Eugène DODEIGNE "Sculptures et Fusains"
"Deux figures", 1999 de Eugène DODEIGNE - Courtesy de la Galerie Christophe GAILLARD © Photo Éric Simon
Du 28 Janvier au 25 Février 2023
2023 : C'est l'année qu'a choisie la Galerie Christophe Gaillard pour présenter pour la première fois les œuvres du sculpteur Eugène Dodeigne.
Une exposition pour un centenaire, celui de la naissance du sculpteur originaire de Rouvreux, petit village de carriers situé en Région wallonne dans la province de Liège, devenu ce sculpteur monumental dont les œuvres ont voyagé à travers le monde.
Formé par un père marbrier à l’école de l’artisanat, comme bien des artistes — Antoine Bourdelle, Joseph Bernard, Barbara Hepworth, Roel D’Haese, Agustín Cárdenas... —, avant de se perfectionner aux Beaux-Arts de Paris, Dodeigne y a acquis le goût et la connaissance profonde de son matériau de prédilection.
"Sans titre", 1984 de Eugène DODEIGNE - Courtesy de la Galerie Christophe GAILLARD © Photo Éric Simon
"Nu debout", 1963 - 2018 de Eugène DODEIGNE - Courtesy de la Galerie Christophe GAILLARD © Photo Éric Simon
"Sans titre", 1980 de Eugène DODEIGNE - Courtesy de la Galerie Christophe GAILLARD © Photo Éric Simon
S’il fut célébré dès les années 1960 dans les pays d’Europe du Nord, il a fallu du temps, à l’instar de son ami le peintre Eugène Leroy qui ne connut la consécration qu’à l’âge de quatre-vingts ans, pour que la France prenne pleinement conscience de l’authentique talent du sculpteur.
La capitale l'a néanmoins reconnu avec des expositions dans les galeries Claude Bernard, Pierre Loeb ou Jeanne Bucher, tandis que les pays étrangers se sont intéressés très tôt à son travail, à commencer par la Belgique dont le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles présente ses pierres dès 1957, les Pays-Bas au musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam, en Suisse à la Kunsthalle de Bâle, ou en Allemagne dans les galeries Springer, Zwirner et Brusberg.
Au fil des années, ses sculptures en pierre de Soignies, qui l'identifient à coup sûr, ont atteint la monumentalité. Des groupes peuplent maintenant de nombreux lieux publics et parcs de musées : à la fondation Septentrion à Marcq-en-Barœul, à Hanovre, Liège, au Kröller-Müller d'Otterlo, à la Fondation Maeght, au Palais des Beaux-Arts de Lille, au musée La Piscine de Roubaix jusqu'au LAM de Villeneuve d'Ascq, au musée de Grenoble, au MAC-VAL de Vitry ou au jardin des Tuileries à Paris.
Les sept sculptures en pierre présentées figurent parmi les dernières sculptées par Dodeigne. L'artiste a alors dépassé les soixante-dix ans, dont plus de cinquante passés à tailler la pierre. Elles témoignent ainsi de ces dernières préoccupations et montrent que Dodeigne a su renouveler son expression en l’épurant pour ne retenir que l’essentiel. Il confiait encore en 1997 : « La pierre, c’est un rocher, ça vit sans cesse...
La pierre, je suis tout seul avec elle, et elle, elle est toujours là. En définitive, c’est une lutte amoureuse avec le caillou ». Dans chacune d'elles se ressent en effet cette lutte acharnée avec la matière, « le combat » disait l'artiste, au terme duquel il est parvenu à insuffler la vie à l'œuvre.
"Deux figures", 1999 de Eugène DODEIGNE - Courtesy de la Galerie Christophe GAILLARD © Photo Éric Simon
On y retrouve ses célèbres pierres de Soignies – celle qu'il appréciait le plus et qui est devenue sa marque de fabrique – comme Roc ou Les doigts, celle de Massangis, aux reflets beiges de l'Etreinte ou des Deux figures, ou le marbre de Carrare d'Elancée à la blancheur immaculée. Le métier est toujours aussi solide et la technique de la pierre éclatée, expérimentée à partir de 1960, est toujours à l'œuvre.
L’artiste fait plus que jamais siennes les traces des outils – barre à mine, perforatrice, marteau-piqueur, disqueuse – dans la pierre, comme autant de lignes de force sur lesquelles la lumière s’accroche et les formes, comme arrachées à la matière, s'architecturent.
Le Nu debout en bronze tient une place tout à fait unique dans l'œuvre de l'artiste. Réalisé en 1963, il témoigne de son activité de modelage puisqu'il est d'abord né dans le plâtre. Une œuvre de transition qui annonce son travail de la cire et du bronze, et qui fait écho aux nus alanguis qu'il peint parallèlement. Il réalise ainsi dans ce bas-relief un tableau tout en volume où une figure nue, sensuelle, émerge de la matière.
Les grands dessins au fusain sont l'autre singularité de Dodeigne et l'identifient tout autant que ses pierres. Ils témoignent de l'activité du sculpteur, lorsque les frimas de l'hiver ne permettent plus de tailler la pierre. Ils en sont le prélude, nés dans la fièvre des séances de pose face au modèle, lors desquelles l'artiste noircit intensément les feuilles de papier au format « Grand Aigle ». Les dessins sélectionnés à l'occasion de cette exposition couvrent la période 1976-1999 et sont présentés pour la première fois. Le geste y est tour à tour délicat et appliqué dans les dessins de 1976 et 1978, plus sûr et spontané par la suite. Ce sont des études autant que des œuvres d'art à part entière.
En 2020, la rétrospective du musée La Piscine à Roubaix, rendue invisible en pleine crise sanitaire liée au covid, a malgré tout permis la redécouverte d'un artiste majeur et d'un œuvre beaucoup moins « monolithique », au propre comme au figuré, qu'il n'y paraissait.
Cet événement majeur a définitivement ancré Dodeigne en tant qu'acteur aussi essentiel que singulier sur la scène artistique française de la seconde moitié du XXe siècle et dans le panthéon des sculpteurs. Cette exposition de la galerie Christophe Gaillard en est une nouvelle et magistrale démonstration.
Germain Hirselj est historien de l'art et commissaire d'exposition.
Sculpteur, peintre, dessinateur et créateur de mobilier, Eugène Dodeigne (1923-2015) est né en Belgique et naturalisé Français lorsque ses parents s’installent dans le Nord.
Régulièrement présentées en France et à l’étranger, les œuvres d’Eugène Dodeigne sont conservées dans de nombreuses collections publiques (au Fonds national d’art contemporain et au Musée National d’Art Moderne-Centre Georges Pompidou à Paris, au LAAC de Dunkerque, au LAM de Villeneuve d’Ascq, au Musée des Beaux-Arts de Lille, à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence,…) ainsi qu’en Algérie, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Argentine, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse ou encore aux Etats-Unis, notamment au MoMA à New York et au Smithsonian Institute à Washington.
En 2020, le musée de La Piscine de Roubaix a consacré à l’œuvre d’Eugène Dodeigne une remarquable rétrospective et présenté soixante ans de création (pierres de Soignies, plâtres, bois, bronzes, terres cuites, dessins, peintures et éléments de mobilier).
Galerie Christophe GAILLARD
5 rue Chapon
75003 Paris
https://galeriegaillard.com/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au vendredi de 10h30 à 12h30 et de 14h à 19h et le samedi de 12h à 19h.