21 Mar

Moataz NASR « Retour d’ÉGYPTE »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Sculpture Contemporaine, #Expo Textile Contemporain, #Expo Photographie Contemporaine, #Expo Installation Contemporaine

"Apophis", 2019 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

Du 3 février au 2 avril 2023

GALLERIA CONTINUA est heureuse de présenter la première exposition personnelle dédiée à l’artiste international égyptien Moataz Nasr au sein de son espace parisien. Moataz Nasr a été récemment mis en lumière sur la scène artistique française au sein de différentes expositions collectives : en 2021 au Musée régional d’art contemporain d’Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, en 2019 au Jardin des Tuileries, lors de la FIAC Hors les murs, ainsi qu’en 2018 au Palais de la Porte Dorée – Musée National de l’Histoire de l’Immigration à Paris.

Les œuvres présentées dans Retour d’Égypte retracent les quinze dernières années de production de l’artiste, explorant les questions politiques, sociales et identitaires qui traversent l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, ainsi que les multiples
échanges et l’influence de ces derniers envers la culture occidentale.

"Propaganda "Mining the passageway of Khour Abdallah Allah and Um Al Kasr waterways will not affect the coalition ships. Mining will only harm the Iraqi people.)", 2008 de Moataz NASR - Courtsey de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

L’exposition débute avec Craquele, une œuvre de 2019 où Moataz Nasr présente une carte incomplète du Moyen-Orient réalisée en porcelaine blanche. La candeur et la délicatesse de la porcelaine est cependant perturbée par de fines craquelures qui parsèment la carte.

Trahissant l’équilibre et la fragilité d’une coexistence multiculturelle et politique complexe, l’artiste souligne les nombreuses fissures et bouleversements affectant le monde actuel.

"Come to light", 2019 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

L’équilibre précaire de la société, ainsi que sa fragilité, s’illustrent parfaitement par les allumettes utilisées par l’artiste pour une série d’œuvres présentées dans l’exposition : The Flower (2013) et The Beetle (2023), partant d’une idée que l’artiste nourrit depuis l’enfance.

Son grand-père comparait souvent la caducité de la vie humaine à la fragilité d’une allumette, en soulignant cependant que dans cette fragilité réside aussi la force de l’embrasement. Le feu, destructeur ou créateur, sommeille en tout un chacun. Pour The Flower, le motif a été repris d’une assiette datant de l’époque fatimide exposée au Musée du Caire, successivement endommagée par la série d’attentats qui ont secoué l’Égypte à l’aube du troisième anniversaire de la Révolution de 2011.

Ce motif du griffon (créature légendaire, souvent représentée avec un corps de cheval, les ailes d’un aigle, la gueule d’un coq et les oreilles d’un cheval) est présent aussi bien dans The Flower que dans l’imposante sculpture en cuir The return of a Griffin (2013), qui accueille le visiteur.

"The Return of the Griffin", 2013 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

Cette œuvre produite pour l’exposition The Journey of a Griffin, présentée par l’artiste à Santa-Croce sull’ Arno, petite ville toscane, qui depuis le XVIIIème siècle est le cœur battant des tanneries italiennes, témoigne des multiples liens et influences entre le monde arabe et le bassin méditerranéen jusqu’à aujourd’hui.

La cathédrale de la ville de Pise, proche de Santa-Croce sull’Arno, abrite à son sommet la sculpture d’un griffon (ou du moins sa réplique, la sculpture originale étant conservée au Musée de la Cathédrale de Pise).

Ce motif iconographique a connu un développement complexe au cours du Ier millénaire avant J.-C., sa fonction principale ayant
toujours été celle d’un être apotropaïque (qui protège et conjure du mauvais sort), tandis que sa première représentation dans la forme iconographique que nous connais sons (moitié lion, moitié aigle) remonte aux anciens territoires phéniciens, situés sur le Liban et les cotes de Syrie actuels.

"Mac Gate", 2019 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

Le griffon de Pise pose encore de nombreuses questions quant à sa provenance exacte.

Probablement d’origine islamique, il aurait été produit entre l’Al-Andalus (territoire couvrant l’actuelle péninsule ibérique et une partie du Sud de la France, qui fut sous domination musulmane entre le VIIIème et le XVème siècle) et l’Égypte fatimide.

Éponyme de l’œuvre réalisée en 2019, le dieu Apophis est un autre motif légendaire figurant dans l’exposition.

Divinité du chaos et de l’obscurité dans l’Égypte antique, ce serpent sinueux, dont chaque bosse symbolise un moment de difficulté, apparait dans l’iconographie égyptienne lors de moments de troubles politiques et sociaux. S’érigeant menaçant sur ses pattes, ou plutôt sur des pieds humains, il symbolise pour l’artiste les difficultés passées et présentes de son pays.

"Rose (The Slave Market)", 2016 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

Pourtant, à chaque lever du soleil, la légende raconte qu’Apophis est vaincu par la déesse Bastet. Cette lutte constante entre le bien et le mal est une histoire dans l’Histoire, qui se répète constamment, illustrée également dans l’œuvre vidéo The Mountain (2017), présentée au Pavillon Égyptien de la 57ème Biennale de Venise.

Cette fable contemporaine aborde le conflit constant et universel entre la jeunesse éclairée et l’institution conservatrice. Moataz Nasr crée The Mountain comme une métaphore de la victoire sur le « démon » du village (la peur), qui vit au sommet de la montagne et terrorise les villageois après le coucher du soleil.

Se saisissant du bâton de son père, sans doute un symbole de l’autoritépatriarcale, une petite fille, Zein, gravit la montagne, suivie prudemment par les villageois, et poignarde le démon en son cœur avant de tomber au sol, inerte, laissant les spectateurs dans l’ignorance de son sort.

"Ya Wadod", 2011 de Moataz NASR - Courtesy de l'artiste et de la Galleria CONTINUA © Photo Éric Simon

En guise de triomphe final, Moataz Nasr présente l’œuvre Ya Wadod (2011). Signifiant « compassion », cette clé apparaît descendant du plafond, comme un appel, une prière qui nous est destinée et nous suggère le chemin à suivre.

La transparence subtile de l’albâtre souligne l’aspect mystique de l’œuvre, et devient un augure positif pour l’ensemble de l’humanité.

Retour d’Égypte interroge ainsi les traditions et l’histoire, mais aussi la géopolitique, la sociologie, le soufisme, autant de thématiques qui peuplent et nourrissent les œuvres de l’artiste.

En questionnant les liens tissés entre Orient et Occident, Moataz Nasr révèle l’équilibre instable de notre temps.

Moataz Nasr, né en 1961 à Alexandrie en Egypte, est une figure internationale majeure de l’art contemporain. Peintre et sculpteur engagé, autodidacte, il a abandonné son parcours initial en économie pour suivre sa passion et devenir, aujourd’hui, l’un des plus grands représentants de l’art contemporain panarabe.

Son œuvre met en lumière les processus culturels complexes en cours dans le monde islamique. Dépassant les idiosyncrasies et les frontières géographiques, son travail exprime les inquiétudes et les tourments du continent africain.

Moataz Nasr a fondé en 1998, avec des artistes de sa génération, Townhouse au Caire, le premier espace d’exposition indépendant de l’histoire du pays. L’obtention du Grand Prix de la 8e Biennale internationale du Caire en 2001 l’a consacré comme un artiste international.

Galleria CONTINUA

87 rue rue du Temple

75003 Paris

https://www.galleriacontinua.com/

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11H à 19H.