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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

01 Aug

ALLEMAGNE / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August SANDER

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Peinture Contemporaine, #Expo Photographie Contemporaine, #Expo Artiste du XXème Siècle

ALLEMAGNE / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August SANDER

Du 11 mai au 5 septembre 2022

 

 

Cette première grande exposition sur l’art et la culture de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité) en Allemagne rassemble près de 900 œuvres et documents permettant de dresser un panorama inégalé de ce courant artistique jamais montré dans cette ampleur en France.

 

Articulé autour du chef d'œuvre du photographe August Sander, Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du 20e siècle] qui constitue une « exposition dans l'exposition », le propos se décline singulièrement en deux volets et fait dialoguer la typologie des groupes sociaux de Sander avec tous les arts d'une époque.

"Mechanischer Kopf (Tête Mécanique)", 1921 de Raoul HAUSMANN - Courtesy du Centre Pompidou © Photo Éric Simon

"Mechanischer Kopf (Tête Mécanique)", 1921 de Raoul HAUSMANN - Courtesy du Centre Pompidou © Photo Éric Simon

"Portrait de l'écrivain Max Herrmann-NeiBe", 1925 de George GROSZ - Courtesy Kunsthalle Mannheim   © Photo Éric Simon

"Portrait de l'écrivain Max Herrmann-NeiBe", 1925 de George GROSZ - Courtesy Kunsthalle Mannheim © Photo Éric Simon

« Allemagne / Années 1920/Nouvelle Objectivité /August Sander » renoue avec l’esprit pluridisciplinaire du Centre Pompidou tout en proposant un format innovant par son double parcours, une exposition thématique sur un courant d’art historique, d’un côté, et un projet monographique sur l’un des plus influents photographes du 20e siècle, de l’autre. Le parcours offre ainsi une double perspective sur la société et l’art allemand de la fin des années 1920.

 

 

Associant la peinture et la photographie mais aussi l’architecture, le design, le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique, les huit sections de l'exposition, Standardisation − Montages − Les choses − Persona froide − Rationalité − Utilité − Transgressions − Regard vers le bas, dialoguent avec les sept groupes et catégories socio-culturels créés par August Sander dans son grand recueil de portraits: « Le paysan », « L’ouvrier », « La femme », « Les États », « Les artistes », « La grande ville » et « Les derniers hommes ».

"Guérite du garde Barrière", 1925 de Georg SCHOLZ - Courtesy de Kunstpalast, Düsseldorf  © Photo Éric Simon

"Guérite du garde Barrière", 1925 de Georg SCHOLZ - Courtesy de Kunstpalast, Düsseldorf © Photo Éric Simon

"Portrait d'enfant", 1925 de Georg SCHRIMPF - Coutesy Staatliche Museen zu Berlin © Photo Éric Simon

"Portrait d'enfant", 1925 de Georg SCHRIMPF - Coutesy Staatliche Museen zu Berlin © Photo Éric Simon

 Développée dans un espace scénographique singulier, spécifiquement réalisé pour permettre cette lecture pluridisciplinaire (plan de l'exposition page suivante), l'exposition « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander» présente la production culturelle sous la République de Weimar (1918-1933), à la veille du nazisme.

 

 

Entre fascination pour la rationalisation de l’époque moderne et critique d’une fonctionnalisation de toutes les conditions de vie, l'exposition offre un regard sur une période qui entre en résonnance avec le contexte d'une Europe contemporaine traversée par des mouvements populistes, invitant à des rapprochements politiques et des analogies médiatiques entre les situations d'hier et d'aujourd'hui.

"L'École d'Uznach ou Nouvelle Objectivité (Theater in der Königgrätze StraBe, Berlin)", 1929 de Carl STERNHEIM - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne  © Photo Éric Simon

"L'École d'Uznach ou Nouvelle Objectivité (Theater in der Königgrätze StraBe, Berlin)", 1929 de Carl STERNHEIM - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne © Photo Éric Simon

La partie consacrée à August Sander permet de contextualiser encore davantage cette époque et montre à quel point son œuvre-jalon, particulièrement influente dans l'histoire de la photographie, n'a pas été une conception monolithique mais bien un processus organique, qui comme beaucoup d'œuvres de son temps, proposait une coupe transversale de la société allemande, reflétant les bouleversements et les distorsions de son histoire. Chaque chapitre est complété par un ensemble de documents rarement montrés, qui mettent en lumière les enjeux de chaque section et montrent August Sander au travail.

 

Une double forme de contextualisation se produit ainsi, tant sur le plan de l’histoire de la photographie, qu’en lien avec l’exposition environnante, surtout à travers les échanges de Sander avec les artistes progressistes de Cologne.

 

 

Le parcours s'achève avec une projection de l’artiste Arno Gisinger qui retrace le destin des œuvres qui, d’un jour à l’autre, perdent leur statut d’avant-garde, pour devenir des œuvres « dégénérées », posant la question de la suite, de l'après 1933... L’exposition sera présentée au Louisiana Museum of Modern Art à Humlebaek au Danemark.

