21 Jul

Nick OBERTHALER «Liminals»

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Peinture Contemporaine

Détail "Untitled (Maps)", 2022 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

Du 21 juin au 30 juillet 2022

Mon premier acte, quand je veux peindre une surface, est de tracer un rectangle, de la grandeur qui me convient, en guise de fenêtre ouverte par où je puisse voir le sujet.

— Leon Battista Alberti, De Pictura, 1435

Liminals est une exposition de nouvelles oeuvres de l’artiste autrichien Nick Oberthaler qui explore la fonction de la peinture abstraite comme seuil vers de nouvelles expériences spatiales et visuelles. Accrochées près du sol, les quatre grandes oeuvres conçues spécialement pour Thaddaeus Ropac Paris Marais seront comme des fenêtres donnant sur des dimensions visuelles changeantes aux teintes vives et contrastées, tout en modifiant les espaces qu’elles habitent. À leurs côtés, des oeuvres de petite taille, au format carte postale, donneront un aperçu plus intime du processus de l’artiste, révélant son approche instinctive de la texture et la couleur.

"Untitled (Liminal Landscape #)", 2022 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

Au sens propre aussi bien que figuré, les tableaux ont longtemps été associées aux fenêtres, leur architecture en forme de grille servant de modèle à l’observation géométrique de la nature qui a conduit au développement de la perspective pendant la Renaissance par des théoriciens tels qu’Alberti. Oberthaler, dans son propre langage visuel issu du minimalisme et de l’abstraction géométrique, réinvente ce trope de l’histoire de l’art, en y superposant une dimension numérique contemporaine, qui permet de réfléchir aux structures qui sous-tendent la création et la consommation d’images aujourd’hui.

L’artiste utilise ce qu’il appelle des « couleurs aiguës » dans les oeuvres exposées, son jaune fluorescent et gris argenté donnant aux peintures un aspect résolument technologique.

À leurs côtés, des fonds de bleu outremer et des touches gestuelles de rouge ocre évoquent une palette plus souvent rencontrée dans les peintures des XVème et XVIème siècles. Travaillant par couches comme sur un logiciel de design informatique, l’artiste juxtapose ces univers chromatiques, les laissant se heurter et travailler ensemble tour à tour afin de provoquer une contemplation active chez les spectateurs.

"Untitled (Liminal Landscape #)", 2022 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

Au fil des toiles, des formes géométriques précises semblent fournir des indications spatiales réelles, évoquant comme le décrit la curatrice Marie de Brugerolles, des écrans d’ordinateur, morceaux de papier plié et de véritables fenêtres. Les petits carrés semblables à des pixels que l’on trouve sur les bords des peintures d’Oberthaler, en particulier, rappellent les marqueurs présents sur les logiciels de graphisme, qui agissent comme des points d’accroches, permettant aux utilisateurs de s’orienter et de conserver un sens des proportions dans l’univers numérique immatériel. Dans l’exposition, ces

formes géométriques interpellent et perturbent la vision autant qu’elles la structurent, révélant la grille élémentaire aussi comme une barrière à l’observation et générant une perte d’échelle à la fois désorientante et libératrice.

"Untitled (Liminal Landscape #)", 2022 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

"Untitled (SOS)", 2021 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

En 2019, Oberthaler a commencé à réaliser des oeuvres de plus petite taille, qu’il envoyait à des amis, des artistes et des collectionneurs sous forme de « cartes postales SOS », sans écriture au dos si ce n’est la date à laquelle elles avaient été réalisées. Elles sont devenues ce qu’il appelle des « peintures itinérantes », évoquant le précédent de la Boîte-en-valise (1935-41) de Marcel Duchamp, dans laquelle il transportait des miniatures de ses oeuvres, ainsi que l’art postal des années 1960 et 1970, lorsque les artistes s’envoyaient des idées et oeuvres d’art afin d’éviter la censure et de contourner les structures rigides du monde de l’art.

« D’un côté, il pourrait s’agir d’idées pour des oeuvres non encore réalisées », explique Oberthaler à propos de ses petites oeuvres, d’autre part, elles pourraient être considérées comme des zooms avant ou arrière : des fenêtres offrant une vue sur un paysage. Au sens le plus réduit du terme, il s’agit de peintures simples, qui remettent en question les paramètres de composition et l’interaction des couleurs sur un plan pictural très réduit. »

"Untitled (Liminal #2)", 2022 de Nick OBERTHALER - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus Ropac © Photo Éric Simon

La plus graphique des peintures-cartes postales est constituée de bandes de couleur tirées du nuancier de Google Maps, composé de gris, jaune, vert et bleu. Dans le coin supérieur droit, l’artiste a inscrit les lettres « SO », et « S » en bas à gauche. Ensemble, ces lettres forment un appel au secours, tandis que séparément, elles évoquent les coordonnées « sud-ouest » et « sud », faisant écho aux indications topographiques que l’on retrouve dans les grandes oeuvres exposées et laissant entrevoir les paysages qui pourraient se trouver au-delà de ces toiles aux allures de fenêtres.

Depuis la Renaissance, une approche scientifique à la création d’images a favorisé l’idée de vraisemblance dans l’art, où le tableau opère comme une fenêtre sur une dimension visuelle nouvelle mais non pas moins réelle. Cette approche continue d’influencer la façon dont nous consommons les images, en particulier celles produites par la technologie, qui continue de revendiquer l’objectivité de la science. Dans Liminals, Oberthaler révèle la peinture comme un plan mouvant de formes et de couleurs qui – plus qu’un portail vers de nouveaux mondes – constitue un espace d’invention, à la fois instable et illimité, à la lisière de la réalité.

Oberthaler est né à Bad Ischl, en Autriche, en 1981. Il a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne et à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Genève, et vit et travaille actuellement entre l’Autriche et l’Allemagne. Il est actuellement Professeur en peinture à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon.

Galerie Thaddaeus Ropac

7 Rue Debelleyme
Fr-75003 Paris

https://ropac.net/

Jours et horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 10h à 19h