Sosthène BARAN « Par désir, par hasard »
"La peinte", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
Du 25 janvier au 24 février 2024
« Le long plaisir pourtant de nos métamorphoses
Squelettes s'animant dans les murs pourrissants
Les rendez-vous donnés aux formes insensées
À la chair ingénieuse aux aveugles voyants »
- Paul Éluard, Le dur désir de durer, 1946
La Galerie C - Paris a le plaisir de vous présenter la première exposition à la galerie de l'artiste Sosthène Baran, Par désir, par hasard. "Qu’ont en commun une chaise et un jeu d’échec ?
Un aimant et une spatule ?
L’art peut-il se faire par hasard ?
Dans son œuvre iconique Les Chants de Maldoror, Lautréamont définissait, malgré lui, le surréalisme. Il serait ainsi « beau comme une rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Ce jeu de rencontres opère également dans les œuvres de Sosthène Baran : on le perçoit dans sa manière de procéder.
"Des moitiés", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
"O.P", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
En effet, l’artiste glane, associe et réactive des objets dans son travail pictural. En combinant ses peintures à des objets, en faisant de ses œuvres des objets et de ces objets des œuvres, l’artiste laisse sciemment l’inconscient -le sien, le nôtre -émerger.
À partir d’un morceau de bois récupéré, enduit puis peint, Sosthène Baran représente une tête chapotée.
"Isidro", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
"The Juggler" et "Étude de paysage", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
À première vue, la composition semble extraite du réel. Pourtant, certains éléments s’effacent : les yeux, la bouche disparaissent ou se dissipent dans le volume et la texture du bois prend le relais. Le chapeau devient un aplat blanc, voluptueux, presque mousseux, et fit d’ailleurs dire à un ami de l’artiste qu’il s’agissait là d’une pinte -une bière -, soit un objet qui appartient généralement aux scènes de genre dans la peinture.
L’artiste joue de ce trouble jusque dans le titre de l’œuvre qu’il a appelé « la peinte », appuyant sur la confusion formelle qu’il a provoqué -et évoquant l’exercice même de la peinture. Dans ce titre, le pronom promulgue, en outre, l’objet au rang d’icône, et même de grand sujet de la peinture comme la madone ou le portement de croix. La « peinte » prend ainsi, sous la main de l’artiste, une tournure beaucoup moins cocasse, non ?"
"Sans titre", 2022 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
La tête est placée dans un espace architectural, une sorte d’éclaté à la manière de la peinture primitive italienne ou plus tardivement d’un surréalisme de Georgio Di Chirico qui, lui aussi, utilisait de tels espaces pour extraire le sujet du temps et de son usualité afin de le transposer dans la métaphysique, le sacré, le poétique. Se révélant, ces images créent des allers-retours entre le réel et l’imaginaire, façonnent des rencontres fortuites de paysages, de corps et d’objets : des hasards objectifs. En cela, le travail de Sosthène Baran à avoir avec la posture surréaliste.
En effet, le tableau d’André Breton intitulé « Le Hasard Objectif » est le testament de cette manière de faire œuvre. Il s’agit, dans le cas de Breton, d’un objet en liège, trouvé et interprété par l’addition, de sa main, d’une amande suspendue. Cette œuvre symbolise la notion centrale du surréalisme soit le lien du merveilleux, du réel avec les nforces de l’inconscient. La preuve de l’unité sensible, pleinement analogique de l’univers.
L’œuvre de Sosthène Baran use de cette brèche vers l’imaginaire en employant, comme support de ses œuvres, des objets comportant déjà des caractéristiques intrinsèques particulières : par leurs formes, leur matière, par leur fonction (bouts de bois, tête de lit, chaises, pièces de meubles, poignées, …) et par leurs symboliques, ils sont les points de départ à son imaginaire peint. En y ajoutant des paysages, des couleurs, des silhouettes et des motifs –qu’il crée de manière presque automatique ou inconsciente -, l’artiste va et vient entre l’œil et l’esprit, entre la main et la poétique, entre l’objectif et le hasard. Ces correspondances, ces analogies (et c’est là le jeu de l’artiste) sont également provoquées par la technique, la méthode de ce dernier.
"Scroll", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
"Gorge profonde ( de X-Files)", 2022 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
Sosthène Baran s’est, en effet, formé aux techniques de la décoration et a transféré ce savoir dans ses œuvres. À la manière de peintres décorateurs, Sosthène fabrique ses propres outils, ses pinceaux, spatules et brosses afin de provoquer certains effets, de provoquer des accidents aussi, qui seront un point de départ pour un motif ou son aboutissement. Il fabrique des brosses taillées en forme de silhouettes, des raclettes et brosses multiples qui viendront strier et onduler ses couches picturales.
Et quand il ne s’agit pas de scier, assembler ou percer objets et matières, l’artiste utilise de l’enduit créant des reliefs et des ombres naturelles sur la surface de ses œuvres et faisant basculer le tableau dans l’objet poétique, une « combine painting » si efficace pour l’imaginaire. Dans « La peinte » Sosthène ajoute au panneau principal, un morceau circulaire de bois peint. Dessus, un œil. Hors du cadre, il vient compléter, voire personnifier cette tête en bois tout en nous renvoyant à notre fonction de regardeur, symbolisme d’un acte voyeur et fantasmagorique.
Si notre regard est attiré par les œuvres de Sosthène Baran, c’est peut-être parce qu’elles sont peuplées d’horizons. Empreints de culture populaire, beaucoup de titres des œuvres de Sosthène font référence à la série télévisée X-files à la célèbre réplique « la vérité est ailleurs » et ode des années 90 au paranormal. À la lumière de cette référence, les horizons de Sosthène apparaissent comme de formidables décors pour représenter un ailleurs.
"Abyss", 2023 de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
"29/07/2023" de Sosthène BARAN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris © Photo Éric Simon
Le goût de l’artiste pour le paranormal n’est pas non plus décorrélé de références classiques et liturgiques qui peuplent son travail. Dans un cas comme dans l’autre, il est souvent question d’apparitions, de croyants et de sceptiques et c’est là que réside l’une des forces de la peinture de Sosthène Baran : aborder par le banal et avec une certaine légèreté –voire une pointe d’humour –des sujets et des compositions à la force mystique certaine. Par le truchement du quotidien, les œuvres de l’artiste nous embarquent vers le sacré.
Et de par sa posture habile située entre le scepticisme et la foi, Sosthène Baran permet à l’œuvre d’émerger d’elle-même. Le hasard de ses formes évoque des correspondances, des réminiscences, des figurations qui nous ballotent entre deux mondes : l’un réel et palpable, l’autre surréel et gazeux.
Veut-il nous y conduire ou est-il le spectateur actif de ces coïncidences ?
Et ces coïncidences, apparaissent-elles sur l’œuvre par désir ?
Ou par hasard ?
Les deux sont liés : si le hasard objectif est le précipité –ce qui rend palpable –du désir, les œuvres de Sosthène Baran, dans leur matérialité, sont elles aussi une véritable « physique de la poésie », une matière dans laquelle nous déposons volontairement, le temps d’un regard, nos pensées, nos rêves et nos espérances. Mehr Licht !
Galerie C CONTEMPORARY ART - Paris
6 Rue Chapon
F–75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.