Marc JOHNSON «The SeaI History (After Derek WALCOTT)»
Détail "Retourn", 2024 de Marc JOHNSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MITTERRAND © Photo Éric Simon
Du 29 mars au 16 mai 2024
Où sont vos monuments, vos batailles, vos martyrs ?
Où est votre mémoire tribale ? Messieurs,
dans ce gris coffre-fort. La mer. La mer
les a enfermés. La mer est l’Histoire (1)
Derek Walcott
La Galerie Mitterrand est heureuse de présenter du 28 mars au 16 mai 2024, une exposition personnelle de l’artiste franco-béninois Marc Johnson.
Dans sa nouvelle série d'œuvres textiles, The Sea is History, Johnson tisse ensemble un riche répertoire d'allégories et de mémoires ancestrales liant l’histoire récente de l’humanité aux règnes animal et végétal, pour créer une expérience ,visuelle captivante et pleine de sensualité.
Inspiré par un texte du poète caribéen Derek Walcott, le monde dans lequel nous invite l’artiste est ,celui où l'océan, force majestueuse de la Terre mère, se fait refuge et terrain fertile du déploiement de la vie.
"Runaways", 2024 de Marc JOHNSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MITTERRAND © Photo Éric Simon
Ici, des créatures mi-humaines, mi-marines, formées à partir d'un enchevêtrement imaginatif de chair, de corail et de perles, incarnent la relation intime entre les humains et la nature, un motif récurrent dans l'œuvre de l’artiste.
L'utilisation des techniques de tissage jacquard ne montre pas seulement l'intérêt de Johnson pour les savoirs-faire, mais résonne aussi comme un commentaire sur les textiles et leur histoire coloniale : une industrie inévitablement liée aux récits de corps de couleur au travail, un sujet largement exploré par la théoricienne de la culture Saidiya Hartman.
A travers ces fils, ce sont des histoires d'exploitation et de résistance qui s’entrecroisent. L'œuvre se prête à plusieurs niveaux de lecture, faisant apparaître des notions telles que la pratique ancienne de la nécromancie. Marc Johnson utilise cette référence allégorique pour suggérer une convocation mystique des âmes perdues en mer, celles qui ont péri sans tombeau, pour reprendre les mots du poème de Walcott.
"Retourn", 2024 de Marc JOHNSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MITTERRAND © Photo Éric Simon
"Below", 2024 de Marc JOHNSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MITTERRAND © Photo Éric Simon
Cet acte de résurrection métaphorique a un double objectif : il rend hommage aux ancêtres et interroge le destin de ceux qui, aujourd'hui encore, s'aventurent sur des eaux traîtres à la recherche d'un avenir meilleur. À travers cet ensemble d'œuvres, Johnson crée un espace où le passé et le présent convergent, invitant le spectateur à se recueillir sur les esprits des disparus, à la fois dans un ,acte de construction d’une mémoire collective et comme réflexion profonde sur un voyage humain en cours.
La notion du retour, tissée ici en sous-texte, offre également un commentaire sur la restitution des biens culturels en apportant un autre regard, ancré dans une expérience sensible de la perte et du reprendre, sur ce sujet contemporain. Marc Johnson fait notamment référence à l'ouvrage de l'anthropologue James Clifford Returns: Becoming Indigenous in the Twenty-First Century2 et ses investigations sur les thèmes de la survie culturelle, le patrimoine et la reconquête de l'identité au sein des communautés indigènes à l'époque moderne.
"Arrival", 2024 de Marc JOHNSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MITTERRAND © Photo Éric Simon
The Sea is History contient une autre réflexion autobiographique profonde sur l'héritage personnel de Marc Johnson, amenant dans le domaine de l’intime les questionnements de l’artiste sur le retour aux sources et l'élaboration d'héritages futurs. Les origines de l'artiste se trouvent en effet au Bénin, au Togo et au Congo. Son nom ancestral, Woede (celui qui planifie méticuleusement l'avenir), est issu de la langue Gen parlée par le peuple Mina en Afrique de l'Ouest, et porteur d’une signification forte : il fait référence à une personne qui se projette vers l’avenir en ayant à cœur le bien-être de la communauté. Cette identité culturelle profondément enracinée et cette préscience sont palpables lorsque Johnson établit un dialogue entre l'héritage du passé et les aspirations de l'avenir.
Les échos de la série à l'afrofuturisme et au réalisme magique se déploient après une fin du monde métaphorique, où la vision anthropocentrique est volontairement décentrée. La dimension tactile du tissage et ses vives couleurs irisées sont un festin multisensoriel qui invite le spectateur, non seulement à regarder, mais aussi à sentir dans leur matérialité, le pouls d'histoires et de futurs interconnectés. Johnson situe son travail dans une généalogie artistique allant de l'essence poétique de Derek Walcott aux langages visuels de Sigmar Polke, Kerry James Marshall et Kara Walker.
The Sea is History est une invitation à explorer les profondeurs de la mémoire collective, le pouvoir narratif des textiles et la capacité de l'art à questionner et relier. Elle s'adresse à un monde globalisé, où le passé est toujours présent, où la mer est un coffre-fort chargé de trésors symboliques, et où les fils que nous tissons, chacun dans nos vies, ont le pouvoir de raconter des histoires autrefois cachées au regard… de l’Histoire.
(1) Traduit par Claire Malroux dans Le royaume du fruit-étoile (éditions Circé, 1992).
http://www.khiasma.net/magazine/the-sea-is-history/
(2) (Retour : Devenir indigène au XXIe siècle, non traduit)
Galerie MITTERRAND
79, rue du Temple
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h.