"Peintre (Heinrich HOERLE)", 1929 de August SANDER  © Photo Éric Simon

"Peintre (Heinrich HOERLE)", 1929 de August SANDER © Photo Éric Simon

"Les travailleurs", 1925 de Franz WILHELM SEINWERT- Courtesy de Kunstpalast, Düsseldorf  © Photo Éric Simon

"Les travailleurs", 1925 de Franz WILHELM SEINWERT- Courtesy de Kunstpalast, Düsseldorf © Photo Éric Simon

Au début des années 1920, la question du devenir de l’art après la Première Guerre mondiale occupe les débats esthétiques en Allemagne. L’expérience concrète du front, la lourde défaite puis l’échec de la révolution (1918-1919) ont eu raison des utopies de la génération expressionniste et de son art visionnaire, spirituel et psychologique.

 

Dégrisés de leurs illusions idéalistes, notamment au sujet d’un conflit que certains avaient d’abord sublimé en épopée héroïque, les artistes se tournent vers le réel ; en peinture, ce changement de paradigme se traduit par l’apparition d’un style figuratif plus neutre et moins expressif, tendant vers une plus grande Sachlichkeit [objectivité].

 

 

La critique allemande cherche alors un nom pour désigner ce qu’elle identifie comme un retour à une figuration réaliste. Tantôt qualifiée de nouveau naturalisme (Paul Westheim), de postexpressionnisme ou de réalisme magique (Franz Roh), cette tendance est finalement baptisée Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivité] par l’historien de l’art Gustav Friedrich Hartlaub. Sous ce titre, il organise en 1925 une exposition à la Kunsthalle de Mannheim, dont il est le directeur ; elle rassemble 32 artistes, parmi lesquels Otto Dix, George Grosz, Alexander Kanoldt, Georg Scholz ou Georg Schrimpf.

"Haus N°9", 1921 de Anton RÄDERSCHEIDT - Courtesy Collection Particulière  © Photo Éric Simon

"Haus N°9", 1921 de Anton RÄDERSCHEIDT - Courtesy Collection Particulière © Photo Éric Simon

Le large écho rencontré par l’exposition participe à la diffusion de l’appellation Neue Sachlichkeit. Rapidement, elle devient un slogan culturel à la mode pour évoquer le Zeitgeist [l’esprit du temps] de l’Allemagne weimarienne de la seconde moitié des années 1920 ; on la retrouve notamment dans des pièces de théâtre populaire ou dans des revues de cabaret. Se détachant du seul courant de peinture, le terme finit par désigner l’esthétique de toute une époque fondée sur la sobriété, la rationalité, la standardisation et le fonctionnalisme.

 

 

Trois ans après son exposition à la Kunsthalle de Mannheim, Hartlaub revient sur la définition de la Nouvelle Objectivité et constate que la nouveauté du mouvement tient avant tout à sa grande pluridisciplinarité, puisqu’il touche aussi bien les domaines de l’architecture, du design, de la musique, de la poésie ou du théâtre. Ses représentants partagent une même esthétique de l’objectivité, aspirent à dépasser une conception élitiste et individualiste de l’art pour élaborer une culture populaire et collective.

"Sans titre (Construction)", 1920 de George GROSZ - Courtesy Kunstsammlung Nordrheim-Westfalen, Düsseldorf  © Photo Éric Simon

"Sans titre (Construction)", 1920 de George GROSZ - Courtesy Kunstsammlung Nordrheim-Westfalen, Düsseldorf © Photo Éric Simon

 1. Standardisation

Dans les années 1920, l’exaltation de l’individu qui caractérisait l’esthétique expressionniste est remplacée par un idéal de standardisation : les singularités sont effacées au profit d’un recours à des modèles, des types normés, des formes simples reproduites en série. En peinture, George Grosz et Anton Räderscheidt représentent des figures humaines schématiques, sans visage ou aux expressions neutres, dans des décors urbains étrangement vides et impersonnels. Les empâtements et les vives couleurs de l’expressionnisme disparaissent dans une facture plus lisse, des couleurs sourdes.

"Hôpital", 1927-1928 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière  © Photo Éric Simon

"Hôpital", 1927-1928 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière © Photo Éric Simon

"Stade", 1928 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière  © Photo Éric Simon

"Stade", 1928 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière © Photo Éric Simon

Davantage que sur les particularités physiques, l’attention des artistes se porte sur l’appartenance sociale des individus. À Cologne, les artistes Gerd Arntz, Heinrich Hoerle et Franz Wilhelm Seiwert forment le groupe des Kölner Progressive [Progressistes de Cologne], avec lequel expose August Sander. Portés par leurs utopies socialistes, ils réalisent des compositions mettant en scène exploiteurs et exploités, représentés selon une typologie les rendant immédiatement reconnaissables.

 

Dans sa série de gravures Zwölf Häuser der Zeit [Douze maisons de notre temps] (1927), Gerd Arntz représente les classes sociales selon un ensemble de codes aisément identifiables; ce recours à la schématisation doit générer une prise de conscience chez le prolétaire, en lui révélant à travers des formes simples la réalité de son oppression. Il travaille ensuite à Vienne avec le philosophe et économiste Otto Neurath à l’élaboration d’un langage visuel universel : l’Isotype.

