Expo Sculpture Contemporain: Pascal CONVERT
"Portrait de Jeune Homme Martyr", 2014-2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
Du 5 novembre au 23 décembre 2016
À l’occasion de sa nouvelle exposition personnelle à la galerie Eric Dupont, Pascal Convert questionne la dislocation du corps et de la pensée à l’œuvre dans la propagande Visuelle contemporaine tout en renouvelant une exploration du lien entre sacrifice et icônes sacrées.
"Marie-Madeleine", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
Extrait de l'entretien entre Catherine Millet et Pascal Convert.
« Catherine Millet: La première sculpture que découvre le ,visiteur est une Marie-Madeleine. Puis c’est un saint Denis dont on voit d’abord la tête suspendue avant les membres dispersés. On devine les raisons de ce choix iconographique en écho à l’actualité terrible.
Mais si on peut admirer la chevelure de la Madeleine, son visage, en revanche, nous est dissimulé par le reste grossier du moule qui a servi à couler le verre. Pourquoi l’avoir gardé ?
Par ailleurs, saint Denis est un saint céphalophore un personnage sacré qui, au court d’un épisode, porte sa tête décapitée dans ses mains et se met en marche, il ,lui faut bien ses deux bras pour porter sa tête ?
Pourquoi les lui avoir arrachés aussi ?
Pascal Convert : Détruire une sculpture de Marie-Madeleine prostituée qui s’est jetée aux pieds du Christ et les a essuyés avec ses cheveux en injectant du verre liquide en fusion qui dévore et prend la place du bois dont elle est faite peut être perçu comme un geste sacrilège.[…]
Au moment du démoulage qui s’effectue à l’aveugle, […]
j’ai d’abords dégagé le dos et la chevelure que je voulais dès l’origine rendre visible. Côté visage est alors apparue l’empreinte de la grille qui avait pour fonction de maintenir la pression du verre en fusion. J’ai immédiatement pensé aux sculpture assyriennes détruites par l’État islamique, mais aussi, bien sûr, aux mailles des filets qui, au nom de la religion, cachent le visage des femmes. […]
Aucun voile ne peut endiguer la sensualité de la chevelure de Marie-Madeleine. Dans cette sculpture, le processus a inversé dos et face, révélant une coiffure en forme de mandorle, symbole religieux. Et sexuel. Le voile, en voulant recouvrir la féminité, l’exacerbe à un autre endroit.[…]
"Portrait de Jeune Homme en Saint Denis", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
"Portrait de Jeune Homme en Saint Denis", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
Le cycle du Portrait de jeune en saint Denis, comportera trois stades. Le premier moment associe des pièces diverses. D’abord, en suspens dans l’axe central qui relie les trois pièces de la galerie se trouvent trois têtes en verre, d’une couleur allant de l’orangé au rouge, encore reliées à la canne qui a servi à l’opération de soufflage. […]
L’autre pièce [Portrait de jeune homme en martyr] associe l’idée de la décapitation liée à saint Denis et l’iconographie de saint Barthélémy.
Pour ce travail, j’ai choisit comme modèle mon fils de dix-huit ans. Par un traitement complexe d’électrolyse de cuivre sur cire à partir d’empreintes de son propre corps, on a réussi à créer un relief sur la peau laissant apparaître des veines. À l’intérieur, les membres sont vides, et le cuivre lisse est recouvert d’argent. Jambes, bras et tête sont disposées dans l’espace comme s’ils résultaient d’un écartèlement. Se relever, marcher et porter sa tête sera l’objet du second stade du cycle. »
Au printemps dernier, à l’initiative de l’ambassade de France en Afghanistan, Pascal Convert avait été invité à réfléchir à une œuvre de commémoration du 15e anniversaire de la destruction des Bouddhas de Bamiyan par les Talibans.
"Portrait de Jeune Homme Martyr", 2014-2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
De ce projet est exposée la photographie Bamiyan, Petit Bouddha. Le projet réalisé à Bami- yan, la Marie-Madeleine, le Portrait de jeune en saint Denis et le Portrait de jeune homme en martyr sont liés par une impureté de temps, de styles, par un anachronisme commun qui ouvre à la transgression.
