nul fatalisme chez Alain Jacquet, mais au contraire une confiance inaltérable dans la possibilité de produire de la différence au sein du même.

Sarah Ihler Meyer

 

1 Cette formule est empruntée à Pierre Restany, utilisée dans un article de 1993 pour Galeries Magazine.

2 Vincent Pécoil, Wade Guyton, Les Presses du réel, Paris, 2007.

3 Comme le démontre Guy Scarpetta dans l’ouvrage Alain Jacquet. Camouflages 1961-1964, Éditions Cercle d’art, Paris, 2002, Alain Jacquet n’est pas un épigone du pop art, mais l’un de ses acteurs majeurs.

4 Ibidem.

5 Duncan Smith, Alain Jacquet, Art press, Paris, 1990

Alain JACQUET est né le 22 février 1939 à Neuilly-sur-Seine et est décédé 4 septembre 2008 à New York, est un artiste français des années 1960, notamment reconnu pour son introduction du pop art en France.

Galerie Perrotin

76 rue de Turenne et impasse Saint-Claude

Fr - 75003 Paris

 

https://www.perrotin.com/

 

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.

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