"Douze Maisons du temps", 1927 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière  © Photo Éric Simon

"Douze Maisons du temps", 1927 de Gerd ARNTZ - Courtesy Collection Particulière © Photo Éric Simon

"Structure de la société", 1931-1933 de Mundaneum Wien © Photo Éric Simon

"Structure de la société", 1931-1933 de Mundaneum Wien © Photo Éric Simon

Ces pictogrammes aux couleurs simples, lisibles par tous, permettent de classifier et de faire comprendre des données politiques ou économiques complexes. En urbanisme, la pénurie de logements sans précédent au sortir de la Première Guerre mondiale conduit à la construction de grands ensembles immobiliers. Dans le cadre du programme « Das Neue Frankfurt» [Le Nouveau Francfort], l’architecte Ernst May est recruté par le maire de la ville et construit en cinq années près de 10 000 logements.

 

 

Ceux-ci sont regroupés dans des cités-lotissements uniformisées, aux formes simples et identiques, conçues à partir d’éléments standard préfabriqués. Le fonctionnalisme triomphe par ailleurs dans les intérieurs modernes: en 1927, Marcel Breuer fonde la société Standard Möbel [meubles standard], et conçoit un mobilier en acier tubulaire aux formes pures, facilitant sa reproduction à une échelle industrielle.

Série huit portraits "Militaire" et "Banquier", 1929-1931 de Peter ALMA - Courtesy Collection Merrill C. Berman  © Photo Éric Simon

Série huit portraits "Militaire" et "Banquier", 1929-1931 de Peter ALMA - Courtesy Collection Merrill C. Berman © Photo Éric Simon

"Société et économie. Statistiques élémentaires en images", 1930 de Gerd ARNT et Otto NEURATH - Courtesy Collection Merrill C. Berman  © Photo Éric Simon

"Société et économie. Statistiques élémentaires en images", 1930 de Gerd ARNT et Otto NEURATH - Courtesy Collection Merrill C. Berman © Photo Éric Simon

Photo collages publicitaires pour le film de Walter RUTTMANN Berlin: Die Sinfonie der GrBstadt", 1927 - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne  © Photo Éric Simon

Photo collages publicitaires pour le film de Walter RUTTMANN Berlin: Die Sinfonie der GrBstadt", 1927 - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne © Photo Éric Simon

2. Montages

 

 Dès la fin des années 1910, les artistes du mouvement Dada ont recours à la technique du montage pour créer dans leurs œuvres des associations insolites et humoristiques, souvent doublées d’un discours politique. Loin d’abandonner ce procédé, la Nouvelle Objectivité le reprend pour le mettre au service de l’analyse de la société : le mélange de motifs ou d’informations dissociés dans la réalité permet aux artistes de proposer une forme de synthèse visuelle de l’époque, à travers différents supports (photographie, collage, peinture ou film).

 

Le montage est notamment la technique privilégiée pour intégrer le quotidien au sein des œuvres. Les films de Walter Ruttmann sont constitués d’un assemblage d’images ou de sons hétérogènes, captés directement dans la grande ville ou sur les lieux de travail, et qui figurent une journée type à Berlin ou la routine d’une fin de semaine.

Photo collages publicitaires pour le film de Walter RUTTMANN Berlin: Die Sinfonie der GrBstadt", 1927 - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne  © Photo Éric Simon

Photo collages publicitaires pour le film de Walter RUTTMANN Berlin: Die Sinfonie der GrBstadt", 1927 - Courtesy Theaterwissenschaftaftliche Sammlung Universität zu Cologne © Photo Éric Simon

"Wenn Berlin Konstantinopel Wäre", 1929 de Sasha STONE - Courtesy Museum Folkwang, Essen  © Photo Éric Simon

"Wenn Berlin Konstantinopel Wäre", 1929 de Sasha STONE - Courtesy Museum Folkwang, Essen © Photo Éric Simon

"Baauhausbauten Dessau, coll. N°12", 1930 de Walter GROPIUS - Courtesy du Centre Pompidou © Photo Éric Simon

"Baauhausbauten Dessau, coll. N°12", 1930 de Walter GROPIUS - Courtesy du Centre Pompidou © Photo Éric Simon

"Cité-lotissement de Dessau-Törten (Architecte Walter GROPIUS)", 1927 de Baubüro GROPIUS - Courtesy Bauhaus-Archiv, Berlin © Photo Éric Simon

"Cité-lotissement de Dessau-Törten (Architecte Walter GROPIUS)", 1927 de Baubüro GROPIUS - Courtesy Bauhaus-Archiv, Berlin © Photo Éric Simon

"Römerstadt, bloc de magasins dans HadrianstraBe, Francfort-sur-le-main (Archi. Ernst MAY)", 1929 de Carl-Hermann RUDLOFF - Cortesy Hermann Collischonn  © Photo Éric Simon

"Römerstadt, bloc de magasins dans HadrianstraBe, Francfort-sur-le-main (Archi. Ernst MAY)", 1929 de Carl-Hermann RUDLOFF - Cortesy Hermann Collischonn © Photo Éric Simon

En 1929, Alfred Döblin publie son roman Berlin Alexanderplatz, dont le texte polyphonique est composé d’un entrelacs d’éléments hétérogènes parfois collés à même le manuscrit (slogans, chansons, publicités, articles) qui synthétisent toute la rhétorique de l’époque. Dans les portraits, la pratique du montage permet de rassembler dans une même œuvre plusieurs facettes d’une même personne, dans une démarche quasi analytique : Karl Hubbuch peint quatre versions contrastées de son épouse Hilde, Sasha Stone compose un portrait de l’actrice Helene Odilon à deux âges différents.

