GÉNÉRATION CHÉRI
Détail "Après la musique, c'est le Far West", 2017 de Cheri BENGA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Du 3 mai au 15 juin 2024
Artistes présentés : Chéri BENGA, Chéri CHÉRIN , Chéri SAMBA
Les trois Chéri de la peinture populaire congolaise, nés entre 1955 et 1957, ont en commun d’avoir débuté leur carrière artistique à l’orée des années 1970 et de la voir se prolonger jusqu’à ce jour. En cette année 2024, Chéri Chérin et Chéri Benga fêtent même précisément leurs 50 ans de carrière, un évènement que la galerie Angalia ne pouvait pas manquer de célébrer.
"J'aime les miroirs", 2017 de Cheri BENGA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Le parcours commun et les caractéristiques de la production artistique de ces trois aînés racontent la naissance et l’essence de la peinture dite « populaire », mouvement pictural qui tient une grande place dans l’histoire de l’art au Congo. À l’origine, ils intègrent à Kinshasa les ateliers des décorateurs chargés d’exécuter des fresques et enseignes publicitaires sur les devantures des magasins, bars, salons de coiffure, etc. Mais très vite, tous ont pour objectif de s’installer comme artiste dans leur propre atelier.
C’est ainsi que dès les années 1970 se développe une peinture réaliste narrative, à côté d’une peinture plus académique relayée par les enseignements de l’École des Beaux-arts. La peinture publicitaire lui fournit, avec la bande dessinée, certaines de ses caractéristiques formelles. La signature d’artiste de Chéri Benga conserve la trace de ces débuts : « un personnage que j’ai créé comme enseigne publicitaire, qui indique, avec son pouce en l’air, l’avenir radieux de mon travail ».
"Pochvid 19", 2020 de Cheri BENGA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Les sujets sont puisés dans les scènes de la vie quotidienne. Fortement ancrée dans le milieu urbain, cette peinture représente la vie du peuple et donne la priorité à la transmission d’un message plutôt qu’à l’esthétique pure. Ce qui explique l’adjonction très fréquente de texte. Chéri Samba dit vouloir « interpeller », « éduquer » même. Les tableaux abordent tous les sujets : santé publique, religion, mœurs amoureuses et rapports hommes-femmes, misères sociales, tracasseries policières, vie politique, mythologie (notamment avec la figure centrale de la Mami Wata), etc.
Qualifié d’art « naïf » par nombre de critiques d’art et rapprochés de courants picturaux caractérisés par la représentation des scènes de la vie quotidienne dans d’autres pays comme Haïti, cette peinture se distingue par sa dimension éducative, sa drôlerie, son ton volontiers ironique voire caustique, et son propos à visée parfois moralisatrice.
"Après la musique, c'est le Far West", 2017 de Cheri BENGA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Le qualificatif « naïf » ne plaît pas du tout à ces artistes. « À cette époque-là, le mot ‘peinture populaire’ n’existait vraiment pas. On qualifiait cette peinture de naïve, une peinture pour les gens qui n’ont pas beaucoup étudié (…). Nous avons fait une révolution, nous avons changé beaucoup de choses dans la peinture », explique Chéri Chérin, qui, avec Chéri Samba, a contribué à poser les principes de la peinture « populaire », une peinture qui vient du peuple et qui s’adresse au peuple. « Un artiste peintre est le miroir de la société » aime rappeler Chéri Chérin.
« Nous voyons tout ce qui se fait dans notre environnement (…) et nous mettons tout ça dans nos toiles ». « Quand j’ai un titre, j’engage un débat avec les gens autour de moi et chacun me dit ce qu’il pense du sujet. Je récupère tous ces arguments et je mets ça sur croquis. »
La peinture populaire congolaise, dont les autres représentants les plus connus de cette génération sont Moke, Pierre Bodo, Maître Syms ou encore Sim Simaro, trouve sa première consécration avec l’exposition Art partout, à Kinshasa, en 1978. Jusque dans les années 80, les peintres populaires s’adressent principalement à leurs compatriotes.
