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L'ACTUALITÉ DES EXPOSITIONS ET DES FOIRES INTERNATIONALES D'ART CONTEMPORAIN À PARIS ET EN ÎLE-DE-FRANCE. EXHIBITION IN PARIS

22 May

Julian CHARRIÈRE « PANCHRONIC GARDENS »

Publié par Eric SIMON  - Catégories :  #Expo Photographie Contemporaine, #Expo Vidéo Contemporaine, #Expo Installation Contemporaine, #Expo Sculpture Contemporaine

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Du 13 avril au 1er juin 2024

 

 

 

Perrotin présente Panchronic Gardens, la première exposition personnelle de Julian Charrière à la galerie depuis l’annonce de sa représentation. L’artiste présente des œuvres emblématiques telles que And Beneath It All Flows Liquid Fire, un film représentant la coexistence d'éléments opposés, comme l'eau et le feu, dans une fontaine en flammes, et Panchronic Garden, ainsi qu'une installation immersive évoquant notre histoire complexe d'exploitation de la lithosphère et les vastes forêts carbonifères qui recouvraient la planète il y a quelque 300 millions d'années. De nouvelles sculptures seront également dévoilées à cette occasion.

 

 

Combinant installation, sculpture, film et photographie, ses projets sont souvent le fruit d'un travail de terrain dans des espaces liminaux, des sites d'extraction industrielle aux caldeiras volcaniques, des champs de glace isolés aux terrains d'essais nucléaires.

 

"Controlled Burn | Cooling Tower A.7", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Controlled Burn | Cooling Tower A.7", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Coalface", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Coalface", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

On les appelle énergies fossiles car elles sont issues de roches enfouies dans les entrailles terrestres. Fruit de la décomposition de débris organiques, elles ont mis des centaines de millions d’années à se former. Une fois extraites, ces matières premières peuvent être facilement stockées et transportées, ce qui en fait des sources d’énergie d’autant plus performantes qu’elles brûlent à merveille. En Europe, c’est la Révolution industrielle, aux XVIIIe et XIXe siècles, qui donne aux hydrocarbures une place centrale dans le développement économique. L’irrésistible expansion des usines, des machines et des transports doit tout au pétrole, au gaz naturel et au charbon.

 

 

 

Mais cette trinité énergétique dont nous sommes devenus hyper-dépendants présente des inconvénients de moins en moins négligeables : ses ressources sont loin d’être inépuisables, sa distribution est soumise aux aléas géopolitiques et sa combustion dégage des particules qui polluent l’atmosphère. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) représentent en effet la principale cause du réchauffement climatique. Longtemps ignoré ou négligé, l’impact des gaz à effet de serre sur l’environnement se révèle aujourd’hui désastreux.

 

"Controlled Burn | Open-Pit Mine G.4", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Controlled Burn | Open-Pit Mine G.4", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Extension des déserts, fonte des calottes glaciaires, acidification des océans, érosion de la biodiversité, mégafeux et autres dérèglements climatiques : les fantasmagories collapsologues, les imaginaires dystopiques et les éco-catastrophes à la J.G. Ballard sont devenus notre réalité. Selon une formule de l’auteur de La Foire aux atrocités (1970), nous sommes aujourd’hui à la merci d’un « Pompéi à venir ».

 

 

Video "And Beneath It All Flows Liquid Fire", 2019 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Video "And Beneath It All Flows Liquid Fire", 2019 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

 Fire walk with me Cet embrasement qui vient trouve une expression métaphorique dans la fontaine en feu que Julian Charrière met en majesté dans sa vidéo And Beneath It All Flows Liquid Fire (2019). Présentée au seuil de sa première exposition personnelle organisée par la galerie Perrotin, cette œuvre emblématique révèle le rôle que joue le feu dans sa démarche.

 

 

 

En détournant le motif de la fontaine pour en faire le bûcher de nos vanités, l’artiste franco-suisse rappelle que nos sociétés occidentales sont entrées dans la modernité par un baptême du feu. Au-delà de la fascination qu’elles exercent, ces flammes en ébullition reflètent le concept de pyrocène qui rend compte de la combustion d’énergies fossiles et des incendies dus à la sécheresse – nouvelle étape du devenir-fournaise de la planète.

 

"Buried Sunshines Burn | 5F0.WB3", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Buried Sunshines Burn | 5F0.WB3", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Cette esthétique de l’oxymore se manifeste également dans Buried Sunshines Burn (2023), série qui sublime les séquelles de l’exploitation des gisements d’hydrocarbures en Californie. Un jeu subtil avec les apparences transfigure des vues aériennes de champs pétrolifères réalisées en héliographie. Ce terme qui signifie littéralement « écriture du soleil » désigne un procédé inventé par Niépce au début du XIXe siècle – nous ramenant à la préhistoire de la photographie.

 

 

L’effet de viscosité dorée et argentée des matériaux donne un éclat chatoyant à ses représentations de sols pollués par les métaux lourds contenus dans le pétrole. Les mirages et malédictions de l’or noir scintillent de façon psychédélique. Sous une surface flamboyante, des démons nous consument.

 

"Controlled Burn | Cooling Tower K.9", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Controlled Burn | Cooling Tower K.9", 2023 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Des millénaires nous contemplent

 

Julian Charrière fait partie de ces artistes qui partent sur le terrain à la rencontre de l’environnement pour mieux comprendre ce qui nous arrive. Aux quatre coins du globe, il privilégie les endroits aux identités géophysiques équivoques, là où différentes histoires et temporalités se télescopent : anciens sites miniers, zones radioactives, permafrost du Grand Nord, plantations de palmiers à huile, régions volcaniques, abysses sous-marins.

