Steven PARRINO «Oeuvre graphique (1989-2004)»
"Sans Titre", 2004 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Du 18 février au 30 avril 2022
Steven Parrino disait « aborder l’histoire de la même manière que le Dr Frankenstein aborde les parties du corps, [comme une] Nature Morte1… ».
Il est connu pour les tableaux abstraits qu’il réalise dès les années 1980. Son travail, interrompu par un accident de moto mortel, en 2005, a fait l’objet de vastes expositions personnelles et institutionnelles au musée d’Art moderne et contemporain "Mamco", à Genève (2006), au Palais de Tokyo, à Paris (2007), ou plus récemment au Kuntsmeuseum Liechtenstein (2020).
Son œuvre graphique détient les clés d’un rapport particulier à l’image. En pleine rhétorique d’une mort de la peinture, Steven Parrino reprend le monochrome moderne pour l’éprouver, le dégrafer, le froisser, le lacérer
"Jerk", 2003 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"White Shark", 2003 et "Sans titre", 2003 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Les dessins exposés ici embrassent diverses références culturelles issues de l’histoire de l’art et confrontées à l’underground : Land Art, le groupe de musique Black Flag ou encore la bande dessinée, le cinéma de série B. L’aplat monochrome est tour à tour associé à la mort, au drapeau noir, au moiré, à une croix inca ou encore à l’expressionnisme abstrait.
Ces agencements de références sont ceux d’un artiste marqué par la fin des récits modernes et par l’hypermédiatisation du monde. Tout juste diplômé de la Parsons School of Design, Steven Parrino participe à l’exposition inaugurale de Nature Morte, espace d’artistes où il côtoie Peter Nagy, Alan Belcher et Joel Otterson, trois figures du mouvement appropriationniste.
Nature Morte est associé à l’exposition itinérante « Infotainment » (1985). Affublée d’un néologisme alors récent qui désigne l’info-divertissement, la manifestation regroupe les artistes précédemment cités mais aussi la Pictures Generation (Sarah Charlesworth) et quelques Neogeo (Peter Halley), une génération pour qui à la suite d’Andy Warhol, il convient d’interroger l’image médiatique et la façon dont elle conditionne le rapport au réel.
"Vampirella", 1990 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
"Black Flag", 2003 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
En 2003, Parrino emprunte à Warhol le titre de l’exposition « Death in America », qui, en 1963, présentait pêle-mêle des photos de presse d’accidents de voitures, d’affaire de contamination alimentaire et une chaise électrique. Dans sa version de la Mort en Amérique, Parrino peint une série de toiles froissées, argentées comme des silver balloons, qui oscillent entre le charme d’un drapé et l’horreur d’une tôle froissée. Il affectionnait particulièrement le Warhol des séries « Death and Disaster ».
"The Post Artom Bomb...Post Abstract Expressionist...", 2003 de Steven PARRINO - Courtesy The Parrino Family Estate et de la Galerie Loevenbruck © Photo Éric Simon
Avec la répétition obscène de motifs, un accident de voiture mortel ou un manifestant molesté par un chien, Warhol rompt avec l’industrie du glamour pour explorer les images de l’horreur en Amérique. C’est aussi dans ces séries que l’on retrouve des diptyques juxtaposant avec tension une image répétée et un monochrome. Si Steven Parrino privilégie le papier-calque, c’est qu’il affectionne la froideur, celle de l’épiderme comme celle de la technique du report qu’il permet. Dans une manière warholienne, il confronte monochrome froid et reproduction d’image.
À l’instar du caviardage, l’œuvre abstrait de Steven Parrino, dessiné ou peint, est silencieux, mais son iconoclasme brutal est indexé sur la violence d’une société hypermédiatique.
Julien Fronsacq, Genève, janvier 2022
1 Steven Parrino, The No Texts (1979-2003), Jersey City, Abaton, 2003.
Steven Parrino est un artiste américain, né en 1958 à New York et mort dans un accident de moto le 1er janvier 2005 à New York.
6, rue Jacques Callot
75006 Paris
www.loevenbruck.com
Jours et horaires d'ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h.