Grace SCHWINDT « When a Body Becomes a Landscape »
"Encounter", 2024 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Du 16 octobre au 21 décembre 2024
La Galerie Peter Kilchmann est heureuse de présenter la toute première exposition personnelle en France de l'artiste allemande Grace Schwindt (née en 1979, vivant et travaillant à Londres et en Sicile) dans nos espaces parisiens. L'exposition propose un dialogue entre des peintures nouvellement conçues et des sculptures antérieures en verre, céramique et bronze.
Après le grand succès de la première de Schwindt à Zurich, l'exposition parisienne constitue une continuation et une nouvelle perspective sur l’exploration de Schwindt des thèmes du traumatisme, des blessures et de l’acceptation de celles-ci à travers la stratégie de la tendresse et du contact. S'inspirant du critique littéraire Edward W. Said, Schwindt appelle à une rencontre humaine directe, en opposition à une compréhension intellectuelle des cultures à distance.
Elle souhaite interrompre les récits séparant l'humain et le corps, et promouvoir une compréhension de l’histoire façonnée par le toucher direct. Elle décrit ainsi comment, au-delà de nos influences culturelles, nous sommes indissociablement liés à la nature, cette empreinte première étant à la fois fragile et digne d’être protégée.
"Pink Dance", 2019 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Même si une compréhension rationnelle des métamorphoses mystérieuses et inexorables de toute vie nous échappe, cette situation ouvre des possibilités infinies pour la coexistence. « Nous devons nous concentrer sur la collaboration des cultures qui se chevauchent, apprennent les unes des autres et cohabitent de manière bien plus intéressante que ne le permettrait toute forme abrégée ou inauthentique de compréhension. (...)
Le plus important, c'est que l'humanisme est la seule, et j’irais même jusqu’à dire, la dernière résistance que nous avons contre les pratiques inhumaines et les injustices qui défigurent l'histoire humaine. (...) Peut-on diviser la réalité humaine – qui semble effectivement partagée en cultures, histoires, traditions, sociétés et même races distinctes – et en supporter les conséquences de manière humaine ? » (Edward W. Said).
"Beside You", 2024 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Au centre des œuvres de Schwindt se trouve le corps humain blessé, inspiré des sculptures antiques, que Grace a longuement étudiées dans divers musées, à travers l'histoire de leur conservation et lors de discussions avec des archéologues. Le musée M à Louvain (Belgique) consacrera une exposition personnelle à Schwindt l'année prochaine sur ce sujet.
En lien avec ses recherches sur les sculptures hellénistiques en bronze retrouvées au fond de la mer au large de la Sicile, le lieu de découverte fournit déjà une abondance d’informations, telles que les conditions climatiques, les échanges commerciaux, les échanges culturels ou les mouvements migratoires.
Le fait de représenter non des personnes vivantes, mais des corps issus de civilisations anciennes, conduit à des réflexions sur les développements sociaux et les circonstances qui ont pu façonner leur conception et leur image de soi. Schwindt est fascinée par ces sculptures, porteuses d'une histoire du regard sur le corps, qui, des siècles après leur création, ont encore influencé les idéaux de beauté, bien au-delà du classicisme. Elle s'intéresse à cet héritage culturel qui a façonné notre manière de regarder et de traiter les corps, et voit dans ces corps brisés et endommagés une opportunité de redéfinir notre regard.
"Light Green Dance", 2019 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Schwindt montre les corps antiques dans leur matérialité, exposés au temps et aux marées, avec leurs imperfections et leurs transformations, non comme des objets de recherche isolés, mais comme des créatures imbriquées dans la nature, dont la surface corporelle a été colonisée au fil des siècles par des animaux et des plantes marines en interaction avec les éléments, à l’image d’un paysage.
Inspirée par ces fragments du passé, qui ont été enfouis pendant des siècles dans l'eau ou la terre, Grace souligne la profondeur de la nature comme un sanctuaire où les figures ne sont pas isolées ou oubliées, mais connectées, leur résonance avec tout ce qui les entoure étant évidente. Schwindt est fascinée par le réseau de rugosités, de traces et de patine qui s'est tissé sur ces corps au fil des siècles, les protégeant en quelque sorte de notre regard dénaturé.
"When a body becomes a landscape", 2024 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Dans des peintures comme Dancing Through, différents éléments de ces corps fragmentés flottent presque de manière dansante et intemporelle dans une masse organique de lavis principalement en bleu-gris. La diversité du traitement des surfaces picturales, allant du délicat et transparent au dense et intense, est lisible sur les corps comme des descriptions cartographiques et trouve également un écho dans la texture de l'espace environnant. Dans When a Body Becomes a Landscape, les lignes semblent se promener spontanément sur le corps, tout comme l'huile et l'encre, qui développent une dynamique propre.
