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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

24 Jan

Huang YONG PING - Shen YUAN
 "is Paris Burning? 2019

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Sculpture Contemporaine, #Expo Duo Show, #Expo Installation Contemporaine

Détail "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Détail "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Du 9 décembre 2021 au 29 janvier 2022

 

Deux ans après le décès de Huang Yong Ping, le dialogue que celui- ci entretenait au quotidien avec Shen Yuan, sa compagne de vie et complice intellectuelle depuis toujours, n’est pas rompu : ensemble ils poursuivent leurs échanges d’idées et de pratiques créatives tout en continuant d’expérimenter comment vivre, pour le meilleur et pour le pire, à Paris, leur ville d’adoption depuis plus de trente ans.

 

En fin de compte, il s’agit de savoir comment devenir de vrais Parisien·ne·s... Cette fois cependant, la conversation qui ne peut malheureusement plus se faire par la parole, se traduit avec davantage de détermination et par un acte fort : la réalisation de leur ultime projet commun, une exposition en duo à la galerie kamel mennour.

"Chevalier du XXème siècle empaillé", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"Chevalier du XXème siècle empaillé", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"Pêcher l'air de Paris", 2020 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Pêcher l'air de Paris", 2020 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Puissante est ma bouche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"Puissante est ma bouche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Ce projet trouve son origine dans un événement qui pourrait passer pour insignifiant. Début 2019, alors que Shen Yuan travaillait à son œuvre Samedi inspirée des scènes déconcertantes d’affrontements entre Gilets jaunes et policiers sur les Champs-Élysées, Yong Ping lui présenta un exemplaire du livre Paris brûle-t- il ? de Dominique Lapierre et Larry Collins (par la suite adapté en film par René Clément).

 

Ayant vécu à Paris durant trois décennies, les deux artistes ont eu le temps de comprendre que Paris n’est pas simplement la capitale de l’amour et de la beauté, mais qu’elle est aussi un foyer de révolutions et de violence, un brasier à la fois potentiel et réel. C’est ce qui a valu à la ville d’être tout autant un paradis de liberté qu’un enfer de répression...

 

Paris a été le théâtre de nombreux événements qui ont marqué l’histoire de France : la Révolution française, la Restauration, l’Invasion prussienne, la Commune de Paris, les deux Guerres mondiales, Mai 68 (sans oublier la sanglante répression des Algériens en 1961), puis les vagues d’attentats terroristes depuis les années 1970. Autrement dit, le feu a toujours existé au cœur de la cité. Un peu comme si, afin de devenir véritable Parisien·ne, il fallait passer par toutes sortes de « baptêmes du feu » !

"La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Dessin préparatoire "La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Dessin préparatoire "La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Dans leurs travaux respectifs, Huang Yong Ping et Shen Yuan se sont activement engagés à étudier la complexité et les causes de ces événements « brûlants ». Dans Trois pas, neuf traces (1996), Huang Yong Ping a ainsi exploré les raisons des tensions entre les attentats terroristes de 1995 et la réponse du gouvernement, tandis que Shen Yuan relatait dans Alley-Battle (1997) la violence des scènes de manifestations de rue quasi quotidiennes dans la ville.

 

Le 15 avril 2019, ils ont aussi été profondément choqués par les images retransmises en direct de la Cathédrale de Notre-Dame en feu et de l’effondrement de sa flèche, illustre symbole de fierté parisienne. Huang Yong Ping n’a pas pu s’empêcher de penser à « reconstruire » la flèche détruite ; et pour lui, celle-ci se devait forcément alors d’être représentée à l’envers, et placée derrière un rideau d’entrée de mosquée...

 

Dans les faits, cet accident n’était pas le seul signe qui montrait que Paris devait faire face à son destin : malgré cet événement dramatique, le mouvement des Gilets jaunes a continué à prendre de l’ampleur. Il est même devenu de plus en plus virulent, avec toujours plus d’embrasements... Ce nouveau « baptême du feu » a poussé Shen Yuan à approfondir ses investigations. Dans cette effervescence de l’actualité, et avec un indéniable désir de raviver le dialogue et la flamme avec Yong Ping son bien aimé, elle a enfin mené à terme son projet Samedi.

 "Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Le feu ne brûle pas seulement Paris, il est partout. Le « baptême du feu » est une sorte de passage obligé partout où surgit la quête de liberté et de justice face à la répression politique et aux crises sociales. Cela s’avère d’autant plus intense dans une ville comme Hong Kong, où les négociations deviennent des bras de fer complexes entre transition postcoloniale et globalisation, règne néo-totalitaire et revendications pour la démocratie.

 

Au cours des dernières années, le Mouvement des parapluies et celui contre l’amendement de la loi d’extradition ont marqué l’ultime ascension et chute de ce territoire devenu enjeu crucial pour l’avenir de la Chine et bien au- delà. Les flammes qui brûlaient dans le quartier de Central et dans le campus de l’Université polytechnique de Hong Kong représentèrent un nouveau « baptême du feu » aux yeux du monde entier...

 

Pour leur exposition Hong Kong Foot à la galerie Tang Contemporary à Hong Kong en 2017, Shen Yuan a conçu Yellow Umbrella / Parasol, évoquant de manière littérale les manifestations qui se déroulaient dans la ville et leur impact au niveau de l’espace urbain et de la transformation sociale.

Parallèlement, Huang Yong Ping entendait révéler avec Les Consoles de Jeu Souveraines l’inextricable enchevêtrement de l’histoire et du présent, de la situation coloniale et de l’émancipation postcoloniale — qui a fini par déterminer le sort actuel de la ville.