 

 

En remontant le temps et en s’enfonçant dans les profondeurs de la Terre, ses investigations artistiques sondent les ressources spéculatives et narratives du sous-sol. Les roches volcaniques qui composent la série A Stone Dream Of You (2023) ont été hybridés avec des orbes d’obsidienne noire dont l’aspect vitreux s’apparente à des yeux qui nous regardent. Déterritorialisés sur le sol de la galerie, ces créatures minérales collectées au Mexique sont les témoins de phénomènes géo-thermiques millénaires : mouvements du manteau terrestre, secousses sismiques, éruptions de magma. Ces êtres chimériques se dressent sur notre chemin et nous observent depuis le fin fond des temps.

 

 

"A Stone Dream of You", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"A Stone Dream of You", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

D’autres jeux de regards se déploient en interaction avec des sculptures réfléchissantes accrochées aux murs. Coalface (2024) se compose d’un ensemble de grands morceaux de charbon anthracite sectionnés en deux et exposés comme des miroirs aux effets déformants. La seule présence humaine que fait exister le parcours d’exposition apparaît donc furtivement à travers le reflet fantomatique et grotesque des visiteurs. Ce dispositif optique fait écho au miroir noir utilisé autrefois par les peintres.

 

 

Conformément à son nom, cet instrument avait la particularité de refléter le monde en noir et blanc. Son intérêt principal était d’isoler les intensités lumineuses et d’en accentuer les contrastes. Outre ses propriétés techniques, le miroir noir a eu des connotations spirituelles et ésotériques depuis l'ancienne culture mésoaméricaine jusqu'à la recherche physiologique des XVIIIe et XIXe siècles, et au-delà. Pour citer un artiste de l’époque – Odilon Redon – la matière à la fois ténébreuse et brillant met « la logique du visible au service de l’invisible ». Comme pour mieux révéler le côté obscur de notre reflet.

 

"Coalface", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

"Coalface", 2024 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Le vertige de l’infini

 

A la manière des « nonsites » conceptualisés par Robert Smithson à la fin des années 1960, Julian Charrière prélève des fragments dans le sol en menant une enquête géologique sur les traces matérielles de l’exploitation de la planète. « Je m’intéresse beaucoup aux cycles chimiques des matières. Plus précisément au cycle du carbone, auquel nous contribuons grandement en brûlant des combustibles fossiles depuis la révolution industrielle » précise-t-il. Inséré dans une grille métallique en volume, un imposant bloc de charbon compose une  sculpture surréaliste où le spectateur peut enfouir sa tête dans une cavité prévue à cet effet. Soothsayer (2021) propose une expérience aussi étrange que sensible pour se connecter à une autre réalité spatio-temporelle. En conjuguant curiosité scientifique et goût pour le fantastique, Julian Charrière fait advenir le temps humain dans l’immensité du temps géologique. Ses œuvres encapsulent plusieurs échelles de temps comme en témoigne de façon programmatique la spectaculaire

 

 

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

 Panchronic Garden fait fleurir un jardin du troisième type où des fougères ancestrales reconstituent un biotope du Carbonifère – ère géologique correspondant à la période où a été formé le charbon. Ce qui constitue nos actuelles réserves d’énergies fossiles étaient, il y a plus de 300 millions d’années, des forêts luxuriantes. Avec son sol et ses murs en fibres de carbone à effet miroir infini, sa lumière infra-rouge et son maelstrom sonore connectés aux plantes, ce terrarium assume l’artificialité de notre conception de la nature. Des capteurs reliés à des systèmes informatiques génèrent des paysages sonores qui offrent un aperçu de la sophistication de l’environnement sensoriel des végétaux.

 

 

 

Ce dispositif hautement technologique traduit la façon dont de tels organismes peuvent percevoir les stimulus de leur écosystème. Ce mode de communication surnaturelle permet de sortir ces êtres vivants de leur mutisme. Héros discrets de la préservation de la planète, ils nous font entendre leurs voix littéralement inouïes. Imaginés comme des jardins où le temps suspend son vol, les différents espaces qui composent l’exposition Panchronic Gardens fixent le vertige de l’infini pour faire l’expérience de l’incommensurable. Julian Charrière explique en effet qu’il « appréhende l’art comme un outil pour parler de grandes abstractions. »

 

 

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Installation "Panchronic Garden", 2022 de Julian CHARRIÈRE - Courtesy de l'artiste et de la Galerie PERROTIN - Paris © Photo Éric Simon

Memento mori écologique

 

À l’ère de l’anthropocène, où la redéfinition de notre manière d’habiter le monde relève d’une question de survie, l’engagement artistique de Julian Charrière développe une réflexion sur notre manière de comprendre et de ressentir les enjeux environnementaux. Son œuvre échappe toutefois largement aux frontières de l’art dit écologique. La force de son travail est de faire la jonction entre approche conceptuelle et expérience sensible, science et fiction, procédés archaïques et formes prospectives.

 

 

La crise écologique que nous traversons est à comprendre d’abord comme une crise de la sensibilité ; pour cette raison, l’art peut jouer un rôle décisif d’enrichissement et de transformation de notre relation à la nature et au vivant. Nous avons besoin d’œuvres capables d’augmenter en émotions, symboles, savoirs et imaginaires la perception que nous avons du monde qui nous entoure, dans toute son irréductibilité et sa complexité. Plus qu’une exposition, Panchronic Gardens est une expédition, artistique et cosmique.

 

 

- Stéphane Malfettes, directeur des Subsistances, Lyon

 

Galerie PERROTIN

10, impasse Saint Claude

75003 Paris

 

 

www.galerieperrotin.com

 

 

 

Jours et Horaires d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h à 19h.

 

 

 

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