Latifa ECHAKHCH « Horizon »
Détail "Sun set down", 2021 de Latifa ECHAKHCH - Courtesy de l'artiste et de la galerie Kamel Mennour Paris © Photo Éric Simon
Du 8 février au 26 mars 2022
« Son œuvre entre surréalisme et conceptualisme questionne avec économie et précision l’importance des symboles et traduit la fragilité du modernisme. »
- Alfred Pacquement
Alors qu’elle s’apprête à investir au printemps prochain le Pavillon Suisse à l’occasion de la 59 Biennale de Venise, avec The Concert, Latifa Echakhch nous entraine, pour sa septième exposition personnelle à la galerie, dans une expérience sensible, tout aussi mélancolique que cathartique.
Véritablement monumental, le polyptyque qui poursuit la série Sun set down est présenté en majesté au sein du 6 rue du Pont de Lodi. Dans une volonté affichée de théâtraliser l’espace, l’artiste reprend à son compte différents mécanismes et dispositifs scéniques pour créer une émotion vive chez le visiteur.
Après avoir fait référence à la représentation classique du ciel dans les fresques de la Renaissance italienne, Latifa Echakhch emprunte, pour ses Sun set down, aux films en technicolor du xxe siècle leur esthétique saturée : « des couleurs très lumineuses, très génériques, voire un peu naïves » qui sont généralement celles des cartes postales grand public véhiculant des images éculées.
Détail "Sun set down", 2021 de Latifa ECHAKHCH - Courtesy de l'artiste et de la galerie Kamel Mennour Paris
Plongeant la galerie dans l’obscurité, l’artiste installe en toile de fond un paysage rougeoyant au coucher du soleil, lorsque l’astre inonde de ses derniers rayons les rivages de la Riviera. Allant du bleu foncé au rouge, de l'orange à l'or, les teintes vives de cet ensemble de huit panneaux semblent irradier dans cette nuit toute scénique, d’autant plus que la partie inférieure de la peinture affiche une sombre ligne d’horizon.
Une vision quasi mystique, un décor grandiose qui semble pourtant fragilisé. En effet, seuls certains fragments de l'image peinte restent intacts, tandis que de larges portions viennent à manquer. L'artiste recourt ici à une technique qui lui est chère, proche de celle de la fresque. Après avoir recouvert son support de peinture noire, elle applique une fine couche rugueuse de béton « à la truelle, comme on prépare un mur », avant de peindre son paysage à l’aide d’une palette de couleurs acryliques saturées, pour ensuite le détruire en grattant vigoureusement dans le béton.
« Il m’intéressait qu’on puisse ressentir les divers gestes et étapes de la fabrication de l’œuvre », dit- elle. Et en effet, l'attention se porte tout autant sur la représentation de ce coucher de soleil que sur les parties grises où la couleur a été retirée de force. Sun set down déconstruit la représentation au point que les spectateurs peuvent et doivent combler l'image comme ils le souhaitent. Pour certains, c’est un paysage qui s’effrite, ou plutôt la représentation d’un paysage qui s’effrite ; pour d’autres, une image idyllique qui émerge derrière une couche de béton. Le processus de déconstruction entre en collision brutale avec le sujet de prime abord romantique. La dichotomie entre le geste violent d’arrachage et l'harmonie formelle fait écho à la tension entre exaltation et menace. La destruction du paysage crépusculaire contredit le sublime de la nature alors même qu'elle est empreinte de nostalgie.
Évoluant sur cette ligne de crête entre geste et forme, représentation et abstraction, destruction et création, Latifa Echakhch relie avec beaucoup de virtuosité passé et futur, fin d’un monde et promesse d’une aube nouvelle. « Le tableau terminé, écrit l’artiste, nous laisse devant une mise à plat de toutes ces temporalités, de tous ces sentiments mélangés, la contemplation et la dislocation, la tranquillité d’un paysage naïf et la violence des gestes qui l’altèrent. C’est ce romantisme paradoxal que je voulais restituer car c’est toute cette palette de tonalité, d’équilibre et de dissonance que je ressens quand je regarde l’horizon. »
Détail "Sun set down", 2021 de Latifa ECHAKHCH - Courtesy de l'artiste et de la galerie Kamel Mennour Paris © Photo Éric Simon
Née en 1974 à El Khnansa (Maroc), Latifa Echakhch vit et travaille à Vevey et à Martigny (Suisse). Poussée par le besoin de contrer certains préjugés, contradictions et stéréotypes propres à notre société, elle isole et interroge les matériaux qui symbolisent ces phénomènes.
En 2007, Latifa Echakhch a présenté sa première exposition personnelle intitulée « À chaque stencil une révolution » au Magasin de Grenoble. Depuis, les travaux de l’artiste ont été exposés dans le monde entier à l’occasion de nombreuses expositions personnelles : Kunsthaus Zurich, Centre Pompidou à Paris, Nouveau musée national de Monaco, Fondazione Memmo à Rome, KIOSK à Gand, macLYON à Lyon, Hammer Museum à Los Angeles, Portikus à Francfort, Columbus Museum of Art à Ohio, MACBA à Barcelona, FRI ART à Fribourg, Frac Champagne-Ardenne à Reims, Swiss Institute à New York, Tate Modern à Londres, Le Magasin à Grenoble, ainsi que dans le cadre d’expositions de groupe. Ils ont également été présentés à la Biennale d’Istanbul, la 54e Biennale de Venise, la 11e Biennale de Sharjah, la Biennale Art Focus de Jérusalem ainsi que Manifesta 7 à Bolzane.
Latifa Echakhch a reçu le Prix Marcel Duchamp en 2013.
En 2015, Echakhch a présenté Screen Shot au Museum Haus Konstruktiv, Zurich, et a reçu le Zurich Art Prize.
Galerie kamel MENNOUR
5, rue du Pont de Lodi
75006 Paris
Horaires d'ouverture: du Mardi au Samedi de 11h00 à 19h00.