Présence Panchounette "Section Africaine"
"Portraits Kodak - Fuji", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
Du 20 novembre 2021 au 1er janvier 2022
Préface à la créolisation de l’art contemporain
Présence Panchounette reste sans doute à ce jour le collectif d’artistes français le plus insaisissable et le plus fulgurant de la deuxième moitié du XXe siècle, alors même que leur existence officielle s’étend confortablement de 1968, année de toutes les subversions à 1990 — année de libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud.
Vingt-deux années d’association de malfaiteurs et d’attaque en règle contre l’académisme des avant-gardes, contre l’élitisme bourgeois de l’art contemporain mais aussi contre eux-mêmes n’hésitant pas d’aller jusqu’à l’auto-sabotage lorsque cela est nécessaire pour éviter la récupération, les ambiguïtés politiques.
"Magicienne de l'eau (Agbagli KOSSI)", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Disco Boy (Nicolas DAMAS)", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Air toubab 2", 1987 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
De leur histoire réelle, on sait peu de choses, mais l’odeur de soufre laissée par leurs interventions à la limite du terrorisme intellectuel est encore palpable. On connaît souvent quelqu’un qui connaît Présence Panchounette dans le « milieu de l’art ».
Devenir à la mode ou être « admis » n’a jamais été pour eux un risque mais plutôt le feu avec lequel on joue à se brûler ; une friction du sens et des signes (que cela passe par le dédoublement, le camouflage, l’hybridation…) qu’ils se sont toujours plu à entretenir, y compris jusqu’à l’épuisement : « la cacophonie des signes que nous avions, assez naïvement, vu comme prélude à l’avènement de la société sans classes, n’a été le prélude de rien du tout, sinon de l’éclectisme postmoderne » — et de crier à qui veut l’entendre que seul l’échec vaut réussite.
Avec leur goût immodéré pour le « décor » ou plus exactement pour le syndrome décoratif inavoué de l’art contemporain, on doit aux membres de Présence Panchounette de l’avoir démasqué chez Buren, avant que l’intéressé n’en vienne à s’en réclamer, quelque quarante ans après.
"Portrait devise Lacan", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Portrait devise J. Kosuth", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
Au-delà de sa légende, Présence Panchounette laisse aujourd’hui transparaitre une « œuvre » en bonne et due forme. Cette dernière peut désormais s’appréhender de près et avec le recul nécessaire pour en désamorcer toutes les bombes poétiques et politiques notamment avec la collaboration de la galerie Semiose pour la conservation, la documentation et la diffusion de leur catalogue déraisonné.
Ne pas y chercher d’œuvres majeures ou mineures, chez ceux qui ont bien avant les musées et l’institution, invité les arts mineurs à la table des avant-gardes ; dénoncé les logiques de domination raciale, économique ou territoriale en jeu dans notre consommation culturelle. Une œuvre pour laquelle les mots éclectique ou parodique manqueraient l’essentiel, tant Présence Panchounette fait montre d’un regard hérétique et sans complaisance avec les règles de l’art.
"Brownie Flash", 1986; "Batéké radio réveil", 1985 et "Kinshasa Boxing Club", 1983 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Artiste pressé d'exposer", 1989 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
Parmi les nombreux fils à tirer et chemins à refaire, la « Section africaine » du panthéon Panchounette ne pouvait tomber plus à pic dans l’agenda de l’art contemporain. Les œuvres présentées par Semiose pour l’exposition de l’automne 2021 relèvent d’expériences, voyages, affinités et collaborations menées par différents membres du groupe sur le continent africain.
En effet, dès 1974 est créée la section gabonaise Présence Panchounette. Mais Sénégal, Cameroun, Nigéria, Bénin font tous partie des pays visités, dans un esprit de migration créatrice. Le renversement du point de vue colonial-occidental au profit de collaborations et de rencontres avec des artistes, artisans et créateurs (sans distinction hiérarchique) se révèle encore mieux aujourd’hui ; avec notre compréhension du monde globalisé et l’apport des études postcoloniales.
"Portrait devise F. PICABIA", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Sénoufaux I", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
Qu’il s’agisse d’une peinture d’un atelier de Kinshasa sciemment modifiée, d’une d’une installation-cadavre exquis avec des éléments de différents artistes mis en avant par le collectif bordelais, on retrouve toujours cette friction ou ce minage du sens et de l’origine, ce ravissement de gestes attrape-tout. Pour leur époque, jusqu’au milieu des années 1980, ces pièces déchargeaient une énergie rare et intempestive, intacte aujourd’hui, mais prophétique pour leur époque. Un choc hilarant ou confondant pour le public d’une exposition désormais « anti- canonique » de l’histoire du groupe : Banlieues Sud, Expressions d’Afrique au CRAC Labège, en 1986. Une exposition qui anticipe de trois ans Les Magiciens de la terre (Centre Pompidou, 1989), en se payant le luxe de présenter des collaborations avec des artistes tels que Kane Kwei (que l’on retrouve ici dans la pièce La Villa des ancêtres) bien avant Jean-Hubert Martin.
"Youki, laisse la dame! tu vois bien qu'elle travaille.,", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"La villa des ancêtres", 1985 - 1986 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
"Kinshasa Boxing Club", 1983 de Présence Panchounette - Courtesy du collectif Présence Panchounette et la Galerie Semiose © Photo Éric Simon
Le titre de l’installation Magicienne de l’eau (1987), qui est présentée dans l’exposition chez Semiose, résonne d’autant plus ironiquement ; qui plus est pour une pièce principalement composées de vulgaires bacs en plastiques, qui représentent tout à la fois une denrée de marchés aux puces et de caniveaux, solennellement antithétique avec le contexte de l’art et la version anarco-agitatrice des structures minimalistes de Donald Judd elles-mêmes encore érigées à ce jour dans les musées, avec leur part de décorum inconscient. Gageons par le vibrant écho donné à ces interférences interprétatives que l’exposition entrera dans la préhistoire (ou dans la « préface ») de l’art contemporain à l’heure de sa mondialisation, voire de sa créolisation.
- Morad Montazami
Galerie Semiose
44, rue Quincampoix
75004 Paris
www.semiose.com
Jours et horaires d’ouverture : Du mardi au samedi de 11h à 19h.
Expo Solo Show: PRÉSENCE PANCHOUNETTE "Chic, choc, super, sensass !" - ACTUART by Eric SIMON
"Boogie Woogie Toast Show", 1985 de Présence Panchounette - Courtesy Galerie SEMIOSE © Photo Éric Simon Du 3 septembre au 8 octobre 2016 La galerie Semiose présente sa troisième exposition-sou...
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