Vase Alessi, Coll. Tendentse "100% Make-up", 1992 de CHÉRI SAMBA & Alessandro MENDINI - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
"L'immortel", 2019 de Cheri CHÉRIN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Mais Chéri Samba sera propulsé sur la scène internationale grâce à l’exposition Magiciens de la terre, organisée en 1989 par le Centre Pompidou à Paris.
D’autres expositions internationales feront date et contribueront à faire connaitre la peinture populaire : Kin Moto na Bruxelles en Belgique en 2003, 100% Africa au Musée Guggenheim en Espagne en 2006, Africa Remix dans six villes du monde entre 2004 et 2007, ou encore Beauté Congo à Paris en 2015, pour ne citer qu’elles. Au Musée Maillol, à Paris, vient de se refermer la rétrospective Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi, une exposition qui confirme la reconnaissance internationale du plus célèbre des peintres populaires.
"Kinshasa ya Lelo", 2022 de Cheri CHÉRIN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Si leur peinture relève d’un style commun, elle ne se réduit pas à une esthétique uniforme. Chaque artiste a sa personnalité, sa touche, sa palette et ses sujets dominants. La douzaine d’œuvres présentées dans l’exposition, produites entre 1997 et 2023, illustre assez bien la diversité des styles et des contenus, même si naturellement, à cette échelle, il est impossible de montrer toutes les singularités.
Bien que la source d’inspiration principale soit la ville de Kinshasa, les mœurs et les mythes congolais, les peintres populaires ont élargi leur champ d’expression à d’autres sujets, notamment l’actualité internationale, croquée, en particulier par Chéri Chérin, avec la même gourmandise que les sujets politiques nationaux. Les sujets personnels ne manquent pas non plus. Chéri Samba et Chéri Chérin apparaissent très souvent dans leurs tableaux – c’est plus rare chez Chéri Benga. L’exposition en offre un aperçu avec Nègre à petite parcelle de pouvoir de Samba ou L’immortel de Chérin.
"Nègre à petite parcelle de pouvoir", 2004 de CHÉRI SAMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
"Un sapeur sachant saper", 2021 de Cheri CHÉRIN - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Parmi les sujets communs les plus traités figure la représentation de la sirène. La Mami Wata (de Mamy Water, la mère de l’eau), fait partie des thèmes classiques récurrents empruntés au patrimoine mythique populaire africain. Elle incarne la femme sublime et souvent dispensatrice de richesses, mais symbole de la tentation qui causera la perte de l’homme. Plus largement, les rapports entre les hommes et les femmes, en particulier leur dimension érotique et sexuelle, constituent un thème majeur de la peinture populaire.
La religion est une autre source d’inspiration, alimentée par la vivacité des Églises évangéliques. Beaucoup d’artistes dénoncent son dévoiement en illustrant l’immoralité de certains pasteurs. Au-delà des préceptes bibliques, la morale est très présente dans la peinture populaire. C’est particulièrement vrai chez Chéri Samba, dont de nombreux tableaux allégoriques véhiculent un message à connotation morale, comme L’arbre.
On trouve au Congo une vingtaine d’artistes populaires, réunis au sein de l’Association des artistes peintres de style populaire (AAPPO), dont le premier président a été Chéri Samba et le dernier en date est Chéri Benga. Mais la peinture populaire est en perte de vitesse. En dépit du rôle de pygmalion de Chéri Chérin, dont l’atelier est toujours ouvert à de jeunes artistes, globalement la jeune génération aspire à davantage de modernité. Il reste que l’on doit à ce groupe une production d’une richesse incomparable, d’une grande valeur de témoignage sociologique, et qui sera regardée un jour comme un exemple peut-être unique au monde de chronique artistique couvrant pas moins d’un demi-siècle de la vie d’un pays.
Chéri BENGA (1957, RD Congo), vit et travaille à Kinshasa.
Chéri CHÉRIN (1955, RD Congo), vit et travaille à Kinshasa.
Chéri SAMBA (1956, RD Congo), vit et travaille à Kinshasa.
Galerie ANGALIA
10-12 rue des Coutures Saint Gervais
75003 Paris
https://galerie-angalia.com/fr/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.
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