 

L’individu réifié est disposé dans des compositions fictives créées par l’artiste comme dans Graf St. Genois d’Anneaucourt [Portrait du Comte St-Genois d’Anneaucourt] (1927), par Christian Schad, où l’aristocrate viennois côtoie un travesti berlinois devant une rue de Montmartre.

 

 

"Comte St. Genois d'Anneaucourt", 1927 de Christian SCHAD - Courtesy du Centre Pompidou  © Photo Éric Simon

"Comte St. Genois d'Anneaucourt", 1927 de Christian SCHAD - Courtesy du Centre Pompidou © Photo Éric Simon

La presse illustrée devient pour des photographes comme Sasha Stone ou Alice Lex-Nerlinger un réservoir d’images à assembler. Traités comme des objets interchangeables, les paysages des grandes villes mondiales se confondent, les technologies modernes font face à des animaux sauvages dans des photomontages factices. Dans les peintures d’Otto Dix ou d’Albert Birkle, l’association au sein d’une même œuvre de motifs disparates ouvre la voie à des visions plus politiques de la ville, montrée comme un espace socialement hétérogène, dans lequel la bourgeoisie jouxte la plus grande pauvreté.

"Kurfürstendamm", 1924 de Albert BIRKLE - Courtesy Fundacion  © Photo Éric Simon

"Kurfürstendamm", 1924 de Albert BIRKLE - Courtesy Fundacion © Photo Éric Simon

"Nature morte avec sachet jaune", 1927 de Franz LENK  © Photo Éric Simon

"Nature morte avec sachet jaune", 1927 de Franz LENK © Photo Éric Simon

"Gramophone", 1930 de Rudolf DISCHINGER - Courtesy Städtische Museen Freiburg  © Photo Éric Simon

"Gramophone", 1930 de Rudolf DISCHINGER - Courtesy Städtische Museen Freiburg © Photo Éric Simon

3. Les choses

 

Les artistes de la nouvelle objectivité s’intéressent particulièrement au genre de la nature morte et représentent les objets avec une grande netteté, leur regard étant tout à la fois scrutateur et tranchant.

 

En raison de sa prétendue objectivité, la photographie paraît particulièrement adaptée au rendu précis des choses dans leur matérialité. Inspirés par cette fidélité hyperréaliste, les peintres s’emparent du langage visuel photographique, et un intense dialogue s’établit alors entre les deux médiums.

 

 

 

"Cactées et sémaphores", 1923 de Georg SCHOLZ - Courtesy LWL-Landsmuseum für Kunst und Kultur, Munster  © Photo Éric Simon

"Cactées et sémaphores", 1923 de Georg SCHOLZ - Courtesy LWL-Landsmuseum für Kunst und Kultur, Munster © Photo Éric Simon

Aucun ne présente néanmoins les objets selon une logique purement mimétique : ceux-ci sont souvent figurés dans des espaces étranges, qui semblent à la fois vides et sous tension, dans des compositions aux perspectives incohérentes prenant un aspect énigmatique. Les cactus et figuiers à caoutchouc sont très populaires dans les années 1920 en Allemagne, où ils sont recherchés pour leur exotisme.

 

Les artistes se passionnent pour ces plantes alors perçues comme l’équivalent végétal de la pierre cristalline : architecturées, géométriques, abstraites. Xaver Fuhr et Alexander Kanoldt peignent des ficus avec une grande méticulosité, dans des compositions épurées qui font apparaître leur structure nette. Georg Scholz valorise la raideur du cactus, en résonance avec le style pictural rigide de la Nouvelle Objectivité.

"Le collectionneur de Faïences", 1927 de Walter SCHULZ-MATAN - Courtesy Münchner Stadtmuseum, Munich © Photo Éric Simon

"Le collectionneur de Faïences", 1927 de Walter SCHULZ-MATAN - Courtesy Münchner Stadtmuseum, Munich © Photo Éric Simon

"Deux fois hilde (1)", 1929 de Karl HUBBUCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Pinakothek der Moderne, Munich © Photo Éric Simon

"Deux fois hilde (1)", 1929 de Karl HUBBUCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Pinakothek der Moderne, Munich © Photo Éric Simon

"Ala beauté (Autoportrait)", 1922 de Otto DIX - Courtesy Von der Heydt-Museum Wuppertal © Photo Éric Simon

"Ala beauté (Autoportrait)", 1922 de Otto DIX - Courtesy Von der Heydt-Museum Wuppertal © Photo Éric Simon

Tous semblent également fascinés par l’aspect énigmatique de ces plantes, souvent rendu par leur insertion dans un environnement gagné par le vide. Dans Urformen der Kunst [Formes originelles de l’art] (1928), Karl Blossfeldt photographie des végétaux en gros plan sur fond neutre ; ceux-ci apparaissent alors inanimés, étrangement inertes. Cette nature réifiée s’inscrit dans une fascination plus large pour le monde des objets.

 

 

Dans son album Die Welt ist schön [Le monde est beau] (1928), Albert Renger-Patzsch saisit les produits industriels standardisés, fabriqués en série. Casseroles en aluminium ou embauchoirs vernis sont montrés en plan rapproché, disposés en rang ou empilés sous un éclairage unilatéral qui souligne leur éclatante nouveauté.

