Naomi SAFRAN-HON «Soft Power»
Détail "Taking me for granted", 2019 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
Du 3 décembre au 14 janvier 2023
Dans cette première exposition de Naomi Safran-Hon à la galerie RX intitulée « Soft Power », l'artiste israélienne livre un aperçu de son travail, dans lequel elle brouille les frontières entre réalité et illusion, entre l'objet réel et son image. Pour se faire, elle condense sur la toile en tension un jeu d'oppositions entre les matériaux et les techniques : béton et dentelles, peinture et photographie, fil de fer barbelé et tissus.
La matérialité de l'oeuvre et les différentes textures font presque basculer ses toiles du côté de la sculpture. Quand on s'approche un peu plus, on comprend que l'artiste pose un regard intime sur sa ville natale, Haïfa, à travers les questions de la domesticité et du foyer, de la guerre et de l'exil, de la mémoire et de l'histoire. Comme elle le résume : « Il s'agit d'un groupe de toiles qui traitent de notre relation à l'environnement, à la fois à la nature et au paysage construit, mais aussi sur la manière dont nos vies sont affectées par des événements extérieurs. »
"Taking me for granted", 2019 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
"Henry's flowers", 2019 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
Au départ, il y a la fascination. Face aux oeuvres de Naomi Safran-Hon, l'oeil balaye la surface pour se poser alternativement sur les matériaux, les paysages et la composition générale. Les matériaux agissent en premier pour plusieurs raisons : par l'opposition entre l'aspect brut et rugueux du béton versus la délicatesse de la dentelle, mais aussi par le jeu illusionniste entre les murs en béton reproduits sur les photographies – que l'artiste intègre à la toile – et le béton même qu'elle ajoute.
Elle le répand de façon irrégulière à la surface ou le fait traverser la toile à travers les trous qu'elle a percés. Ces amas forment alors des stalactites, comme autant de prolongements du sujet de la photographie dans l'espace réel. Tout s'enchevêtre, on passe d'une dimension à une autre, comme si on traversait les strates de l'histoire.
"Storm in my heart", 2019 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
"Corroding", 2022 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
Des paysages en ruine magnifiés
Et puis, on rentre dans le vif du sujet. Au coeur de la toile de Naomi Safran-Hon se situent ses photographies de paysages où dominent des ruines. Là se superposent l'histoire de l'artiste et celle de la ville où elle a grandi, Haïfa. Elle s'y balade régulièrement lorsqu'elle y retourne – elle habite New York – et, l'appareil photo à la main, elle retient certaines images de ces bâtiments abandonnés, en ruine.
On la suit dans un quartier bien précis, Wadi Salib, hors du temps. Comme elle l'explique : « Il s'agissait de la partie palestinienne de la ville et en 1948, les habitants ont été expulsés ou ont fui à cause de la menace d'une guerre imminente. Ils n'ont jamais été autorisés à y revenir et leurs descendants vivent toujours dans des camps de réfugiés. De nouveaux immigrants juifs y ont été logés jusqu'en 1959, or, une nouvelle vague de troubles civils s'est produite et le quartier a finalement été abandonné. » C'est certainement pour cela qu'elle bannit toute présence humaine dans ses photographies, seules les traces demeurent, et pas n'importe lesquelles puisqu’elle retient en environnement ravagé pour lequel on ressent, en creux, une certaine souffrance, un sentiment de tristesse et d'injustice.
"Growing Inside", 2020 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
« Mes peintures sont comme des graines... »
Si la guerre et le conflit israélo-palestinien pointent en toile de fonds, il n'est pas question pour l'artiste de prendre position. À la question, « votre art est-il engagé ? », elle répond très clairement : « Oui, mais seulement engagé envers moi. Or, je pense que vous voulez savoir autre chose. Je pense que vous voulez me demander si je considère mon travail comme porteur d'une idéologie ou d'une opinion politique. Je ne pense pas que ce soit le rôle ou la raison d'être de l'art et je sais que l'histoire de l'art regorge de contre-exemples.
Lorsque nous nous rencontrons, nous pouvons avoir un grand débat politique et j'essaierai bien sûr de vous convaincre que mon avis est le bon point de vue, mais dans mon travail, je n'essaie pas de faire cela. J'espère que l'oeuvre interpelle les visiteurs de manière plus profonde. Si l'idéologie d'une personne est comme une maison en métal, essayer de la convaincre revient à donner des coups de marteaux sur une structure inébranlable ; ça ne fera que du bruit. Si nous plantons des graines de réflexions à l'intérieur, un arbre pourrait pousser et traverser la maison de l'intérieur, ce qui remplacerait les idéologies établies par une nouvelle façon de penser.
Mes peintures sont comme ces graines, ouvrant un processus de transformation épistémologique. » S'il s'agit de la première exposition de Naomi Safran-Hon à la galerie RX Paris, le public français a déjà pu se familiariser avec les oeuvres de l'artiste israélienne en mars aux Franciscaines de Deauville, en juin au Bonisson Art Center à Rognes et en novembre, sur le stand de la galerie à Asia Now.
"Building blocks for the past", 2022 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
"Looking back at absent home", 2022 de Naomi SAFRAN-HON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RX - Paris © Photo Éric Simon
Naomi Safran-Hon (1984) est née à Oxford, en Angleterre, et a grandi à Haïfa, en Israël. Elle vit et travaille à New York.
Safran-Hon a obtenu son BA Summa Cum Laude de l’université Brandeis, 2008 et une une maîtrise de l’école d’art de l'Université de Yale en 2010. Safran-Hon a fréquenté l’école de peinture et de sculpture Skowhegan en 2012, participé à la résidence Art OMI (New York) en 2016 où elle a reçu le prix Francis Greenburger et en 2019-2020 de la LMCC Residency. En 2020, elle a été lauréate du Colene Brown Art Prize.
Le travail de Safran-Hon combine des photographies d'architecture et de paysages qu'elle réalise, qu'elle mélange avec du ciment et de la dentelle, des barbelés transformant ces images en peintures mixtes. Son travail explore les concepts de foyer, de domesticité et de guerre.
Safran Hon a beaucoup exposé aux Etats-Unis et à l'international. Son travail a été exposée dans des lieux tels que Marfa Contemporary,TX ; Musée d’Art de Haïfa ; Brooklyn Museum, NY ; Queens Museum, NY ; Islip Museum, NY ; Museum of Contemporary Art Herzliya, Museum Africa, Johannesburg. Lors de son dernier solo show à la Slag Gallery (Chelsea) en 2020, elle a été consacrée par The New York Times.
Galerie RX - Paris
16 rue des Quatre Fils
75003 Paris
Horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h.