Exposition Dessin contemporain: Léo DORFNER "We're living in a Social Network"
"The Conversation" et "A Little bit of fun's never been a insurrection", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
Du 4 septembre au 9 octobre 2021
Première exposition personnelle de Léo DORFNER dans l’espace Project Rom Claire Gastaud.
Léo Dorfner est un artiste de son époque, de son temps. En quelques années, il a su inventer un nouveau vocabulaire pictural immédiatement identifiable. Sa façon d’appréhender l’aquarelle est unique : il met sa technique classique et virtuose au service d‘une iconographie contemporaine.
Se jouant du support, Leo Dorfner présente également dans cette exposition une série de paquet de gitanes, aujourd’hui disparus, sur lesquelles il peint des pochettes mythiques de disques, fidèle à son esprit rock n’Roll.
"We're living in a social network", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
"Take you hands off your neck and hold on to the ghost of my body" et "Charlotte's mouth", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
"No Remorse (De Profundis)", 2020 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
Léo Dorfner : Stories from the city
Parce qu’à force de prolifération, les images ont aujourd’hui perdu de leur aspérité, devenues aussi lisses que l’espace virtuel de leur diffusion, Léo Dorfner en propose une lecture punk qui dérange les interprétations trop chastes. Sa réappropriation des représentations médiatiques, des icônes publicitaires, des bribes du quotidien et des mèmes visuels dessine une mythologie rock du contemporain aussi incrédule qu’indisciplinée.
Par emprunts et citations, par agencement, collage et marquage, il donne forme à des narrations éclatées, souvent absurdes et anachroniques, dans lesquelles PJ Harvey se voit commenter l’histoire de l’art, des statues grecques s’exprimer sur des débats de société et des pin-up de magazine fièrement exhiber leurs tatouages.
Porteurs d’un réel potentiel critique, ses déplacements ne sacrifient pour autant jamais l’intérêt esthétique du dessin. Malgré l’impertinence de ses sujets, son travail affiche en effet une dimension indéniablement poétique qui repose sur le goût de l’expérimentation graphique et le soin pris à la composition, au cœur d’un jeu plastique entre la texture du papier, la qualité du trait, la nuance des couleurs et les éventuelles légendes qui les illustrent. Les histoires urbaines auxquelles il nous convie révèlent ainsi la belle impertinence de son regard et la capacité des superpositions d’images à faire sens, envers et contre toute logique.
"Music When the Lights Go Out",n 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
"Smoke signal", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
Dans ses travaux les plus récents, l’artiste isole et combine intuitivement des fragments d’images trouvées sur le net, base d’une narration minimale qui se prête à la libre interprétation du public. Les coupes opérées au cœur des flux numériques permettent ainsi de rediriger l’attention du public pour mettre en scène, sur papier, des associations d’idées à première vue impertinentes. Une femme blessée comme elle se maquille ou une déclaration d’amour-propre renvoyée à une larme de tristesse suffisent à construire une lecture douce-amère des images originelles, dans laquelle le plaisir des yeux est contrarié par la désillusion du sens.
L’utilisation de légendes (paroles de rock ou expressions populaires) appuie cette intention iconoclaste en créant des décalages propices à un traitement ironique. L’humour reste en effet pour lui le meilleur remède au pessimisme latent de l’époque. Ses injonctions faussement naïves à la psychologie positive (des appels au plaisir sur affiches fleuries) plaident ainsi pour un hédonisme ambigu, Léo Dorfner affirmant par-là que toute jouissance (esthétique) se paie toujours au prix d’un certain chaos.
"The Eagle of the Azores", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
Malgré la référence de son travail à ces cultures alternatives et contestataires, Léo Dorfner n’adopte jamais une posture nihiliste face à l’art. Il ne s’agit d’ailleurs pas pour lui de refuser la beauté, bien au contraire, mais de proposer une réévaluation de ses canons, en-dehors de tout académisme. Les tatouages sur photos, pièces signatures de l’artiste, relèvent ainsi d’un geste proprement vandale, par lequel l’artiste s’approprie et souille le corps des pin-up de magazine, ou celui des icônes saintes, comme pour les habiller de nouveaux ornements.