 

Photographes et peintres s’intéressent également aux objets en verre, ampoules et vaisselles, souvent figurés dans des perspectives plongeantes ou inhabituelles. Cette fascination pour la transparence, que l’on retrouve également dans les films d’Ella Bergmann-Michel sur l’architecture moderne, témoigne d’une volonté de représenter les objets sans filtre, avec objectivité.

"Sekretärin beim Westdeutschen Runfunk in Köln", 1931 de August SANDER - Courtesy Die Photographische Sammlung - August Sander Archiv. Cologne

"Sekretärin beim Westdeutschen Runfunk in Köln", 1931 de August SANDER - Courtesy Die Photographische Sammlung - August Sander Archiv. Cologne

4. Persona froide

 

Les quatre années meurtrières de la guerre soldées par une défaite engendrent en Allemagne une forme de désillusion générale. Selon l’historien de la littérature Helmut Lethen, l’humiliation infligée par les vainqueurs fait naître une culture de la honte, caractérisée par un embarras généralisé vis-à-vis des utopies d’avant-guerre.

 

Si la culpabilité implique une démarche introspective et suppose de s’interroger sur ses torts, la honte relève de l’extériorité et requiert avant tout de préserver son image auprès des autres. Dans les années 1920 apparaît alors ce que Lethen nomme la « persona froide », nouveau type social qui consiste à chercher à se dérober au sentiment d’humiliation en affichant un masque de froideur, d’indifférence.

 

 Ce nouveau comportement modifie en profondeur la pratique du portrait. Auparavant tourné vers l’intériorité et l’expression psychologique du modèle, il se concentre désormais sur les signes extérieurs des individus. Les artistes de la Nouvelle Objectivité figurent ainsi moins des personnalités que des types sociaux, définis par leur profession. Souvent affichée dans le titre même de l’œuvre (homme d’affaires, marchand de textiles, médecin…), elle est également identifiable à travers des attributs qui permettent de la reconnaître.

"Jeune fille russe avec poudrier", 1928 de Lotte LASERSTEIN - Courtesy Städel Museum, Francfort-sur-le-Main © Photo Éric Simon

"Jeune fille russe avec poudrier", 1928 de Lotte LASERSTEIN - Courtesy Städel Museum, Francfort-sur-le-Main © Photo Éric Simon

Dans Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du 20e siècle], August Sander consacre un groupe aux « Catégories socio-professionnelles», photographiant moins des caractères individuels que des métiers. À l’instar de Julius Bissier, qui se représente forgeant sa propre image sans émotion ni affect, les portraits apparaissent froids, vidés de tout sentiment, en résonance avec leurs arrière-plans souvent neutres et déserts. Les sujets y figurent seuls et arborent une expression détachée, un regard absent, voire vide.

 

 

Comme la jeune fille représentée par Lotte Laserstein, ils semblent chercher à maquiller leurs ressentis derrière une apparence impénétrable. Les artistes s’intéressent également aux changements des normes de genre, à l’image d’August Sander, qui photographie « La femme » dans Menschen des 20. Jahrhunderts. Avec un œil quasi sociologique, ils construisent une typologie de la Neue Frau [nouvelle femme] émancipée : Bubikopf (variante courte de la coupe au carré), cigarette, port de la chemise voire de la cravate deviennent des attributs récurrents dans les portraits féminins de l’époque.

"Femme rousse (portrait de dame)", 1931 de Otto DIX - Courtesy Museum Gunzenhauser © Photo Éric Simon

"Femme rousse (portrait de dame)", 1931 de Otto DIX - Courtesy Museum Gunzenhauser © Photo Éric Simon

"Nature morte avec cactus et orange", 1930 de Willy ZIELKE - Courtesy Private collection © Photo Éric Simon

"Nature morte avec cactus et orange", 1930 de Willy ZIELKE - Courtesy Private collection © Photo Éric Simon

"Chaine d'isolateurs", 1928 de Albert RENGER-PATZSCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Munich © Photo Éric Simon

"Chaine d'isolateurs", 1928 de Albert RENGER-PATZSCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Munich © Photo Éric Simon

5. Rationalité

 

À la crise économique et à l’inflation spectaculaire d’après-guerre succède une période de stabilisation et de croissance relative, favorisée notamment par le plan Dawes et l’injection de capitaux américains en 1924. Une fascination pour l’Amérique et son modèle de société vu comme méthodique et harmonieux, gouverné par la technique, naît alors en Allemagne. La rationalisation du travail mise au point par Taylor s’importe au sein des entreprises allemandes, entraînant une industrialisation rapide et une mécanisation des tâches.

 

Ce mode de production s’immisce jusque dans les spectacles et divertissements: pour le critique Siegfried Kracauer, les Tiller Girls, une troupe de danseuses qui effectuent des chorégraphies synchronisées dans un rythme mécanique, constituent l’expression visuelle du travail à la chaîne. L’esthétisation de machines se retrouve chez les artistes de la Nouvelle Objectivité, qui en louent la beauté.