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Yellow Umbrella/Parasol", 2017 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Huang Yong Ping et Shen Yuan ont tous deux voyagé et travaillé entre la France, la Chine et différentes régions du monde, comprenant mieux que quiconque comment se joue le destin. À son tour, cette compréhension les a aidés à affirmer leurs stratégies pour devenir de vrais Parisien·ne·s. Il s’agit toujours de voyager entre les cultures, les sociétés, les politiques, et de rassembler tout ce qui se trouve sur leurs trajectoires pour former un nouveau mode d’existence, dans une confrontation et négociation permanente avec des valeurs, modes de vie, idéologies et systèmes contradictoires.

 

En d’autres termes, être Parisien·ne c’est être citoyen·ne du monde doté·e de beaucoup de courage, d’une intelligence critique et d’une vive imagination permettant d’affronter les défis géopolitiques d’aujourd’hui et de demain, avec une compréhension profonde des causes et des effets de l’histoire.

 

C’est en quelque sorte un jeu de ping-pong, à l’instar de ce que Shen Yuan a mis en scène dans ses installations avec des « batailles » se déroulant sur les tables de ping-pong. « À distance » résonne une œuvre modeste de Huang Yong Ping, Ping- Pong (boîtes lumineuses, 2003), clin d’œil à Alighiero Boetti, mais aussi jeu de mots sur son propre nom...

"Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

"Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Dessin préparatoir "Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

Dessin préparatoir "Samedi", 2019 de Shen YUAN
 - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric Simon

La Guerre froide a représenté un « baptême du feu » pour le monde entier. Elle a été marquée par de nombreux événements spectaculaires et stupéfiants qui ont évité de peu de nouvelles guerres mondiales : de la compétition acharnée pour la conquête spatiale à la crise cubaine, de la construction du mur de Berlin à la guerre du Vietnam... Toutefois, une anecdote à propos d’un détail de la vie quotidienne s’avère particulièrement intéressante.

 

 

Un certain 24 juillet 1959, dans une cuisine moderne présente sur les stands de l’Exposition nationale américaine à Moscou, le vice-président des États-Unis Richard Nixon et le Premier secrétaire de l’Union soviétique Nikita Khrouchtchev débattaient de la différence entre le capitalisme et le socialisme. Cette cuisine moderne a depuis été considérée comme un symbole du rêve américain qui a influencé le monde entier et a aussi indirectement conduit à la chute définitive de l’Union soviétique. Cependant, ce rêve américain semble s’effondrer progressivement aujourd’hui. Le rêve chinois a même été désigné à un moment pour le remplacer... Sommes-nous à l’aube d’une « nouvelle ère » qui verrait « l’Est s’élever et l’Occident sombrer » ?

 

De manière ironique, comme le montre la dernière œuvre que Huang Yong Ping a réalisée pour le Garage Museum à Moscou : la cuisine américaine a conquis de nombreux Chinois mais les cafards y grimpent partout... Le rêve deviendrait-il cauchemar ?

Et si un incendie allait se déclarer à cause d’un court-circuit provoqué par cet insecte ?

La cuisine moderne, en dépit de ses atouts technologiques, ne pourrait alors pas éviter le destin d’être détruite par le feu...

Un certain 24 juillet 1959, dans une cuisine moderne présente sur les stands de l’Exposition nationale américaine à Moscou, le vice-président des États-Unis Richard Nixon et le Premier secrétaire de l’Union soviétique Nikita Khrouchtchev débattaient de la différence entre le capitalisme et le socialisme ce qui a inspiré l'oeuvre "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Un certain 24 juillet 1959, dans une cuisine moderne présente sur les stands de l’Exposition nationale américaine à Moscou, le vice-président des États-Unis Richard Nixon et le Premier secrétaire de l’Union soviétique Nikita Khrouchtchev débattaient de la différence entre le capitalisme et le socialisme ce qui a inspiré l'oeuvre "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

"American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Maquette préparatoire "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Maquette préparatoire "American Kitchen and Chinese Cockroaches", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Voilà un « baptême du feu » pour nous tous. Comment peut-on s’en remettre ?

 

Huang Yong Ping s’est toujours intéressé aux sorts inexplicables révélés par toutes sortes de divinations. Il avait une passion profonde pour les connexions mystérieuses entre les éléments les plus improbables qui ont configuré le monde tel qu’il est. C’est précisément comme cela qu’il nous a persuadés, à travers sa pratique, à nous demander qui nous sommes et où nous allons. En s’appropriant le roman légendaire de Balzac, La Peau de chagrin, et en le détournant, il a créé son propre talisman qui nous incite à nous confronter au dilemme de choisir de réussir mais finir par mener la vie la plus terrible.

 

Peut-on réaliser ses désirs sans échapper à un destin préétabli ?

Et comment ?

 

Cela semble d’ailleurs être aussi une question particulièrement intéressante face au désir de devenir véritablement Parisien·ne...

Alors pourquoi pas s’asseoir sur un lion et lire La République de Platon, comme l’indique sa dernière œuvre. Sans doute est-il possible d’y trouver une sorte de révélation de la vérité. Mais il faut alors se cacher le visage...

C’est à ce prix en effet de la dissimulation ultime que l’on pourra profiter de la liberté absolue d’« un destrier céleste s’élançant sans contrainte à travers les cieux ».

En attendant, la véritable flèche de Notre-Dame reste à reconstruire, tandis que davantage de feu pourrait encore embraser les Champs-Élysées... Parisien·ne·s, encore un effort !

— Hou Hanru
 Rome, 22 novembre 2021

Photo  "La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Photo "La flèche", 2019 de Huang YONG PING - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Kamel Mennour © Photo Éric simon

Galerie Kamel Mennour

5 et au 6 rue du Pont de Lodi

75006 Paris

 

https://kamelmennour.com/

 

 

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.

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