Kader ATTIA « Pluvialité »
"Sans titre", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Du 5 octobre au 16 novembre 2024
Écouter le bruit de la pluie en s’endormant...
Enfant, ma maman m’apprit un jour qu’écouter la pluie tomber peut être un délice pour soi. Ce son si particulier requiert et apporte un silence intérieur qui apaise. Depuis, durant mes insomnies, dont j’essaie de m’extraire par la méditation, je songe par métaphore à l’élévation de mon âme qui, comme de la vapeur d’eau, quitterait mon corps.
Au cours de ces rêves éveillés, je pense parfois à la pluie qui, avant de tomber, s’est lentement élevée vers le ciel.
"Untitled", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Dans la spiritualité bouddhiste, le lotus est le symbole de cette ascension : après avoir traversé les eaux troubles et sombres, la fleur de lotus éclot à la surface de l’eau en un blanc immaculé, rayonnant comme la sagesse émancipée du côté obscur de l’être humain.
Des profondeurs troubles de l’âme vers la sagesse ultime, cette trajectoire m’inspire la douce pensée que la vie régit un ordre poétique des choses par la verticalité. Un mouvement de lue sans fin pour l’élévation contre la gravité; nous abandonnant ici-bas, à regarder le ciel comme un salut.
"Untitled", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Dans son mouvement descendant, la pluie, elle, réécrit les formes. Elle grave des traces sur les sculptures de bois des Bouddhas laissés à l’extérieur des temples et dans la forêt, ou parfois à l’entrée des villages.
Ces sillons qu’elle creuse sur les bois sculptés, ou les toitures sous lesquelles songent les êtres endormis, tracent la verticalité de la vie apportée par la pluie : la pluvialité est l’écriture de son temps passé à nourrir la terre... La vie, perpétuel mouvement vertical du néant au vivant, est peut-être retracée par la tentative d’émancipation continuelle du sujet humain à l’égard de la gravité, mais, qui, comme le rocher de Sisyphe, finit toujours par retomber…
"Reenactment", 1997-2023 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
L’environnement naturel qui nous a donné naissance, fait grandir et nous enterrera, est une intelligence naturelle dont la force tranquille dépasse la raison. Alors que les humains enlacent continuellement la certitude d’une supériorité illusoire sur la Nature qui les maintient à la surface de leur disparition et produit des drames hors normes, ils sont l’objet d’une agencéité que la pluvialité illustre poétiquement. Ils s’élèvent puis retombent, inlassablement...
L’exemple le plus concret est celui de la marche, en particulier celle des bipèdes que nous sommes. Lorsque l’être humain marche, son pied quitte la gravité, et il est en équilibre un court instant, car le moment d’après, elle le récupère, et machinalement il recommence encore et encore... Le phénomène cyclique de la pluvialité est lui toutefois régi par un ordre des choses bien plus ambivalent.
"Eternal Conversation", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Le temps qui s’écoule dans la pluvialité est celui d’une horloge de la Nature qui tourne dans les deux sens. Elle avance d’un côté, et de l’autre côté elle corrige ce qui fait défaut : elle répare... Si l’humain est l’auteur ainsi que l’acteur principal des drames entropiques contre les environnements naturels, spirituels, culturels- sans lesquels nous ne pourrions pourtant évoluer, en échangeant par nos traces, nos savoirs, nos désirs et nos rêves, il est aussi capable de retenue. « Être humain, Être diurne, être nocturne », disait Gaston Bachelard.
L’être humain, s’il n’est pas une erreur, est le sujet de paradoxes permanents, jusqu’à la beauté qu’il réinvente continuellement, pour cacher l’horreur de la blessure dont elle a été parfois l’écran…
Ainsi, derrière les cadres volumineux et dorés de la peinture baroque coloniale, enfermant des images de corps d’indigènes nues entourées de fruits tropicaux et d’animaux exotiques, les coulures de sang ne demandent qu’à ruisseler. Comme la pluie, le sang qui coule irrigue les sillons des révolutions à venir.
"Untitled", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Des rêves au révolutions, notre cinéma intérieur projette pendant notre sommeil éveillé ou profond un espace-temps qui se courbe indéfiniment comme les lignes de nos corps que l’architecture moderne la plus austère, obsédée par l’angle droit, essaya de briser pour mieux nous contrôler.
Mais la Nature, inlassablement, a toujours repris ses droits. Et l’architecture, même sacrée, se trouve toujours réappropriée par la végétation qui la transperce de part et d’autre, faisant écho au corps du jeune garçon devenu une shaman, qui, possédée par l’esprit de la rivière, voyage d’un genre à l’autre, d’une matérialité qui, telle la croissance du lotus, prend son envol vers la spiritualité, flottant au-dessus de la raison.
- Kader Attia
"Untitled", 2024 de Kader ATTIA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie MOR CHARPENTIER - Paris © Photo Éric Simon
Kader ATTIA est né en 1970 à Dugny, France. Il vit et travaille entre Paris et Berlin.
Kader Attia a grandi entre Paris et l’Algérie. Avant d’entreprende des études à l’École Supérieure des Arts Appliqués Duperré, à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, et à l’Escola Massana, Centre d’Art i Disseny de Barcelone, il passe plusieurs années au Congo et en Amérique du Sud.
Cette expérience entre différentes cultures, dont l’histoire s’est caractérisée au fil des siècles par de riches traditions commerciales, le colonialisme et des sociétés multi-ethniques, a favorisé l’approche interculturelle et interdisciplinaire de la démarche de Kader Attia.
Depuis de nombreuses années, il explore les points de vue des sociétés sur leur propre histoire, notamment en ce qui concerne les expériences de privation et de suppression, de violence et de perte, et la manière dont cela affecte l’évolution des nations et des individus – chacun d’entre eux étant lié à la mémoire collective.
Galerie MOR CHARPENTIER
18 rue des Quatre Fils
75003 Paris
https://www.mor-charpentier.com/fr/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.
Foire Internationale d'Art Contemporain: FIAC 2013 - ACTUART by Eric SIMON
Du 24 octobre au 27 octobre 2013 Cette année la FIAC célèbre sa 40ème édition. Elle poursuit son développement et confirme son statut de foire internationale de premier plan. Rester attentif ...
http://www.actuart.org/article-foire-internationale-d-art-contemporain-fiac-2013-120693192.html
FIAC 2018 - ACTUART by Eric SIMON
Du 18 au 21 octobre 2018 Pour sa 45e édition, , la FIAC est heureuse d'accueillir au sein des espaces prestigieux du Grand Palais une sélection exigeante de galeries d'art moderne, d'art ...