Expo Solo Show: Peter Martensen "Feelings"
peinture, dessin et sculpture
Du 4 mai au 15 juin 2013
Feelings, nothing more than feelings
Peter Martensen est né en 1953 à Odense au Danemark. Il vit et travaille au Danemark.
Le refrain presque mielleux de Feelings ,ce classique des chansons sentimentales, paraît bien mal coller à l’univers austère de Peter Martensen. Et pourtant, c’est bien le titre qu’a choisi l’artiste pour sa septième exposition à la Galerie Maria Lund. Premier degré ou ironie? Probablement les deux, car le monde de l’artiste n’est jamais univoque. Noire et froide au premier abord, l’œuvre de Peter Martensen est empreinte de sentiments, émotions, sensations-toutes les nuances du mot feelings –qui déplacent les scènes de la gravité immédiate vers l’absurde, l’émouvant, l’humour et la critique.
Dans un contexte où les fondations de la société occidentale du toujours plus sont confrontées à une mutation qui va bien plus loin qu’une déstabilisation économique, Peter Martensen met en avant cette constante qui définit l’humanité : les sentiments, la capacité émotive, la réalité subjective, mais très réelle, de chacun.
Une façon de montrer, à une époque de doute et d’interrogation : voici ce qui est donné, voici ce que nous avons… Le Pathos n’est pas loin quand, dans The Three (Les trois), l’artiste dépeint un homme, le regard lointain, tenant le bras d’une femme couchée, peut-être morte. L’expression de l’homme donne l’impression que ce contact le maintient, le retient. Sur le mur, une peinture montre un homme immergé dans l’eau au point que seules sa tête, ses épaules et ses mains réunies (en prière ?) dépassent de la surface.
Naufrage ou communion avec la nature ? Depuis des années, le motif des hommes dans l’eau est récurrent dans l’œuvre de Peter Martensen. En figurant un de ses propres tableaux dans cette scène intensément sentimentale, c’est lui-même qu’il introduit dans cet instant d’intimité. Un glissement émotionnel peut s’opérer chez le spectateur : au moment le plus grave, l’art et l’artiste s’imposent en ouvrant une fenêtre dans le mur de la pièce, nous rappelant que la douleur est certes là, mais qu’ailleurs le spectacle continue… Les relations entre hommes et femmes se font plus légères, presque comiques dans l’œuvre The Task (La tâche, La mission) : un homme en chemise blanche vole avec détermination au-dessus d’une table basse vers une femme qui dort sur un canapé, et, surplombant la scène, la peinture d’un bateau qui avance vers elle. Visitation contemporaine ? Simple désir terrestre entre les êtres ? Ou idée du réconfort dans l’autre ? Indubitablement quelque chose doit s’accomplir… La peinture monumentale The Relocation (Le transfert, La réinstallation) présente un paysage où des hommes évoluent dans l’eau et sur les rives. Ce sont les experts en blouse blanche qui habitent les œuvres de Peter Martensen depuis quelques temps — ceux qui, selon l’artiste, possèdent des connaissances importantes dans un tout petit domaine. Chacun, affairé à sa tâche, parait ignorer les feuilles blanches dispatchées un peu partout ainsi que ces experts qui volent dans l’air comme entraînés par des forces invisibles.
Métaphysique et terrestre, réalité et rêve se rencontrent ici dans un scénario mystérieux et absurde, exécuté avec la plus grande concentration par les protagonistes, dans un mélange d’action et de passivité totale. Ces hommes et ces quelques femmes habitent un monde étrange, et pourtant si semblable au nôtre. Le sens échappe au spectateur, l’interprétation reste libre.
Le déjeuner sur l’herbe de Manet avec sa description de la société du plaisir de la fin du XIXe siècle a sans doute inspiré la peinture The Gallery (La galerie) : des hommes en costume et des femmes en robe blanche, installés sur le sol d’une salle d’exposition, prennent l’allure de baigneurs sur la plage. Aucun contact entre les figures : chacun, plongé dans ses pensées, ignore les tableaux monochromes aux murs, les feuilles blanches par terre et les autres personnes. Constat ? Propos critique ? Ou prétexte plastique pour étaler de la lumière blanche et des points d’ancrage noir dans un espace gris ? La réponse serait probablement les trois à la fois, car Peter Martensen est aussi bien un créateur d’images à la conscience très aigue qu’un plasticien à part entière qui se laisse entrainer par le plaisir de manipuler la matière, les formes et la lumière avec la liberté d’une curiosité sans bornes.
GALERIE MARIA LUND
48, rue de Turenne
75003 Paris
Horaires: Du mardi au samedi de midi à 19h