05 Dec

Chen CHING-YUAN «The Ship of These-us »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Peinture Contemporaine

Détail "Slip of the Tongue", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

Du 8 octobre au 17 décembre 2022

Le bateau sur lequel Thésée s'était embarqué avec les autres jeunes gens, et qu'il ramena heureusement à Athènes, était une galère à trente rames, que les Athéniens conservèrent jusqu'au temps de Démétrios de Phalère. Ils en ôtaient les vieilles pièces, à mesure qu'elles tombaient en ruine, et les remplaçaient par des neuves qu'ils joignaient solidement aux anciennes. Aussi les philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses dont on remplace les pièces anciennes par des pièces nouvelles, citent ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent les uns que c'était toujours le même bateau, les autres que c'était un bateau différent.

— Plutarque, Vie de Thésée

"The wreath", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

"The Paddles III", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

Dans la Vie de Thésée, Plutarque décrit l'un des plus anciens débats philosophiques sur l'identité - l'essence - des choses et des êtres. Le paradoxe du bateau de Thésée est de savoir si un objet dont tous les composants originaux ont été remplacés reste le même objet. Les philosophes modernes ont également utilisé cette expérience de pensée pour examiner la persistance de l'identité personnelle dans le temps.

Pour Chen Ching-Yuan, le choix de cette référence ne consiste pas à commenter un débat métaphysique, mais plutôt à donner un indice sur les sentiments qui ont inspiré cette série de peintures.

"Slip of the Tongue", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

"Propaganda III", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

Son intérêt pour l'identité individuelle et sociale ne doit cependant pas surprendre. La remise en question du rôle de l'individualité et de la conscience de soi dans les sociétés asiatiques a toujours été très présente dans l'œuvre de Chen Ching-Yuan, à travers la représentation de pratiques culturelles et de scènes de la vie quotidienne.

Dans le titre se trouve également le double sens de "Ceux" (These) et "Nous" (Us), car ses peintures mettent en évidence la tension entre le groupe et l'individu, une tension qui est encore plus forte dans le contexte taïwanais actuel. L'idée de la propagande, symbolisée par les mégaphones en carton, imprègne ainsi de nombreuses œuvres.

"Dreams by the sand III", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

"Dreams by the sand IV", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

En tant qu'artiste, Chen Ching-Yuan ne travaille pas avec les limites de la pensée rationnelle, mais développe une pensée poétique, qui peut s'expliquer par l'influence de la peinture romantique du XIXe siècle. Sa pratique est également imprégnée d'un fort surréalisme, se rattachant à un héritage artistique où les métaphores, les suggestions et les symboles sont monnaie courante.

Dans ses nouvelles peintures, on trouve ainsi des échos de la guerre en Ukraine, à travers de nombreux symboles: l'utilisation des couleurs, les bûches tenues comme des fusils, ou les sacs de sable qui font office d'oreillers. On pourrait dire que Chen Ching-Yuan est un faiseur de rêves.

"Substitute", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

"Sand bag II", 2022 de Chen CHING-YUAN - Courtesy de l'artiste te de la galerie Mor Charpentier Paris © Photo Éric Simon

Son œuvre s'inscrit dans un imaginaire inclassable, qui dégage une mystérieuse aura mélancolique et énigmatique, convoquée par une puissante trame narrative qui n'existe ni dans la réalité ni au-delà. De nombreuses références, cependant, sont tirées de la vie réelle : des gens qui reçoivent une formation militaire de base avec des armes factices, ou les mesures prises pour préserver les statues publiques dans ce qu'il appelle un "monument de protection".

L'attrait de ses peintures réside dans la création de cette vérité temporaire qui permet au spectateur de saisir l'essence de l'œuvre, qui cherche à toucher la réalité, sans jamais vraiment l'atteindre.

Comme les éléments subjectifs ne peuvent être présentés dans leur intégralité, la réalité est incorporée de manière fragmentée, et donne cette impression de fantaisie caractéristique de sa pratique. Chaque tableau qu'il réalise est un récit créé à partir de symboles fragmentés ; autant de signes qui renvoient à un concept plus grand, quelque chose qui les dépasse. Comme l'affirme l'artiste : "J'ai l'impression que mon travail est un échantillonnage de la réalité.

Peu importe ce que je fais, ce n'est qu'un fragment. Mais à travers ces fragments, j'espère présenter une certaine régularité et un destin, un fonctionnement inéluctable. Mes peintures sont comme des objets récupérés dans un lac. Elles sont des réflexions sur mon expérience des réalités, et certains choix doivent être faits."

Galerie Mor Charpentier

61 rue de Bretagne

75003 Paris

https://www.mor-charpentier.com/fr/

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.