09 Oct

Ghyslain BERTHOLON « Dernier Rappel de la Forêt »

Publié par Eric SIMON - Catégories : #Expo Sculpture Contemporaine, #Expo Installation Contemporaine, #Expo Vidéo Contemporaine

Détail "Vanitatum", 2012 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Du 23 septembre au 28 octobre 2023

Le Sphinx de la rue Pastourelle

Conte de Marc Soléranski dédié à Ghyslain Bertholon

Au cœur du quartier du Marais, la rue Pastourelle conserve quelques maisons du XVIII e siècle, du temps des Lumières où l’on rêvait aux « bons sauvages » en lisant Jean-Jacques Rousseau.

Même si la Révolution a confisqué ces salons aristocratiques pour en faire des ateliers ou des logements plus modestes, il arrive que des rocailles découpées dans une porte cochère, une rampe de fer forgé déployant ses arabesques végétales, ou que des bouquets de fleurs sculptés dans une boiserie Louis XV, rappellent le passé de cette rue au doux nom de pastorale.

"Sylv-1 ", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Re-Génération", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Miroir Visiblement Aveugle (vol. 2)", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Le public du XXI e siècle peut-il porter sur le monde le même regard que les contemporains de L’Encyclopédie de Diderot ou L’Histoire Naturelle de Buffon ?

Aujourd’hui, l’image de l’humain maître et possesseur de la nature est mise à mal par les conséquences de la surconsommation sur l’environnement. Mais, comment l’art peut-il célébrer l’élément naturel sans accorder une place à l’humain?

Supposons une galerie d’art contemporain qui n’accueillerait que des arbres ou des animaux sauvages, aurait-elle plus de légitimité en plein centre de Paris qu’un ouvrage d’ébénisterie dans une jungle tropicale ?

A la frontière entre la nature et l’artifice, Sylv-1 une créature créée par Ghyslain Bertholon, veille sur l’entrée du N°11 rue Pastourelle. Elle est composite comme les chimères qui défendaient les portiques des temples païens, et suspendue au-dessus du vide à la manière d’une gargouille de cathédrale. Son corps est mi-humain mi-batracien, sa tête un boitier pivotant à détection de mouvement dardant deux lumières rouges tenant lieu de regard.

Sylv-1 ne laisse entrer que les végétaux, les pierres, les cerfs, les reptiles, les insectes... tout ce qui n’a pas été façonné par la main de l’homme. Tel le Sphinx aux portes de Thèbes, elle interdit l’accès aux êtres humains à moins de résoudre une de ses redoutables énigmes.

"Gloria Mundi (vol. 9) XL", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Re-Génération", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Caïman Invisible", 2022 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

A chaque visiteur qui veut relever son défi, Sylv-1 exige que l’on réponde à cette question :

« Je n’ai ni mur, ni porte, ni fenêtre vitrée. Mon toit est troué et mes piliers sont de bois, pourtant nulle demeure au monde n’abrite autant d’habitants que moi... Qui suis-je ? »

Ceux qui ne trouvent pas le Sésame demandé par le monstre ne peuvent aller plus loin. D’autres finissant par trouver la solution de l’énigme se voient opposer une nouvelle question, plus difficile que la précédente. Vous qui répondez à l’invitation de la galerie Rabouan Moussion, ferez-vous partie du cercle de privilégiés munis du sauf-conduit, ou serez-vous exclus pour votre appartenance à la famille des hominidés ?

La question ne se pose plus depuis qu’un nouvel Œdipe a vaincu la sentinelle. Un enfant au physique asexué se présenta devant Sylv-1 sans se laisser intimider et lui déclara :

« Comment oses-tu exiger un mot de passe pour une œuvre qui est ouverte à tout le monde ?

Comment peux-tu réduire en une seule phrase ce qui parle une multitude de langages ?

Ici, tu n’es pas à ta place, et j’entrerai malgré toi !

- As-tu seulement résolu mon énigme ?

