Robert LONGO «The New Beyond»
Détail "Untitled (After Zao Wou-Ki; Still Two of Us - 10.3.74 (1974))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
Du 17 octobre au 23 décembre 2022
Dans The New Beyond, l’artiste américain Robert Longo présente sa plus récente série de dessins monumentaux au fusain rendant hommage aux pionniers européens de l’art d’après-guerre.
Après sa série de dessins de 2014 basée sur l’expressionnisme abstrait américain, Longo explore dans cette exposition l’œuvre de Karel Appel, Jean Dubuffet, Arshile Gorky, Asger Jorn, Yves Klein, Willem de Kooning, Maria Lassnig, Piero Manzoni, Joan Mitchell, Pierre Soulages, Wols et Zao Wou-Ki.
Alors que nombre de ces artistes ont travaillé en Europe dont plusieurs à Paris – dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, leurs pratiques expérimentales et multiples ont révolutionné l’art après le traumatisme de la dévastation de la guerre. En revisitant leur travail dans un contexte contemporain, Longo propose cette exposition comme une « construction historique », soulignant l’influence continue de ces artistes, et trouvant une résonance actuelle dans leur capacité à transcender à travers leur travail les circonstances troublées d’un monde en radicale transformation.
"Untitled (After Jorn; Lettre to my son (1956-1957))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
"Untitled (After Klein; Anthropémétrie sans titre (ANT110, 1960))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
L’exposition tire son nom d’un essai de 1952 du critique d’art français Michel Tapié, qui identifie un nouvel horizon pour l’art européen, annoncé par des peintres tels que Jean Fautrier et Jean Dubuffet. Rompant avec les codes traditionnels de la peinture, ces artistes ont produit, selon Tapié, « quelque chose de tellement extraordinaire, chargé d’une magie tellement stupéfiante, tellement inutile par rapport aux conceptions sordides du quotidien et en même temps tellement irréductiblement nécessaire pour ceux qui veulent, au jour le jour ».
Pour Longo, né en 1953, cette période de révolution artistique revêt un intérêt particulier, car elle a jeté les bases de l’abstraction, ainsi que de nouvelles formes d’expression artistique pluridisciplinaires. Comme l’écrit l’historienne de l’art Dominique de Font-Réaulx dans le catalogue de l’exposition, la transposition de ces peintures iconiques en dessins au fusain oblige l’artiste à « aller au cœur de l’œuvre ». À ses côtés, les spectateurs sont invités à s’intéresser à la manière dont ces tableaux ont été réalisés et à se plonger dans l’époque de leur création.
"Untitled (After Dubuffet; Dhôtel nuancé d'abricot (1947))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
"Untitled (After Wols; Vert cache rouge (Le Grand Orgasme)(1947))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
Le processus de création d’un dessin au fusain s’oppose presque entièrement à celui de création d’une peinture traditionnelle. Partant d’une page blanche, Longo assombrit progressivement et méticuleusement certaines zones pour créer des ombres, terminant par les points de noir le plus profond, alors que, dans une peinture traditionnelle, les points de lumière sont apposés en dernier lieu, par-dessus les tonalités les plus sombres.
Contrairement à l’exubérance d’un tableau comme Bleu, bleu, le ciel bleu (1961) de Joan Mitchell, l’approche de Longo est mesurée, voire « chirurgicale ». Mais alors qu’il étudie chaque coup de pinceau, recréant soigneusement leurs variations de texture et leurs nuances de couleur à partir d’un fusain noir et sec, il célèbre la matérialité de la peinture qui est, selon de Font-Réaulx, « la signification sensible et intime de ces œuvres ». Les dessins de Longo sont saturés par le temps de leur réalisation.
"Untitled (After Appel; Amorous Dance (1955))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
"Untitled (After Manzoni; Achrome (1958-1959))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
« Barnett Newman a dit que les expressionnistes abstraits étaient des artistes figuratifs travaillant de manière abstraite », observe Longo, « je pense que je suis un artiste abstrait travaillant de manière figurative. » Presque tous les dessins de peintures présentés dans l’exposition sont plus grands que les tableaux originaux, inversant ainsi la hiérarchie traditionnelle entre les médiums. « Le Manzoni m’a fait penser au Combine de Robert Rauschenberg avec un lit », se souvient l’artiste, « mais en fait, l’œuvre de Manzoni ne fait que 30 cm de large. J’ai donc fait mon dessin de Manzoni de la taille d’un lit.
On a l’impression qu’on pourrait y grimper. » Exposées sans verre, les œuvres révèlent leurs qualités haptiques aux spectateurs de manière inédite, tant par le rendu plus grand que nature de l’application originale de la peinture que par la proximité de la texture du fusain sur papier. En rendant hommage à ces peintres, Longo établit non seulement un dialogue entre le dessin et la peinture, mais remet également en question les systèmes de valeurs du monde de l’art, nous incitant à examiner notre relation aux images.
"Untitled (After Gorky; Garden in Sochi (1943))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
"Untitled (After Zao Wou-Ki; Still Two of Us - 10.3.74 (1974))", 2022 de Robert LONGO - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais © Photo Éric Simon
« Tout art est une forme d’expression politique », estime Longo, qui se décrit, ainsi que tous les autres artistes, comme « les reporters de l’époque dans laquelle nous vivons. » À côté des dessins de peintures, quatre dessins plus petits au fusain et à la mine de plomb, basés sur des photographies allant de la fin de la guerre à la révolution culturelle de 1968, illustrent le contexte dans lequel les peintures originales ont été réalisées. Ils représentent la ville de Dresde en ruines en 1945 et l’explosion atomique de Nagasaki la même année, ainsi qu’Elvis Presley en concert en 1956 et un char soviétique à Prague au printemps 1968.
« Lorsque j’ai réalisé mes dessins à partir des expressionnistes abstraits américains », observe Longo, « je me suis concentré sur le fait que de nombreux jeunes artistes américains commençaient à travailler de manière très abstraite, très antipolitique, anti-intellectuelle et orientée sur le processus. » Ce constat, qui se heurtait au contexte politique agité des États-Unis à l’époque, a incité Longo à examiner les origines de l’abstraction contemporaine.
Il est désormais bien connu que le gouvernement américain s’est approprié l’œuvre des expressionnistes abstraits grâce à l’absence apparente de message politique et l’a utilisée comme outil de propagande sous la forme d’une exposition itinérante en Europe.
L’avant-garde européenne, quant à elle, était considérée comme radicale et nombre de ses partisans étaient rejetés par les milieux institutionnels. Comme l’a écrit Tapié, « l’art, alors, ne pourra être autre chose qu’une opération magique extrêmement grave, nous amenant à border en toute lucidité le magnifique vertige d’une épreuve de haute violence par delà toutes les considérations de “critique d’art”. »
Alors que l’incertitude domine le climat politique actuel en Europe, la nouvelle série de dessins de Longo nous encourage à examiner le travail des artistes dont l’œuvre a contribué à soigner les blessures de la guerre et à imaginer un avenir différent. Leur exemple, qui a jeté les bases sur lesquelles les artistes construisent encore aujourd’hui, pourrait inspirer toute une nouvelle génération.
L’exposition The New Beyond sera accompagnée d’un catalogue nouvellement édité, avec un texte original de Dominique de Font-Réaulx, directrice de la médiation et de la programmation culturelle au musée du Louvre.
Galerie Thaddaeus ROPAC - Marais
7 rue Debelleyme
FR-75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 10h à 19h.