Ce caviardage épidermique qui sature les corps de motifs de chopes de bières, d’insultes, de diamants ou de têtes de mort, soit de tous les codes visuels de la culture rock semble alors annoncer le crépuscule des anciennes idoles du glamour au profit d’un nouvel ordre esthétique, moins conventionnel. Plus mélancoliques mais non moins subversives, les reproductions en aquarelle de la statuaire antique délogent les héros de leur piédestal pour les renvoyer à une certaine irrévérence, à l’image du buste d’un sage en colère ou du consul Crassus ravalé à son avidité.
Associés à des citations brutes et frontales, les augustes visages perdent ainsi leur qualité de sereins vestiges pour épouser un présent plus trouble, teinté de nostalgie, Léo Dorfner célébrant dans ses peintures un éphèbe antique à la peau de marbre ou cherchant à sauver Thésée du fauteuil de l’oubli. Entre la tentation du no future punk et le risque de la tabula rasa dans l’art contemporain, Léo Dorfner plaide in fine pour une économie des images proprement anarchique, qui se défait autant des hiérarchies de valeurs que des chronologies.
- Florian Gaité
"The Future is Stupid", 2021 de Léo DORFNER - Courtesy de l'artiste et de PROJECT ROOM Claire GASTAUD © Photo Éric Simon
Originaire de Paris et né 1985, Léo Dorfner a fait ses études à l’École Nationale Supérieure des beaux-arts de Paris. Aquarelliste virtuose, il ne se restreint pas pour autant à un seul médium. Il développe d’autres techniques telles que le dessin, la sculpture ou la photographie et partage son temps entre création personnelle et direction artistique du magazine en ligne Branded. Il vit et travaille à Paris.
Aussi bien inspiré par la culture populaire que par la culture savante, le spectre de ses sources iconographiques s’étend de l’art religieux à la mythologie en passant par les cartoons et le cinéma d’auteur. L’artiste voue par ailleurs un véritable culte à l’esthétique rock, influence qui transparait dans l’ensemble de ses travaux. Porté par des préoccupations formelles, Léo Dorfner choisit d’abord ses sujets pour leur esthétisme et renvoie au spectateur un message qui se veut clair et direct, s’éloignant de la tendance à la conceptualisation extrême de l’art contemporain.
Sensible au graphisme des produits de son quotidien Gitanes, PSG, Tsingtao, Pizza Hut — l’ensemble de son œuvre est parsemé de logos et de slogans publicitaires qui, tels des leitmotivs, s’apparentent aux icônes d’un culte contemporain. Internet constitue également un immense terrain de jeu où il puise son inspiration. Son processus créatif est alimenté par ce flux immédiat et constant d’images qu’il peut détourner, recycler, taguer et réinterpréter à l’infini. C’est d’ailleurs sur le web que l’artiste a déniché les trois gravures reprenant la figure de Pan et de la nymphe Syrinx, présentées dans l’exposition. Rebelle, Léo Dorfner a recouvert leur peau de tatouages à l’encre bleue altérant à jamais ces estampes originales. Sacrilège diront certains, gribouillis potaches diront d’autres !
L’artiste ne craint certainement pas le mélange de genres, ni la collision des époques. Il associe références personnelles et populaires, l’humour à l’absurde, inscriptions crues et poétiques. Têtes de mort, pintes de bières, ex-voto, révolvers... Les déités grecques se trouvent ainsi travesties par ces traces indélébiles délicatement griffonnées au stylo cobalt. Entre provocation iconoclaste et métamorphose d’identité, Léo Dorfner reprend les codes de sa génération et les superpose aux corps lisses des divinités d’un autre temps, les renvoyant à une condition irrémédiablement terrestre et contemporaine.
- Charlotte Hillion Historienne de l’art
PROJECT ROOM Claire GASTAUD
37 rue Chapon
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 14h à 19h.
Exposition Collective Contemporaine: Wormholes #1 - ACTUART by Eric SIMON
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http://www.actuart.org/2018/03/exposition-collective-contemporaine-wormholes-1.html