Zadie XA « Rough hands weave a knife »
Du 12 avril au 26 mai 2024
Pour sa première exposition personnelle à Thaddaeus Ropac, Zadie Xa présente de nouvelles œuvres sur divers supports qui reflètent des idées de communication et de transmutation inter-espèce, de construction d’univers, et de symboles de protection et de pouvoir.
Née à Vancouver, au Canada, et résidant actuellement à Londres, Xa s’inspire de son héritage coréen et de sa riche tradition mythologique pour créer des peintures et des œuvres textiles, ainsi qu’un groupe de quatre sculptures en bronze qui représentent une nouvelle facette de sa pratique.
"The Earth Remembers", 2023 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Vancouver Shoreline", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Cette exposition à la galerie du Marais sera la première de l’artiste en France. Reliant ses œuvres à l’histoire de l’art qui les entoure, Xa cite Odilon Redon et Gustave Moreau, peintres du mouvement symboliste parisien de la fin du xix e siècle, comme sources d’inspiration pour son nouveau groupe de peintures. « J’ai toujours été intéressée par la sémiotique, les signes et les symboles », explique l’artiste, mais les scènes pastorales fantastiques de ces nouvelles œuvres témoignent de cette influence particulière.
À travers de vastes paysages qui s’étendent sur des peintures monumentales et, dans certains cas, polyptyques, Xa combine des souvenirs du Nord-Ouest Pacifique, où elle a grandi, des paysages coréens étudiés par le biais de la photographie et de la peinture historique, et des éléments fictifs pour créer des topographies composites qui rappellent la construction de mondes oniriques réalisée par des artistes de science-fiction et de fantaisie comme Frank Frazetta : une autre référence importante pour l’artiste.
"Pulgasari May you always be protected", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Passages via moonlight and non linear time", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Comme elle l’explique, « cette fusion de différents espaces en quelque chose de désiré mais d’abstrait est une réflexion visuelle d’idées métaphysiques de la patrie » : une reformulation du paysage à travers l’expérience diasporique.
Des femmes artistes surréalistes telles que Leonora Carrington et Leonor Fini ont également joué un rôle central pour Xa dans sa conception de l’exposition, pour la manière dont elles ont exploité le potentiel du rêve, de la fantaisie et de l’inconscient afin d’envisager de nouvelles possibilités sociétales. Les renards, les corbeaux et les mouettes qui se faufilent tout au long de l’exposition sont tirés de la réalité urbaine de l’artiste, tandis que d’autres personnages - des figures à cape portant des têtes d’oiseaux ou des queues de plumes - sont des hybrides imaginaires.
"Underworld Kin: Seagull", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Underworld Kin: Orca", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Pour Xa, les animaux portent un pouvoir allégorique abondant, tout comme dans le folklore et la mythologie coréens, qui offrent également à l’artiste un riche réservoir de créatures et de personnages dont elle peuple ses peintures. Grâce à ces figures métamorphiques dans lesquelles l’animal et l’humain sont mis en communication directe, Xa exploite le pouvoir symbolique des animaux à travers les cultures et les traditions pour mettre en évidence des traits et des comportements humains particuliers ou, comme Carrington l’a fait avant elle, pour exprimer les particularités de l’expérience des femmes dans le monde.
« J’ai l’impression que ces symboles détiennent un véritable pouvoir et une véritable magie lorsqu’ils sont placés dans l’écosystème de mon travail », déclare Xa.
"Buffalo Gals, Won't you Come Out Tonight", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Sewn Seeds", 2023 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Les quatre sculptures exposées ont été créées en collaboration avec l’artiste Benito Mayor Vallejo, avec qui Xa travaille étroitement depuis 2006. Elles représentent également des concentrations de pouvoir talismanique dans le langage visuel symbolique qui parcourt l’exposition.
Trois d’entre elles sont basées sur des personnages issus de performances que l’artiste a présentées à la Biennale de Venise (2019) et à la National Gallery de Londres (2021), et font référence aux poupées funéraires coréennes, qui sont traditionnellement sculptées dans le bois et placées sur le cercueil afin d’accompagner les défunts dans leur voyage vers l’autre monde, leur apportant de la protection, du soin ou du divertissement le long du chemin.