"Sans titre (Usines Krauss, Schwarzenberg: Tubes en Zinc", 1929 de  de Albert RENGER-PATZSCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Munich © Photo Éric Simon

"Sans titre (Usines Krauss, Schwarzenberg: Tubes en Zinc", 1929 de de Albert RENGER-PATZSCH - Courtesy Bayerisch Staatsgemäldesammlungen, Munich © Photo Éric Simon

"Marchands de textile", 1932 de Grethe JÜRGENS - Courtesy Sprengel Museum Hannover © Photo Éric Simon

"Marchands de textile", 1932 de Grethe JÜRGENS - Courtesy Sprengel Museum Hannover © Photo Éric Simon

 Les photographies d’Albert Renger-Patzsch et les tableaux de Carl Grossberg montrent des sites industriels étincelants de propreté dans des compositions épurées, méticuleusement détaillées. Le culte de la technique se poursuit avec l’apparition de la radio, nouvelle machine domestique perçue par le peintre Max Radler ou le dramaturge Bertolt Brecht comme un potentiel outil d’émancipation. Le principe de rationalisation devient bientôt une nouvelle norme qui structure la vie sociale et culturelle.

 

Le graphiste Paul Renner met au point la police de caractères Futura, basée sur des formes géométriques élémentaires. L’aménagement intérieur du logement de petites dimensions est étudié par les architectes et designers pour optimiser l’espace. Dans cette même optique, Marcel Breuer et Franz Schuster mettent au point un mobilier épuré et peu encombrant, qui libère le maximum de place. L’architecte Margarete Schütte-Lihotzky conçoit à Francfort une cuisine moderne et fonctionnelle, organisée comme un espace de travail permettant de limiter les déplacements de la ménagère.

 

 

Ce souci d’amélioration du quotidien des femmes s’inscrit dans un désir général d’émancipation : les années 1920 sont celles de l’apparition d’une Neue Frau [nouvelle femme] financièrement indépendante, qui sort de son rôle traditionnel pour se confronter à la technologie moderne ou aux sports jusque-là réservés aux hommes.

"Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden", 1926 de Otto DIX - Courtesy Centre Pompidou, Paris © Photo Éric Simon

"Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden", 1926 de Otto DIX - Courtesy Centre Pompidou, Paris © Photo Éric Simon

6. Utilité

 

Liée à la Nouvelle Objectivité, la notion de Gebrauch [utilité] apparaît dans l’Allemagne des années 1920 dans les domaines du théâtre, de la musique et de la littérature. Ce nouveau concept favorise l’émergence d’œuvres à caractère didactique, pensées pour un large public. Censées être utiles à la société, elles doivent être ancrées dans leur temps et immédiatement compréhensibles. À l’instar du célèbre reporter Egon Erwin Kisch, l’écrivain moderne adopte désormais un style neutre, constitué de phrases simples et concises, et privilégie le récit des faits sur l’exploration des sentiments.

 

 

Dans la Gebrauchslyrik [poésie utilitaire], la prose prend le pas sur le lyrisme. Inspiré par la littérature des Lumières, Erich Kästner confère à la poésie un but éducatif et écrit dans une langue simple et compréhensible, dénuée de toute psychologie. Le journaliste Kurt Tucholsky rédige des poèmes ouvertement politiques adressés au prolétariat, qui s’éloignent des préoccupations des tenants de l’art pour l’art.

"Autoportrait d'un sculpteur", 1928 de Julius BISSIER - Courtesy - Courtesy Städtische Museen Freiburg © Photo Éric Simon

"Autoportrait d'un sculpteur", 1928 de Julius BISSIER - Courtesy - Courtesy Städtische Museen Freiburg © Photo Éric Simon

"Printemps fâné, Autoportrait en amateur de radio", 1926 de Wihelm HEISE - Courtesy Städtische Galerie im Lenbachhaus München © Photo Éric Simon

"Printemps fâné, Autoportrait en amateur de radio", 1926 de Wihelm HEISE - Courtesy Städtische Galerie im Lenbachhaus München © Photo Éric Simon

"Le Rêveur", 1919 de Heinrich Maria DAVRINGHAUSEN - Courtesy Hessisches Landesmuseum Darmstadt © Photo Éric Simon

"Le Rêveur", 1919 de Heinrich Maria DAVRINGHAUSEN - Courtesy Hessisches Landesmuseum Darmstadt © Photo Éric Simon

Importés d’Amérique, de nouveaux styles musicaux apparaissent en Allemagne et deviennent très populaires, notamment le jazz et les musiques de danse comme le fox-trot. Les compositeurs Ernst Křenek, Kurt Weill ou Paul Hindemith s’en inspirent pour créer un genre musical nouveau, le Zeitoper [opéra d’actualité].

 

Les intrigues se déroulent dans le monde contemporain, les décors intègrent les technologies et machines modernes (trains, voitures, téléphones). L’opéra tourne le dos à la tradition romantique et s’adresse à un vaste public, puisant ses références dans la culture populaire. Aux antipodes des épanchements lyriques de l’expressionnisme, les metteurs en scène Erwin Piscator et Bertolt Brecht développent le théâtre épique.

 

Déjouant la fiction, ils introduisent dans leurs pièces des dispositifs scéniques permettant au spectateur d’analyser l’intrigue, et ainsi contribuer à son éveil politique. L’introduction de narrateurs ou la rupture de l’unité de l’action sont autant d’éléments engendrant une distanciation propice à la réflexion. Les décors conçus par Traugott Müller ou George Grosz contribuent au développement de ces ambitions anti-illusionnistes. Tout en demeurant un divertissement, le théâtre devient ainsi un lieu d’éducation et un moyen d’information.

