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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

03 Mar

Mathilde DENIZE « Never Ending Story »

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Peinture Contemporaine, #Expo Installation Contemporaine

Détail "Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Détail "Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Du 7 janvier au 11 mars 2023

 


La galerie Perrotin de Paris est heureuse de présenter la première exposition personnelle de Mathilde Denize à Paris. Déployant un ensemble de nouvelles peintures et installations, Never Ending Story fait suite à l’exposition de l’artiste au Centre d’art contemporain d’Alfortville La Traverse en mai 2022 et à son exposition personnelle à Perrotin New York fin 2021.

 

"Un parapluie de femme égaré gisait sur le trottoir et à quelques pas un gant avait été oublié sur un banc. La nuit de Paris se gonflait d’ombre et ces objets perdus prenaient un air de complicité."
- Philippe Soupault, Les Dernières Nuits de Paris, 1928.

"Figures", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"Figures", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"The Suspended", 2022Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"The Suspended", 2022Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Mathilde Denize s’est emparée de la peinture le jour où, estimant que certaines de ses toiles profiteraient d’un plus bel horizon, elle décida de les séparer des châssis. Dès qu’elles furent libérées de ce cadre de bois qui sert à l’envers de support et de tension, ses peintures s’envolèrent comme les linges pendus au bord du gouffre des fenêtres.

 

De son propre aveu, ce qui n’était que formes et figures non abouties, ou précisément trop abouties parce que trop captives, se fit métrages décomplexés du châssis auquel ils se trouvaient jusqu’alors circonscrits.

 


Parallèlement, elle se plaisait à collecter, à ramasser où qu’elle soit ces objets de rebut et de rue que les autres méprisent et abandonnent. Esquintés, amochés, brisés et incomplets, ces objets touchaient par une sensibilité née de leur exil. Bannis du quotidien domestique, ils reprenaient un semblant de vie en son atelier.

 

Forme à chapeau sauvée, feuilles recroquevillées, échantillons de papier délaissés – protectrice de leurs souvenirs en lambeaux, Mathilde Denize les assemblait et, d’un lien, un élastique, un bout de ficelle de fortune, elle fabriquait un pansement bienveillant.

 

"Suspended", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"Suspended", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"The Suspended", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"The Suspended", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Découper, non pour détruire les toiles et les peintures mais pour observer les formes résiduelles qui pourraient émerger en conséquence, alternait avec cette collecte recréative.

 

Ces morceaux et ces fragments allaient bientôt épouser les objets de rien avec évidence. L’agrégation des formes peintes morcelées, assemblées avec peu de moyens en des sensations vestimentaires comme oubliées au portemanteau, soulignait le caractère d’absence qui unissait les objets abandonnés.

 

Figure and Signs", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Figure and Signs", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Dans cet à peu près, Mathilde Denize se trouva tout entière. Les cimaises ne seraient plus, plus seulement celles qui étaient attendues, les cloisons blanches en usage. Le corps serait un socle. Sa pratique serait multiple. Peinture, sculpture, performance et installation ne suffiraient pas à définir cette géographie artistique devenue sienne où la précarité des moyens mis en œuvre dicterait sa trajectoire.

 

Toile à patron ou toile de peintre ?

 

Telle apparaît l’interrogation portée par les deux œuvres de 2020, Relief for her et Body Keep. Dans l’une et l’autre, il s’agit d’huile peinte sur de la toile de coton. La typologie d’une veste à peine modélisée est bien reconnaissable dans les deux cas. Cela ne fait pas d’elle pour autant l’instrument d’une garde-robe.

Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Les œuvres peintes de Mathilde Denize frôlent les habitants mous des placards et des penderies sans jamais adopter tout à fait leur territoire.

 

Découpées sommairement, cousues brièvement, les manches d’un  blouson arlequin (Coat Trail for Shell, 2021), les jambes d’un pantalon à peine esquissé (Contours, 2018), la forme en relief d’un maillot de bain suspendu (Contours, 2019) constituent un vestiaire plastique singulier plus qu’elles ne singent les dressings.

 

Et si parfois certaines créations empruntent leur titre au langage vestimentaire (Oversize, 2019), la tentation de mode s’arrête ici. Les costumes de Mathilde Denize ne sont qu’illusions et apparences. Ce ne sont pas des costumes civils, quotidiens, urbains ou de théâtre.

 

Au mieux, ce sont les costumes d’une cérémonie d’exception dont seule l’artiste connaît la date de représentation. Pour s’en convaincre, il convient d’apprécier la performance Haute Peinture de 2019. Sur des corps réduits à l’état de silhouettes noires, des fragments peints de vêtements avortés composent et recomposent des figures libres, des peintures en mouvement, sans cadre.

 

Les visages rendus absents par des cloches de feutre dictent l’anonymat au profit de l’œuvre peinte en chorégraphie libre. Il y a peu de filiation avec le domaine de la mode.

"Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"Landscape", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

"Landscape", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

 L’art à porter de Mathilde Denize est plus volontiers héritier des pratiques artistiques de Kurt Schwitters ou de Robert Filliou quand il s’agit de fragilité d’assemblage et de matériaux pauvres. C’est bien à Oskar Schlemmer que l’on songe et aux ballets triadiques dans lesquels les costumes, œuvres en mouvement, s’imposent souverains. On pense également à Giacomo Balla et aux tentatives d’utopies vestimentaires en couleur dont il fut l’auteur.

 


Mathilde Denize fut un temps peintre de décors, notamment pour le cinéma. Cela n’est pas anodin. Ses costumes épars, de fantaisie picturale tissée, sont aussi l’aveu de l’admiration qu’elle voue au réalisateur d’origine arménienne Serguei Paradjanov, et plus particulièrement à l’un de ses films, Sayat Nova.

Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

Figure", 2022 de Mathilde DENIZE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN Paris © Photo Éric Simon

 Il règne autour de ces objets et décors une atmosphère de solitude dont Mathilde Denize est probablement dépositaire à son tour. Suspendus au mur comme sur une patère ou un portemanteau, confondus sur un corps qu’ils n’habillent pas tout à fait, les vêtements peints de Mathilde Denize crient l’isolement et l’absence.

 

Entre la surcharge des motifs, les traits de couleur qui font d’eux des camouflages expressément présents et l’attente à laquelle ils sont tenus précaires, murés dans le silence, ces troubles vêtements, ces véritables peintures à essayer ne
seraient-ils pas les fards, les vestiges du passé inlassablement ramassé, sur le point de disparaître ?

 

Cette archéologie sensible et poétique, instable, que Mathilde Denize recèle, collecte, accumule, découpe et assemble comme un papier peint en recomposition constante constitue désormais son terrain de jeu et de création. Il est celui au sein duquel elle gouverne la complicité des relations et des formes désaffectées entre elles.


Olivier Saillard: Historien de la mode, Directeur Artistique Image et Culture, JM Weston,
Directeur de la Fondation Azzedine Alaïa

Galerie PERROTIN

76 rue de Turenne
75003 Paris

 

https://www.perrotin.com

 

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 18h.

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