NOT VITAL « Contemplating »
"Piz Lagrev", 2012 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Du 31 mai au 27 juillet 2024
"Parfois, en fin d’après-midi, l’atelier devient presque complètement sombre, ce qui est presque parfait pour peindre. [...] Tout ce qui m’entoure est vidé, tout perd presque sa gravité, comme si je flottais ou tombais ou rêvassais. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles la plupart de l’espace entourant les têtes et la plupart de la toile sont laissées intactes. Lorsqu’une tête est isolée, je travaille mieux. Pas besoin d’ajouter quoi que ce soit. C’est juste plus."
- Not Vital
Dans cette exposition, l’artiste suisse Not Vital présente sa nouvelle série d’autoportraits, dont les compositions épurées proposent une vision minimaliste et abstraite de la forme humaine. Ces peintures sont présentées aux côtés d’une sélection de ses sculptures sur différents supports, notamment des œuvres ancrées dans le paysage qui l’entoure et une représentation grandeur nature du « dernier saut » de Nijinski, ainsi que des collages sur papier qui recréent des formations naturelles à l’aide de matériaux de tous les jours.
Réunies dans la galerie du Marais, ces œuvres constituent une méditation sur l’identité et sur notre relation au monde qui nous entoure.
"Nijinski", 2024 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Le début de l’exposition est flanqué de sculptures qui rappellent le paysage de la vallée de l’Engadine, en Suisse, où Vital a passé sa jeunesse et où il vit et travaille encore une partie de l’année. Fontana (2024), un arbre en bronze dont les branches laissent couler de l’eau, offre au rez-de-chaussée de la galerie un paysage sonore subtil et contemplatif, et symbolise l’Engadine dont l’eau est réputée pour ses vertus curatives.
La pratique sculpturale de l’artiste est marquée par une relation particulièrement intime avec les matériaux, notamment le plâtre, le marbre et les articles et substances ménagers. Il tire souvent parti des aspects visuels naturels des matériaux qu’il utilise pour évoquer des éléments du monde réel. Une sculpture en plâtre représentant la montagne suisse Piz Lagrev, qui domine la maison de Vital, est présentée sur un meuble en bois ancien, d’origine locale et typique de l’Engadine. Le grain fin et la couleur blanche crayeuse du plâtre évoquent la couche de neige qui recouvre le paysage alpin pendant une grande partie de l’année.
"Fontana", 2024 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Cette valorisation des propriétés innées des matériaux trouve un écho au deuxième étage de l’exposition avec les Dali Stones, des œuvres sculpturales en marbre blanc qui sont tranchées pour révéler les lignes veineuses dissimulées dans la texture de la roche, selon une technique traditionnellement employée dans la province du Yunnan, dans le sud de la Chine.
Les stries qui émergent lorsque la pierre est coupée dans le bon axe tracent des formes ressemblant à des paysages montagneux abrupts. La profondeur de ces sculptures, dont certaines commencent par être plus larges à une extrémité avant de se rétrécir, rappelle les fenêtres profondément encastrées typiques des façades en pierre de la vallée de l’Engadine. Dans certains collages sur papier, Vital reprend les scènes familières de montagnes et de glaciers que l’on retrouve dans le reste de l’exposition, en utilisant des matériaux domestiques quotidiens tels que du ruban adhésif, du papier toilette et même du chocolat Toblerone pour créer des murs de glace fissurés ou la silhouette frappante de la montagne Piz Nair.
D’autres collages, quant à eux, constituent des portraits, représentant la peau ou, dans l’un d’eux, les lignes sous les yeux de l’artiste, par le biais de moyens picturaux réduits de manière frappante. Les matériaux et substances éphémères apposés sur le papier créent des impressions fugaces de personnes et de scènes.
"Landscape", 2023 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"3 Self-portraits", 2023 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Au cœur de l’exposition se trouve une sculpture grandeur nature du danseur de ballet russe Vaslav Nijinsky (1889–1950), célèbre pour ses sauts qui semblaient défier la gravité.
Après avoir dansé en public pour la dernière fois en 1919, Nijinski, qui luttait contre la schizophrénie, a passé les 30 dernières années de sa vie dans des hôpitaux psychiatriques. En 1939, un danseur du Ballet de l’Opéra de Paris a été amené dans son sanatorium en Suisse pour interpréter l’une des chorégraphies les plus connues de Nijinski, dans l’espoir qu’elle l’incite à danser à nouveau. En le regardant, Nijinski se leva de sa chaise et exécuta un « dernier saut », qui fut capturé par le photojournaliste Jean Manzon pour le magazine Life dans une photographie qui fait maintenant partie de la collection du Victoria & Albert Museum, à Londres. Ce moment est recréé par Vital dans une sculpture qui se détache du mur pour représenter l’apparente facilité du saut du danseur retraité, le plongeant dans une éternelle suspension en apesanteur.
Vital a commencé une exploration intensive du portrait par le biais de la peinture il y a 16 ans, à l’âge de 60 ans, après une longue période consacrée à la sculpture. À travers un processus d’application et de réduction, il ajoute et retire des couches de peinture à l’huile à maintes reprises jusqu’à ce que la figure semble émerger de la matière. Rendues principalement dans une palette minimaliste de blanc, de gris et de noir influe sa jeunesse passée dans les Grisons suisses, ces peintures récentes font intervenir de nouvelles couleurs dans ce jeu subtil de lumière et d’obscurité. Toujours profondément influencé par son environnement, Vital introduit des tons plus vifs de bleu et de vert qui s’associent aux jaunes et aux oranges pour rappeler Rio de Janeiro, où l’artiste possède un atelier.