Carton pour "Le Triptyque de la grande ville", 1927-1928 d'Otto DIX - Courtesy leihgabe des Kunstmuseum Stuttgart  © Photo Éric Simon

Carton pour "Le Triptyque de la grande ville", 1927-1928 d'Otto DIX - Courtesy leihgabe des Kunstmuseum Stuttgart © Photo Éric Simon

"Sans titre (Couple)", 1926 de Gert WOLLHEIM - Courtesy The Jewish Museum, New York © Photo Éric Simon

"Sans titre (Couple)", 1926 de Gert WOLLHEIM - Courtesy The Jewish Museum, New York © Photo Éric Simon

"Autoportrait", 1928 de Anton RÄDERSCHEIDT - Courtesy Musée d'art Moderne de la ville de Paris © Photo Éric Simon

"Autoportrait", 1928 de Anton RÄDERSCHEIDT - Courtesy Musée d'art Moderne de la ville de Paris © Photo Éric Simon

7. Transgressions

En Allemagne, les rôles genrés traditionnels sont redéfinis à l’issue de la Première Guerre mondiale. Après avoir occupé les postes vacants durant le conflit, les femmes sont désormais implantées sur le marché du travail, et obtiennent le droit de vote dès 1918.

 

Cette nouvelle position les conduit à adopter une apparence androgyne en s’appropriant les codes de la masculinité : cheveux courts, chemise, cravate et torse plat, comme le montre Selbstbildnis als Malerin [Autoportrait en peintre] (1935) de Kate Diehn-Bitt. Lotte Jacobi photographie les frère et sœur Erika et Klaus Mann, enfants de l’écrivain Thomas Mann, qui portent les mêmes vêtements et apparaissent sur l’image presque indistingables.

 

 À Berlin, dans le célèbre cabaret de l’Eldorado, les artistes travestis poussent plus loin encore cette confusion des genres. Une importante subculture homosexuelle se développe dans ces clubs tolérés par la police. La peintre et dessinatrice Jeanne Mammen réalise des aquarelles croquant le quotidien des lieux de rencontre lesbiens, figurant les relations entre femmes avec une certaine tendresse, tout comme Christian Schad, qui dessine deux jeunes garçons amoureusement enlacés.

"Bistrot pour travestis", 1931 de Jeanne MAMMEN - Courtesy Staatliche Museum zu Berlin © Photo Éric Simon

"Bistrot pour travestis", 1931 de Jeanne MAMMEN - Courtesy Staatliche Museum zu Berlin © Photo Éric Simon

"Portrait du Joaillier Karl KRALL", 1923 d'Otto dix - Courtesy Kunst und Museumsverein im Von der Heydt-Museum, Wuppertal © Photo Éric Simon

"Portrait du Joaillier Karl KRALL", 1923 d'Otto dix - Courtesy Kunst und Museumsverein im Von der Heydt-Museum, Wuppertal © Photo Éric Simon

Les portraits d’Otto Dix sont en revanche davantage empreints des stéréotypes homophobes de l’époque. La danseuse Anita Berber, vedette ouvertement bisexuelle aux multiples frasques, est caricaturée comme une personnification du péché. Le bijoutier Karl Krall apparaît avec des hanches démesurément creusées et larges, en écho aux idées du scientifique Eugen Steinach sur les « hommes féminisés».

 

Dans son film médical, qui connaît alors un grand succès, le physiologiste défend l’idée d’un déterminisme biologique de l’homosexualité, qui pourrait se déceler à la largeur du bassin ou des épaules.

 

Transgressions de l’hétérosexualité et décloisonnement des genres génèrent chez certains artistes masculins une angoisse qui se traduit dans leurs œuvres par un rappel violent à la norme. Rudolf Schlichter, Karl Hubbuch ou Otto Dix multiplient les représentations de Lustmörder, crimes sexuels montrant des femmes violemment assassinées par arme blanche ou pendaison. Pour ces jeunes peintres d’une vingtaine d’années, l’émancipation féminine, notamment sexuelle, est perçue comme une menace que ces représentations permettent de conjurer.

"Scène II (Meutre)", 1922 d'Otto DIX - Courtesy fondation Otto Dix, Vaduz © Photo Éric Simon

"Scène II (Meutre)", 1922 d'Otto DIX - Courtesy fondation Otto Dix, Vaduz © Photo Éric Simon

"Rêve de la sadique", 1922 d'Otto DIX - Courtesy Kunstsammlungen Chemnitz - Museum Gutzenhausser © Photo Éric Simon

"Rêve de la sadique", 1922 d'Otto DIX - Courtesy Kunstsammlungen Chemnitz - Museum Gutzenhausser © Photo Éric Simon

"Le reporter à toute vitesse", 1926 de Egon Erwin KISCH - Courtesy Gallery Kicken Berlin © Photo Éric Simon

"Le reporter à toute vitesse", 1926 de Egon Erwin KISCH - Courtesy Gallery Kicken Berlin © Photo Éric Simon

"Modèle Académique", 1929 de Willi MÜLLER-HUFSCHMID - Courtesy Galerie Berinson, Berlin © Photo Éric Simon

"Modèle Académique", 1929 de Willi MÜLLER-HUFSCHMID - Courtesy Galerie Berinson, Berlin © Photo Éric Simon

"L'homme comme parfait industriel", 1926 de Fritz SCHÜFER  © Photo Éric Simon

"L'homme comme parfait industriel", 1926 de Fritz SCHÜFER © Photo Éric Simon

8. Regard vers le bas

 

La fascination pour l’industrie et les machines se heurte à la dure réalité du quotidien des populations les plus modestes. Mus par une volonté de représenter le revers du capitalisme triomphant, certains artistes de la Nouvelle Objectivité tournent leur regard vers ces invisibles que le progrès technique exclut ou réprouve. Bien que prétendant à une représentation objective du monde social, ils refusent la neutralité politique, la plupart étant engagés au parti communiste.