"Knowledge Seeker, Soothsayer Great Grandmother", 2024 et "The Woman of Lodo", 2022 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Friendship and birdsong", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Les ré-imaginations de ces figures par Xa - une orque sur des jambes humaines battant un tambour, ou un renard à neuf queues faisant un poirier sur des mains humaines – prennent vie sur fond des peintures et donnent à l’exposition une impression de lyrisme et de mouvement.
Une quatrième sculpture est composée de créatures entrelacées, dont un haetae : un animal mythologique coréen souvent placé à l’entrée des bâtiments civiques pour les protéger, mais aussi pour juger et refuser l’entrée aux malfaisants, et ici placé au début de l’exposition, comme pour protéger l’espace. Coulées dans le bronze, les sculptures acquièrent un nouveau poids imposant et une nouvelle échelle dans la pratique de Xa.
Comme dans ses récentes expositions individuelles à la Whitechapel Gallery de Londres (2022-23) et à Space K, Séoul (2023), le textile fait partie intégrante de Rough hands weave a knife, émergeant à la fois à travers les cadres en patchwork multicolore qui entourent certaines peintures et des œuvres autonomes réalisées à partir de chutes irrégulières de lin et de denim.
"Muscle Memory, Vision Quest", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Dans ces œuvres, Xa s’inspire du langage visuel de l’abstraction géométrique moderniste européenne et américaine, ainsi que de la tradition coréenne du patchwork bojagi. Leur palette est centrée sur les cinq couleurs élémentaires coréennes : le rouge, le bleu et le jaune, ainsi que des nuances de noir et de blanc.
En rassemblant ces références, Xa comble le fossé entre les pratiques considérées comme de l’« art » et celles considérées comme de l’« artisanat », remettant en question la relation hiérarchique établie entre elles. Le titre de l’exposition, Rough hands weave a knife (Des mains rugueuses tissent un couteau), est né lorsque l’artiste a remarqué la rugosité de ses propres mains au cours du processus physiquement intense de fabrication des œuvres exposées. Le couteau en question est un prolongement du symbolisme du pouvoir et de la protection qui traverse toute l’exposition, mais il fait également référence aux modes de création manuelle, en particulier dans les sphères domestiques, reflétant ainsi une valorisation du travail manuel impliqué dans les pratiques artistiques qui s’appuient sur les traditions artisanales.
"Poppy", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Guidée par les principes d’interdisciplinarité et d’immersivité, Xa considère chaque exposition comme une œuvre d’art en soi et comme une continuation des univers créés dans les expositions précédentes. Chaque tableau est lié aux autres par des résonances ou des répétitions visuelles inattendues, tandis que plusieurs personnages voyagent d’un tableau à l’autre et même d’un médium à l’autre, se glissant dans le champ de vision des visiteurs au fur et à mesure qu’ils se déplacent dans l’exposition pour donner une impression de temps non-linéaire et d’univers multiples, parallèles et pourtant connectés.
Comme l’explique Xa, l’exposition a pour thème central « mon indulgence à l’égard de mon désir d’illustrer de nouveaux mondes », situés à l’intersection entre le proche et le lointain, le réel et le fantastique, le vécu et le désiré.
"Transformation, Remembrance, Renewal", 2024 de Zadie XA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Zadie Xa a suivi une formation au prestigieux Emily Carr Institute of Art + Design à Vancouver, où elle a obtenu un BFA en 2007, avant de recevoir un MFA en peinture du Royal College of Art, à Londres, en 2014. En 2022, la Whitechapel Gallery de Londres a organisé la plus grande exposition personnelle de Xa à ce jour, House ,Gods, Animal Guides and Five Ways 2 Forgiveness (2022-23). D’autres expositions individuelles de l’artiste ont eu lieu à Space K, Séoul (2023) ; The Box, Plymouth ,(2022) ; Leeds Art Gallery (2021) ; Remai Modern, Saskatoon (2020) ; De La Warr Pavilion, Bexhill-on-Sea (2019) ; Tramway, Glasgow (2019) ; et Yarat Contemporary Art Space, Baku (2019).
En 2019, Xa a été invitée à contribuer au programme de performances organisé par Ralph Rugoff avec Aaron Cezar pour la 58e Biennale de Venise.
Galerie Thaddaeus ROPAC
7 rue Debelleyme
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 19h.