« Mythologies Américaines » Ser SERPAS « I Fear (J’ai peur) » (4)
Installation et performence "BASEMENT SCENE", 2023 de Ser SERPAS - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
Du 20 septembre au 22 janvier 2024
Quatre artistes de générations différentes, tous représentés dans la Collection Pinault, explorent et déconstruisent les mythologies américaines à la Bourse de Commerce.
Ces artistes dénoncent avec une ironie critique et féroce les travers de la société états-unienne telle qu’elle a été forgée depuis l’après-guerre et s’appuient notamment sur les contre-cultures, perçues à la fois comme des forces radicales de contestation dans lesquelles s’inscrire, mais aussi comme des échecs ou des illusions perdues.
Chacun à leur manière, ils livrent — dès les années 1960 pour Lee Lozano, les décennies 1970-1980 pour Mira Schor et Mike Kelley, et 2010-2020 pour Ser Serpas —, un œuvre à la fois intime et collectif. Ensemble, ils dressent un portrait acerbe de l’Amérique et de ses mythes, avec autant d’autodérision que de profondeur, de dureté que de poésie.
Installation et performence "BASEMENT SCENE", 2023 de Ser SERPAS - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
Pour la Bourse de Commerce, Ser Serpas crée un dispositif de peintures et de sculptures (recouvertes de tissus) profondément inspirées du film fantastique The Others de Alejandro Amenábar, d’un moment en particulier où des voix de fantômes résonnent dans la maison, venant comme en habiter les objets et le mobilier laissés à l’abandon.
Cette scène d’exposition, qui convoque aussi bien les champs de la musique (commissionnée spécialement à l’artiste de Manchester Leyland Kirby qui revisite par le souvenir son emblématique projet «The Caretaker»), du cinéma que de la mode, constitue un véritable écho à la manière dont l’artiste choisit de reconfigurer l’espace de la galerie en un lieu fantomatique et fantasmatique. Traversant tout l’espace, une tringle métallique supporte de nouvelles peintures de l’artiste qui, entre abstraction et figuration, témoignent de ses nouvelles orientations vers une dissolution des corps, une forme de perte d’emprise sur la réalité, sur le monde qui l’entoure.
Installation et performence "BASEMENT SCENE", 2023 de Ser SERPAS - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
De grandes dimensions, les toiles flottent nonchalamment dans l’espace, comme à peine achevées, en train de sécher, en écho aux sculptures partiellement recouvertes de tissus autant de présences fantomatiques qu’inquiétantes. Marquée par tous les films d’horreur vus durant son enfance, Ser Serpas recrée ici une atmosphère paradoxale où le frisson procuré instille dans le même temps une forme de confort, une étrange chaleur.
Ces nouvelles peintures de grand format sont des huiles sur toiles, de couleur «cendreuse», comme effacées, qui agissent, pour l’artiste, comme des réminiscences du passé. Ces toiles sont principalement inspirées de photos d’anciennes relations amoureuses ou d’images montrant les avants et après d’opération de chirurgie esthétique.
Installation et performence "BASEMENT SCENE", 2023 de Ser SERPAS - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
Les fragments de corps qui y apparaissent, aussi bien que les abstractions, résonnent avec les assemblages d’objets trouvés qu’elle compose au sein de l’espace, plus exactement qu’elle fait construire par des artistes performeurs, sur la base d’instructions. C’est en effet, lors d’une soirée musicale le 9 septembre 2023 conçue par l’artiste comme une performance —intitulée BASEMENT SCENE—que ces objets abandonnés vont être assemblés et construits en sculptures au rythme d’un DJ set de Ser Serpas, puis de performances musicales de deux DJs des scènes underground new-yorkaise et tokyoïte, Lydo et Yousuke Yukimatsu.
Après chaque représentation, l’installation résultante LOCKED CLUB sera présentée comme l’instantané d’une afterparty. Performées et formées au sous-sol de la Bourse de Commerce, les sculptures sont déplacées et rejoignent l’espace de la Galerie 3, venant en quelque sorte « cannibaliser » l’ensemble. Une deuxième itération de BASEMENT SCENE sera présentée pour la désinstallation de l’exposition au début du mois de février 2024. L’exposition de Ser Serpas prend la forme d’une performance sonore chorégraphiée dont l’assemblage est la conséquence et dont l’impact oscille entre «concrétions de colère et de mélancolie, de panache et de vulnérabilité»(1).
Fin septembre, dans l’Auditorium, une conférence entre Ser Serpas et l’historienne de l’art et critique d’art française Élisabeth Lebovici, autour du travail de l’artiste américaine Lee Lozano (1930-1999), exposé en Galerie 2. À cette occasion, Ser Serpas propose une lecture de poèmes.
1. Ingrid Luquet-Gad, «Les formes-mues d’une enfant du siècle» in Ouverture, Bourse de Commerce, Paris, 2020, p. 286.
Installation et performence "BASEMENT SCENE", 2023 de Ser SERPAS - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
Ser Serpas, artiste présentée dans l’exposition «Ouverture» à la Bourse de Commerce en 2021, a grandi à Boyle Heights, un quartier de Los Angeles imprégné d’une forte histoire d’activisme radical de gauche. Serpas a adopté cette cause, consacrant une grande partie de son temps à l’organisation communautaire pendant ses années de lycée.
Désenchantée par le traitement peu respectueux des marginalités au sein des mouvements activistes, son militantisme s’exprime désormais à travers l’art et la poésie. Elle déménage à New York, puis occupe des ateliers en Géorgie, en France. Sa pratique, forgée lors de ses études à Columbia, est largement investie dans la critique et la célébration de la valeur (ou de son absence) des objets matériels.
Qu’il s’agisse de travailler avec des détritus jetés trouvés dans la rue ou sur des tissus offerts par des amis, Serpas manipule à chaque fois ces matériaux, les assemble ou les peint, pour produire de l’art d’une manière qui complique les perceptions de la valeur, donnant un sens à ce qui serait autrement un rebut.
Dans une logique de subversion des ready-made de Duchamp ou des Combines de Rauschenberg, Serpas remet ses sculptures dans les rues après leur exposition, leur permettant de redevenir des déchets. Ses peintures sont également parfois entassées comme des peaux sur des structures ne permettant pas de les voir dans leur intégralité.
Commissariat: Caroline Bourgeois, conservatrice en chef de Pinault Collection.
"Untitled", 2003 de Ed RUSCHA - Courtesy de l'artiste et de PINAULT Collection - Paris © Photo Éric Simon
Bourse de Commerce Collection PINAULT
Galerie 3
2 rue de Viarmes
75001 Paris
https://www.pinaultcollection.com
Jours et horaires d’ouverture : Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Fermeture le mardi et le 1er mai.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h, sauf du 20 septembre au 12 octobre.
Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h.