"2 Self-portraits", 2023 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
vue de l'exposition de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Vital peint sa propre image sous forme d’orbes de couleur flottants, dont les formes rappellent celles de ses célèbres sculptures HEAD en acier inoxydable, presque lisses, qui réduisent les visages à leur état d’existence le plus simple possible. Dans les peintures exposées, le contour délicat d’une touffe de cheveux sur le dessus de la tête de l’artiste évoque également la flamme d’une bougie sur les fonds impénétrables.
Un croisement de références opère dans sa conception des arrière-plans qui semblent inhabités : la stratification veloutée de Untitled (White, Blacks, Grays on Maroon) de Mark Rothko (1963 ; collection du Kunsthaus Zürich) et la beauté ineffable et douloureuse du Christ crucifié de Diego Velázquez (vers 1632 ; collection du Museo del Prado, Madrid), qui émerge, rayonnant, d’un fond sombre. Vital compare l’expérience de regarder ses peintures à celle d’essayer de voir dans le noir. Comme l’écrit l’historienne de l’art Susanna Pettersson : « D’abord, nous ne rencontrons que l’obscurité, puis, après que tous les sens ont déjà été mis en éveil au maximum de leur capacité, nous commençons à voir quelque chose ».
"Pizs", 2019 et "Piz", 2020 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
"Landscape", 2023 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
L’artiste explique : « Le néant ou les zones non peintes sur mes toiles ne sont en aucun cas vides. Ils représentent seulement une certaine incertitude ». Ce sentiment d’incertitude est renforcé par le fait que Vital se représente deux fois ou plus dans de nombreux autoportraits exposés. En gravant son prénom, Not, dans la peinture, il joue sur sa double signification : à la fois lui-même et une négation.
Ces multiplications et négations de l’identité de l’artiste laissent le visiteur contempler l’endroit où il se trouve réellement dans les autoportraits. Il ajoute à cet effet en recouvrant chaque tableau d’une vitre, comme Francis Bacon avant lui, sans laquelle il les considère comme « nus ». Vital se considère comme un sculpteur même lorsqu’il peint, et ce verre, qui reflète l’espace environnant, donne à chaque tableau une impression de tridimensionnalité sculpturale. Les visiteurs voient leur propre visage se refléter sur les œuvres, ce qui obscurcit l’image sous certains angles, les encourageant à négocier physiquement l’acte de regarder et à reconsidérer leur place dans l’environnement. Comme Vital l’a expliqué à Hans Ulrich Obrist : « Ça attire, mais ça infléchit et reflète aussi. Ça vous éloigne, vous donne la bonne distance pour regarder un tableau ».
Nijinsky a écrit dans son journal au début de 1919 que « la Suisse est malade parce qu’elle est pleine de montagnes » – un commentaire qui élucide la sculpture en tant que fil conducteur entre les paysages de Vital et ses autoportraits. En créant un dialogue entre des autoportraits très introspectifs et des sculptures et des collages qui évoquent, en trois dimensions, le climat alpin impitoyable et le calme immaculé d’une couche de neige bien installée, Vital invite le spectateur à une contemplation sur la frontière ténue entre le tourment et la beauté, ainsi que sur le lien profond qui existe entre notre environnement et notre être intérieur.
"The Alps", 2018 et "Pizs", 2019 de NOT VITAL - Courtesyde l'artiste et de la Galerie Thaddaeus ROPAC - Paris © Photo Éric Simon
Né en 1948 à Sent, en Suisse, Vital vit et travaille entre sa ville natale et Rio de Janeiro. Il a grandi dans les montagnes et les forêts de la vallée de l’Engadine, près de la frontière entre la Suisse, l’Autriche et l’Italie, mais a passé une grande partie de son temps à voyager et à vivre dans des pays comme la Chine, le Niger, l’Italie, l’Indonésie et les États-Unis. Il a étudié les arts visuels à l’Université Expérimentale de Vincennes, à Paris, de 1968 à 1971, et s’est installé à New York en 1974, où il a commencé sa carrière artistique.
En 2003, Vital a créé une fondation à Ardez, un petit village historique de l’Engadine, dans le but de préserver les atouts culturels de la vallée et de créer un parc de sculptures local. Au cours de sa carrière, il a réalisé de nombreux édifices de contemplation dans le monde entier, notamment le NotOna Tunnel sur NotOna Island (2009) en Patagonie, au Chili, et ses Houses to Watch the Sunset, qu’il a créé sur chaque continent.
Galerie Thaddaeus ROPAC
7 rue Debelleyme
75003 Paris
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 19h.
Expo Solo Show: Not Vital "Heads" - ACTUART by Eric SIMON
Du 22 mai au 24 juin 2014 Parcourant les frontières entre formes abstraites et figuratives, l'exposition Heads / Têtes rassemble des œuvres récentes qui témoignent de l'inflexion donnée à la...
http://www.actuart.org/2014/06/expo-solo-show-not-vital-heads.html