Markus ÅKESSON « The Land of the Lotus-Eaters »
Détail "Insomnia", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
Du 19 octobre au 30 novembre 2024
« Pendant neuf jours, les vents nous emportèrent à travers la mer poissonneuse, et au dixième, nous abordâmes au pays des Lotophages, qui se nourrissent de fleurs. (...) Lorsque nous eûmes mangé et bu, j'envoyai quelques-uns de mes compagnons pour aller voir quels hommes vivaient en ce pays. (...) Or, les Lotophages ne voulaient pas leur faire de mal, mais ils leur donnèrent du lotus à manger. Et quiconque goûtait à ces fruits doux comme le miel n'avait plus envie de revenir faire son rapport ; il ne songeait plus à revenir ; il désirait rester parmi les Lotophages, à cueillir et à manger le lotus, oubliant le retour.»
"Insomnia (Turquoise)", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
"Danse Macabre (Coelin)", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
Ce récit d'Homère, dans lequel Ulysse et ses compagnons se retrouvent envoûtés par des fleurs magiques, a depuis longtemps inspiré artistes et penseurs.
Aujourd'hui, l'expression « manger du lotus », employée au sens figuré, évoque la perte de mémoire. Mais au-delà du mythe, ce passage soulève un dilemme profondément humain : face à la possibilité d’échapper aux souffrances de l'existence, qui choisirait de revenir et d’affronter les vicissitudes de la vie ?
Qui, à l’inverse, serait tenté par la douceur de l’amnésie, acceptant de renoncer au monde auquel il appartient ?
"Land of the Lotus Eaters", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
"This is a Dream (Peony bouquet)", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
En résonance avec cette quête d'évasion, Markus Åkesson a intitulé sa nouvelle exposition The Land of the Lotus-Eaters. Ce thème, qu'il explore avec persistance depuis plusieurs années, prend corps notamment dans sa série Now You See Me, où des personnages, camouflés par des tissus aux motifs répétitifs, se transforment en figures énigmatiques, voilant leurs intentions et leurs pensées.
Par ce procédé, le peintre suédois crée un espace silencieux, empreint de mystère, où la frontière entre le tangible et l'imaginaire se brouille. Cette démarche artistique, qui le place dans une longue tradition d'exploration des mondes intérieurs et du rêve, puise ses racines dans sa jeunesse : contemplant les motifs des papiers peints de sa chambre, il imaginait des messages secrets et des récits cachés, comme si ces dessins ouvraient déjà une porte vers un ailleurs.
"Insomnia", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
"The Beginning (Peony Bud)"Land of the Lotus Eaters", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
À la galerie Da-End, l'œuvre d'Åkesson se déploie avec une intensité hypnotique. Dans cet entre-deux-mondes, certains personnages semblent orchestrer des rituels mystiques en symbiose avec une nature à la fois envoûtante et inquiétante, tandis que d’autres paraissent flotter dans des dimensions parallèles. Vignes luxuriantes, pivoines évocatrices et Danse Macabre ornent ces toiles, puisant parfois dans des mythes anciens, chacune racontant une histoire énigmatique.
« Dans un sous-bois brumeux, une femme apparaît, dissimulant derrière son dos un bouquet de fleurs. Impassible, le regard perdu dans le vide, elle laisse planer le doute : ces fleurs sont-elles un trésor à préserver ou un danger à éviter ? »
"Land of the Lotus Eaters", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
"The Third Eye", 2024 de Markus ÅKESSON - Courtesy de l'artiste et de la Galerie DA-END © Photo Éric Simon
Ainsi, dans un silence enveloppant, The Land of the Lotus-Eaters nous plonge dans la pénombre d’univers mystérieux, où chaque motif révèle des fragments de réalités cachées tandis que chaque personnage nous confronte à notre propre inconscient. Dans ce royaume d’évasion intérieure, la frontière entre l’oubli et le souvenir s’estompe, laissant émerger une question lancinante : l'illusion apaisante de la fuite peut-elle véritablement combler l’abîme laissé par ce qui a disparu à jamais ?
(1) extrait chant IX, Homère. L’Odyssée, traduction de Victor Bérard. Paris : Gallimard, collection "Bibliothèque de la Pléiade", 1955.
(2) d’après les notes de Lene Madestam
(3) d’après les notes de Lene Madestam
Galerie DA-END
17 rue Guénégaud
75006 Paris
Jours et horaires d’ouverture du mardi au samedi de 14h à 19h.
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