La figure, ainsi que les champs de lignes et de couleurs, sont en mouvement et en transformation, une expansion dépassant même les limites du tableau. La cause de ces métamorphoses reste énigmatique et ne peut être comprise que comme un moteur primordial de la vie, l'indéfinissable devenant un principe fondamental de la nature en mutation.
Des représentants du règne animal, notamment des oiseaux, jouent un rôle d'assistants dans ce processus mystérieux, apparaissant comme gardiens, messagers ou intermédiaires dans les transformations. Ils n’adoptent toutefois jamais de rôle fixe, devenant eux-mêmes des protagonistes actifs apparaissant à différents stades de la métamorphose.
"Royal Blue Dance", 2019 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
"Resting Butterfly", 2024 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Schwindt s'intéresse à la manière dont les oiseaux ont été utilisés comme symboles dans l'histoire de l'art et du cinéma, mais entend remettre en question cette symbolique. Le large déploiement des ailes des papillons et des oiseaux, comme dans Touching Figure ou Butterflies and Falling Leaves, et leur ancrage aux bords des corps ou leur apparition en groupe, comme dans Encounter, soulignent le rôle de la nature en tant que gardienne et bouclier protecteur contre notre regard intrusif et catégorisant. Comme dans Encounter, ils sont situés aux points de jonction entre le corps et l'environnement, initiant la fusion de tous les éléments de l'image.
La position très proéminente de l'oiseau aux traits humains au centre de When a Body Becomes a Landscape, déployant ses ailes en signe de bienvenue et échangeant un regard intensément affectueux avec la figure, souligne l'importance de la tendresse et du contact comme moteur de transformation et de guérison. Il s'agit de célébrer les blessures et cicatrices et de les montrer comme faisant partie de l'équilibre naturel, leur permettant de déployer leur force.
Les papillons, comme dans Resting Butterfly ou Butterflies and Falling Leaves, évoquent également la transformation à différents stades et la simultanéité de la beauté face à la décadence, le moment de l’éclosion du papillon marquant déjà le début de sa mort quelques semaines plus tard.
"Butterfly", 2022 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
Le mouvement, la fluidité et la transformation sont des éléments récurrents dans tous les médias de Schwindt, que ce soit la danse ou la performance. Elle remet en question les définitions linéaires des médias et de l'espace, proposant des concepts alternatifs.
Ses sculptures en verre permettent aux figures peintes de passer dans la tridimensionnalité. Le gris-blanc des peintures se reflète dans les formations corporelles transparentes en verre, et les flots de couleur bleue, noire ou jaune, librement diffusés sur les toiles, semblent prendre vie dans l'espace et s’animer dans les objets en verre tels que Steel Blue Dance, Orange Dance ou Pink Dance (2019). Les fragments de figures dansants, également inspirés de découvertes antiques, sont accompagnés par les traînées de couleur, presque prêtes à se libérer du cadre et à sauter d'une figure à l'autre.
"Swan", 2022 de Grace SCHWINDT - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Peter KILCHMANN - Paris © Photo Éric Simon
L'incomplétude semble être en pleine croissance et transformation, la fluidité se confondant visuellement avec la solidité. L'espace est imprégné de transparence, de dynamique intense et de connexions interliées. Le motif du fragment, de la cassure et des animaux se retrouve également dans des œuvres antérieures en bronze et en céramique, comme Bird Shadow, Wounded Wing, Swan et Butterfly, où l’utilisation expérimentale des glaçures et de la patine confère à la peinture une présence naturelle dans le médium de la sculpture.
Ces œuvres interagissent entre elles et créent une atmosphère de vulnérabilité ouverte, d'intimité et de soin. Malgré la conscience des traumatismes et des blessures, elles dégagent calme et force intérieure. Le processus de guérison, la nécessité du contact, de la tendresse et du soin, ainsi que la conviction que la perte et la blessure sont porteuses de potentiel pour le changement, et par conséquent sources de force, de renouvellement et de puissance, sont au cœur de son travail.
L'artiste, qui travaille autant avec la sculpture, la peinture et le dessin qu'avec les arts de la scène et la performance, a été invitée à une performance d'envergure au Musée National d'Athènes à la fin de l'année, suivie d'une exposition. Après sa présentation personnelle à Louvain en 2025, une autre aura lieu au Kunsthaus Wiesbaden en 2026.
Galerie Peter KILCHMANN
11-13, rue des Arquebusiers
75003 Paris
https://www.peterkilchmann.com
Jours et horaires d’ouverture du mardi au samedi de 11h à 19h.