 

 

L’apparition d’une presse ouvrière richement illustrée comme l’Arbeiter Illustrierte Zeitung (AIZ), à l’approche objective voire sociologique, contribue à médiatiser le quotidien des travailleurs; des films documentaires dénoncent par ailleurs leurs logements exigus et insalubres. À Berlin, le journaliste Siegfried Kracauer publie Die Angestellten [Les Employés] (1930), vaste enquête sur ce groupe social soumis à la même mécanisation du travail que les prolétaires dont ils se sentent pourtant éloignés.

"L'Un des nombreux du XXème siècle", 1927 de Franz RADZIWILL - Courtesy LWL-Landsmuseum für Kunst und Kultur, Munster © Photo Éric Simon

"L'Un des nombreux du XXème siècle", 1927 de Franz RADZIWILL - Courtesy LWL-Landsmuseum für Kunst und Kultur, Munster © Photo Éric Simon

"En bordure de la ville", 1926 de Hans GRUNDIG - Courtesy Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"En bordure de la ville", 1926 de Hans GRUNDIG - Courtesy Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"Routes du travail", 1930 de Oskar NERLINGER - Courtesy Stiftung Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"Routes du travail", 1930 de Oskar NERLINGER - Courtesy Stiftung Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"Bahnof", 1924-1926 de Karl VÖLKER - Courtesy Kulturstiftung Sachsen-Anhalt, Kunstmuseum Moritzburg Halle (Salle)Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"Bahnof", 1924-1926 de Karl VÖLKER - Courtesy Kulturstiftung Sachsen-Anhalt, Kunstmuseum Moritzburg Halle (Salle)Stadtmuseum, Berlin © Photo Éric Simon

"Pas de nervosité dans le bureau moderne grâce à l'horloge à mémoire (Memor) qui vous rappelle tous les rendez-vous par un dispositif d'alarme", 1926 de Sasha STONE - Courtesy Museum Folkwang, Essen © Photo Éric Simon

"Pas de nervosité dans le bureau moderne grâce à l'horloge à mémoire (Memor) qui vous rappelle tous les rendez-vous par un dispositif d'alarme", 1926 de Sasha STONE - Courtesy Museum Folkwang, Essen © Photo Éric Simon

Affiche de l'exposition du Deutscher Werkblund (Le Logement) WeiBenhofsiedlung, Stuttgart", 1927 de Willi BAUMEISTER - Courtesy Kunstmuseum Stuttgart © Photo Éric Simon

Affiche de l'exposition du Deutscher Werkblund (Le Logement) WeiBenhofsiedlung, Stuttgart", 1927 de Willi BAUMEISTER - Courtesy Kunstmuseum Stuttgart © Photo Éric Simon

Cet essor du documentaire, du reportage ou de l’enquête nourrit la pratique des photographes et des peintres, qui adoptent la même approche analytique et distancée. Karl Völker et Oskar Nerlinger réalisent des portraits des foules anonymes de travailleurs dans l’environnement oppressant de l’architecture industrielle : désindividualisés, ils ne sont plus que de simples rouages de la machine économique capitaliste.

 

L’exploitation de ces masses laborieuses profite aux plus aisés: dans son photomontage Arm und Reich [Pauvre et riche] (1930), Alice Lex-Nerlinger montre, à l’aide d’une composition simple, que le confort de quelques riches s’obtient au détriment de la masse de pauvres. À l’aide d’un style détaché, les artistes figurent les populations précaires vivant en bordure des grands centres urbains modernes, vitrines du capitalisme allemand. Dans Menschen des 20. Jahrhunderts, August Sander consacre un groupe à « La grande ville », dont il représente les populations marginales: gens du voyage et gitans menant une vie d’itinérance, mais aussi chômeurs, mendiants et miséreux.

Loin des boulevards animés et de leurs enseignes lumineuses, Hans Baluschek et Hans Grundig peignent les exclus des divertissements urbains, les familles pauvres évoluant dans des terrains vagues à la périphérie des villes.

Parcours August Sander Vue en perspective : August Sander, entre l’élan révolutionnaire des artistes progressistes et l’enracinement dans le terroir

 

Commissariat Angela Lampe, conservatrice au service de la collection moderne, Musée national d’art moderne

Florian Ebner, conservateur et chef de service du cabinet de la photographie, Musée national d’art moderne assistés de Sophie Goetzmann, chargée de recherches au Musée national d’art moderne.

Katharina Täschner, boursière du programme « La photographie aux musées » de la fondation Krupp

Le Centre Pompidou

Galerie 1, niveau 6

75191 Paris cedex 04

 

https://www.centrepompidou.fr/

 

 

Jours et Horaires d’ouverture :  tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi, nocturne le jeudi jusqu’à 23h. Tarifs Tarif plein : 14 € / Tarif réduit : 11 € / Gratuit : moins de 18 ans

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