«Entre le moment où mon regard s'est posé sur une sculpture en bois ancienne de Marie-Madeleine et la réalisation de sa conversion en verre par un processus de cristallisation, deux années se sont écoulées. Durant cette période, bien des interrogations sur les raisons de ce choix iconographique ont traversé mon esprit. Sans que je m'y attarde de manière excessive. Comme à chacune de ces opérations de cristallisation, j'attends avec concentration et prudence le moment du démoulage. Le rituel est toujours le même.
Après deux mois durant lesquels le verre en fusion a lentement refroidi dans son corset de plâtre, le jour dit à l'heure dite, l'objet d'un blanc immaculé est posé dans l'espace.
Le choix d'"ouvrir" par le dos la gangue qui l'enfermait avait été longuement médité. Dès l'origine, cette chevelure évoquant des algues nouées flottant dans un courant d'eau avait retenu mon regard.
"Bibliothèque", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
Détail "Bibliothèque", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
Ophélie quittant le miroir de son âme, Marie‐Madeleine avait baigné les pieds du Christ de ses larmes, puis les avait essuyés avec ses cheveux. Durant le démoulage, qui s'effectue on l'a compris à l'aveugle, je guette avec attention le moment où se produit un accident symptoma- tique, l'instant où derrière un fragment qui se détache le réel vient.
Quand sur le visage encore recouvert de plâtre de cette sculpture est apparue l'empreinte de la grille qui avait pour fonction de contenir la pression du verre en fusion, j'ai immédiatement pensé dans un palimpseste de souvenirs aux sculptures assyriennes détruites par l'État islamique et, dans le même instant, aux mailles des filets qui cachent les yeux des femmes au nom de la religion. »
« Quand je suis parti en Afghanistan, en mars dernier, avec le projet de scanner la totalité de la falaise des Bouddhas géants, les œuvres présentes dans cette exposition étaient déjà en fabrication. Je ne me souviens plus exactement de leur démarrage mais les attaques djiha- distes de janvier 2015 sur Paris ont joué un rôle dans ma décision de tenter de répondre en sculpture, avec une « sculpture en morceaux », à la propagande visuelle de l’Etat islamique.
De tenter de voir ce que peut l'art face à ce cortège d’images d’hommes décapités et dont le projet est de disloquer autant les corps que la pensée. Dans le même mouvement, aller en Afghanistan, c’était être face à l’histoire. L'histoire proche, celle de la destruction des deux Bouddhas géants par les Talibans le 11 mars 2001 et, en miroir, celle des Twin Towers le 11 septembre à New York. Mais aussi l’histoire lointaine, celle d’un pays qui est un palimpseste de civilisations et de religions.
"Portrait de Jeune Homme en Saint Denis", 2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
"Portrait de Jeune Homme Martyr", 2014-2016 de Pascal CONVERT - Courtesy de l'artiste et Galerie Éric Dupont © Photo Éric Simon
De style Gandhara, les Bouddhas de Bamiyan mixent deux cultures, celle aniconique issue des premiers temps du bouddhisme en Inde, et l’art grec laissé en héritage par Alexandre le Grand lors de ses conquêtes.
Les Bouddhas ont résisté à l’installation de l’Islam dans la région, aux invasions mongoles, aux diverses dynasties et roitelets qui se sont succédés et il a fallu entrer dans le XXIe siècle pour assister à leur destruction au nom de la pureté culturelle. Couper une tête, détruire une sculp- ture relèvent d’un même projet.
La richesse du site de Bamiyan tient aux mélanges des strates, ce qui pour les Talibans et fanatiques islamistes en tous genres est signe d’impureté. L’impureté des temps, des styles, l’anachronisme qui ouvre à la transgression, c’est le point commun entre mon projet pour Bamiyan et les oeuvres présentées dans cette exposition. »
Galerie Eric DUPONT
138, rue du Temple
Fr-75003 PARIS
Horaires d'ouverture: du mardi au samedi de 11h à 19h.