"Vanitatum", 2012 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"FORÊT I & II", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"PETRA SILVA", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Je n’ai pas besoin de la résoudre, puisque sa réponse est inscrite en toutes lettres dans le titre de l’exposition : le lieu sans mur, ni porte, ni vitre, à la toiture trouée, aux piliers de bois, qui surpasse toutes les demeures de la Terre par son nombre d’habitants... C’est la forêt.

Le travail de Ghyslain Bertholon est à son image, il n’y a ni diplôme ni mode d’emploi pour y accéder, il suffit d’aller au- devant de soi-même pour en faire partie. Chacun peut s’approprier la forêt, du chasseur traquant son gibier à la fillette poursuivant un papillon, du biologiste étudiant l’écosystème au promeneur contemplatif.

Les sculptures de Ghyslain Bertholon s’adressent autant aux déchiffreurs de symboles qu’aux conteurs d’histoires pour les plus petits, aux militants écologistes qui détecteront des messages d’alerte comme aux spectateurs d’une comédie fantastique. Les forêts n’ont ni code ni serrure, ni douane ni sas de sécurité. On y pénètre sans s’en apercevoir, au détour d’un chemin, au sommet d’une pente, et ce n’est que lorsque les arbres nous cernent et que le chant des oiseaux remplace le tumulte de la ville, que nous prenons conscience que la forêt nous a piégés alors que nous croyions la conquérir. »

"REZILIENTIA", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Troché de face", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Série "L'Appel de la forêt" "Trois Tables Gigognes au Talus de l'Orée", 2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Sylv-1 furieux de se voir ridiculiser par un enfant, lui soumit aussitôt sa seconde énigme :

« Je suis une étendue d’eau stagnante où les promeneurs peuvent circuler à pied sec, un terrain en friche dont les jardins sont mis au carré, où poussent depuis cinq siècles plus d’immeubles de pierre que d’herbes sauvages. Qui suis-je ? »

L’enfant haussa les épaules : « vous êtes le quartier où nous sommes. Vous êtes le Marais. »

Sans prêter plus d’attention au sphinx, il franchit la porte de la galerie Rabouan Moussion, mais l’enfant ne figurait pas sur la liste des invités. Etait-ce une fille ou un garçon ?

Comment s’appelait-il (ou elle) ?

Avec tact, l’agent d’accueil lui tendit le livre d’or de l’exposition avec le nécessaire pour écrire son nom, son prénom et ses coordonnées.

«- Vous avez oublié d’indiquer votre adresse, fit-il observer à l’enfant. Ne voulez-vous pas être informé des prochains événements de la galerie ?

- Je n’ai pas d’adresse, mais vous saurez très bien où me trouver puisque je réside chez chacun de vous.»

L’agent d’accueil regarda ce que l’enfant avait écrit dans le livre d’or. Dans la colonne du nom, il vit simplement ce mot : L’Imagination.

"Recto/Verso", 2019-2023 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

"Troché de face, Monsieur Moineau", 2022 de Ghyslain BERTHOLON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie RABOUAN MOUSSION © Photo Éric Simon

Ghyslain Bertholon est né en 1972 à Lyon, France. Il vit et travaille à Saint-Etienne, France Après des études en communication par l’image, Ghyslain Bertholon entre en deuxième année à l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Étienne. Il en sort quatre ans plus tard avec le DNSEP (diplôme nationale d'expression plastique). Dès sa sortie de l’école, il intègre l’Atelier de Conception, rassemblement d’une quinzaine d’artistes, architectes et designers pour des actions dites de proximité, dans l’espace public. Jusqu’en 2004, il multiplie les collaborations artistiques et crée, ou rejoint, plusieurs collectifs d’artistes. Il réalise dans le même temps plusieurs commandes publiques pour des installations pérennes dans l’espace public.

Le travail de Ghyslain Bertholon se structure depuis 2005 autour de deux pôles distincts et complémentaires. Le premier l’entraîne dans une analyse des flux d’images et d’informations (avec notamment la série des Synchromes) tandis que le second regroupe, sous le nom de Poézies, l’ensemble de ses réflexions et de son approche sensible sur ce qui constitue notre environnement social et culturel.

Galerie RABOUAN MOUSSION

11 rue Pastourelle

75003 Paris

https://www.rabouanmoussion.com/fr

Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.