Freddy TSIMBA « Au-delà de la Matière»
" Children paradise n°11", 2017 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Du 11 octobre au 30 novembre 2024
Prolongation jusqu'au 18 décembre 2024
La galerie Angalia présente en octobre prochain une exposition individuelle de Freddy Tsimba. Le sculpteur congolais, essentiellement connu pour travailler avec des douilles de balles usagées, réalise depuis trente ans une œuvre de témoignage, une exhortation à l’espérance et à la paix.
C’est pour cette symbolique que le Théâtre national de Chaillot a choisi en 2018 d’installer son œuvre monumentale Porteuse de vies au pied de son majestueux escalier, à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Freddy Tsimba est le premier artiste depuis 1937 à enrichir ce lieu chargé d’histoire avec une œuvre permanente.
"Silhouette effacée N°2346", 2015 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Porteuse de vies est une sculpture de quatre mètres de haut représentant une femme, entièrement réalisée avec des douilles ramassées sur les zones de conflit au Congo, portant un livre ouvert fait de clefs. « Elle nous offre les clefs pour qu’aujourd’hui l’être humain triomphe, pour clamer haut et fort que la vie n’a pas de prix »
Au début de cette année, la France a une nouvelle fois honoré Freddy Tsimba en le faisant Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Une immense reconnaissance pour un artiste qui force le respect par la cohérence de sa démarche et les valeurs humanistes qu’il porte.
"Silhouette effacée N°2099", 2015 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
À l’instar de Porteuse de vies, ses œuvres les plus emblématiques représentent des bustes de femmes réalisés à partir de douilles ramassées et patiemment soudées les unes aux autres. Une façon pour Freddy de rendre hommage aux victimes des guerres, à commencer par celles des conflits incessants dans l’Est du Congo.
Parce qu’elle porte la vie et incarne l’espoir, la femme a une place centrale dans son travail. Il entend rendre « hommage à toutes les femmes pour leur beauté, leurs qualités de résistance face à un quotidien parfois difficile et leur mental de battante, dans une société où elles cherchent à affirmer encore leur statut ».
"Immaculé", 2024 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Au début de sa carrière, Freddy a été profondément marqué par une scène vue à la télévision : alors que la guerre et la famine sévissent en Somalie, une femme court vers des sacs de nourriture largués par avion, mais probablement en vain, car du fait qu’elle porte un enfant sur le dos, elle court moins vite que les autres. Saisi par cette lutte primaire et désespérante pour la survie, il fait de la faim l’un de ses thèmes de travail. Il récupère des cuillères, des fourchettes, des machettes (outils de production agricole) pour créer des corps d’hommes et de femmes.
Il travaille également avec quantité d’autres objets métalliques récupérés, certains symbolisant la mort, d’autres l’oppression ou encore l’addiction. Mais chez Freddy Tsimba, le propos n’est jamais désespéré, la symbolique se veut le plus souvent à double sens. Par exemple, les clés expriment l’enfermement mais aussi l’ouverture libératrice.
"Centre fermé, rêve ouvert N°13 et N°47", 2019 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
Sa dernière exposition individuelle en Europe (Mabele eleki lola, ou La terre, plus belle que le paradis) s’était tenue en 2020, à l’Africa Museum, l’ancien Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (Bruxelles). Il s’agissait de la première exposition temporaire du musée après sa réouverture en 2018. Fermé pendant cinq ans pour rénovation, l’objectif du musée était de rompre avec l’histoire coloniale de l’établissement construit à la gloire du roi Léopold II. Dans une mise en scène très forte, les œuvres de Freddy Tsimba dénonçaient la violence et la domination – une façon d’évoquer les exactions associées à la colonisation – pour mieux inspirer « un cri pour la paix, pour la vie ».
Beaucoup plus modeste par sa taille, l’exposition Au-delà de la matière présentée à la galerie Angalia s’attache à montrer la diversité des productions de l’artiste ces 15 dernières années. L'œuvre phare est un Christ en croix, à taille humaine, façonné à partir de douilles. À la fois saisissante et perturbante, l’œuvre réinterprète la figure traditionnelle et universelle du sacrifice, pour évoquer les souffrances endurées par les victimes des conflits armés dans le monde. En utilisant des douilles, Freddy nous fait ressentir la crucifixion dans toute son horreur contemporaine. Son Immaculé est une dénonciation du cycle infernal de la violence, mais aussi un appel à la résilience et à la possibilité de la paix. Ici, la figure du Christ est moins celle du sauveur spirituel que de tous les martyrs anonymes qui ont perdu leur vie dans les conflits modernes.
"Les Rescapés N°13008", 2016 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
À ce titre, ce Christ en croix traduit l’essence de son travail et sa présence résonne avec l’ensemble des autres sculptures exposées. Deux œuvres lui font directement écho. Il s’agit de bustes de femmes enceintes façonnés à partir de douilles pour l’une et de chaînes pour l’autre, qui font partie de la série majeure des Silhouettes effacées. Autre série importante : Les rescapés, des têtes réalisées à partir de douilles fondues, en hommage aux gueules cassées.
Avec des objets symbolisant la mort, Freddy Tsimba aime faire surgir non seulement la vie mais aussi la grâce. Cette recherche s’incarne puissamment dans l’œuvre Mama machettes. Entièrement réalisée à partir de machettes soudées, elle surprend par ses courbes et sa légèreté. Avant d’être associée dans l’imaginaire collectif au génocide rwandais, la machette est d’abord l’un des outils de base du paysan. Mama machettes, mère nourricière, incarne la suprématie de la vie.
"Les rescapés N°14009", 2019 de Freddy TSIMBA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie ANGALIA © Photo Éric Simon
L’exposition présente deux œuvres d’une autre série emblématique dans la production de Freddy Tsimba : Centre fermé, rêve ouvert. Elle exprime l’humiliation et lui a été inspirée par sa propre expérience dans un centre de rétention en Belgique, où il a été retenu plusieurs jours en raison d’une méprise administrative.
Elle fait aussi écho aux violences des milices armées contre les femmes, en particulier dans l’Est du Congo. « La terre plus belle que le paradis », malgré tout, affirmait Freddy avec son exposition de Tervuren. Et pour célébrer la vie, il montre aussi l’enfance, où priment le jeu et l’espoir, avec son installation Children paradise, deux sculptures entièrement composées à partir de clés.
Galerie ANGALIA
10-12 rue des Coutures Saint Gervais
75003 Paris
https://galerie-angalia.com/fr/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi de 11h à 19h.