Exposition Peinture Contemporaine: Hernan BAS « CREATURE COMFORTS»
"An aversion to arrows (Tunnel of love)", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Du 17 octobre au 30 janvier 2021
« Avril est le mois le plus cruel... » déclarait T.S. Eliot dans son poème La Terre vaine (1922) composé après la vague de grippe espagnole, tandis que Virginia Woolf envoyait sa protagoniste Clarissa, à peine remise de son affection, acheter elle-même des fleurs dans Mrs Dalloway (1925).
Quant à Egon Schiele et Edvard Munch, ils couchèrent sur la toile des autoportraits caractérisés par l’incertitude, la paranoïa et la maladie durant cette pandémie.
"How best to suffer swamp life at dusk", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"EMO support animal", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
La galerie Perrotin présente au public Creature Comforts, la cinquième exposition que la galerie consacre au peintre américain Hernan Bas, dans laquelle figurent treize nouveaux tableaux créés par l’artiste depuis le mois de mars dans son studio de Miami. Un sentiment de tension poétique imprègne les travaux de Bas, réalisés à différentes échelles, de formats plus grands que nature à des dimensions intimistes, reflétant la vaste palette d’émotions éprouvées par leurs protagonistes.
Figures récurrentes de l’univers fastueux assumé de l’artiste, de jeunes hommes adultes peuplent des mises en scène presque surréalistes, empreintes des vestiges d’une angoisse adolescente et d’une fragilité face à la masculinité imminente. Ces dandys blasés à la rémanence et la délicatesse invariables exécutent avec prudence des actes extravagants : ils flirtent avec le danger, valsent avec la mort et se drapent dans la douleur.
Leurs expressions distantes contrastent avec l’intensité qui se dégage de chaque scénario, oscillant entre péril et absurdité. Pris ensemble, ils bousculent le sentiment de confort qui nous était si cher durant le confinement, considération bassement terre à terre, que le pinceau d’Hernan Bas sublime en un univers baroque.
"When the days ahead are not so clear (emotional support fish)", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
"Dinner hour at the little shop of horrors", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Élégance et morbidité se répondent dans Dinner hour at the Little Shop of Horrors, où l’on voit un jeune homme équipé de gants verts hisser la carcasse d’un animal à l’aide d’une chaîne en métal, dans une serre peuplée de plantes carnivores.
L’appétit délicatement barbare des plantes est ainsi apaisé, non pas grâce à l’énorme bloc de viande, mais aux mouches attirées par l’odeur de la chair crue, qui est représentée à la manière de Chaim Soutine.
Dans Hot Seat, un long serpent sus- pendu au plafond vient se lover autour du cou d’un jeune homme, dans une atmosphère sous haute tension. Baignée de tonalités rouges, la pièce contient en arrière-plan un terrarium empli de reptiles. Une lampe incandescente et la chemise assortie du jeune homme complètent cette fournaise, que Bas illumine en s’inspirant de l’Autoportrait en enfer de Munch (1903).
Ces nuances sanguines font écho aux tableaux Three Vampires et Nectar (or the hummingbird enthusiast). Dans le premier, la résonance est évidente : deux jeunes hommes conservent des échantillons de sang de groupe A+ dans des poches médicales afin de nourrir leur chauve-souris domestique.
"Three Vampires", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Dans le second tableau, le rappel de tonalité est trompeur, car il s’agit de bouteilles remplies de nectar suspendues aux branches d’un arbre luxuriant, dans lequel est perché un joyeux jeune homme, lui aussi en train de nourrir son oiseau de compagnie, un colibri à la tête violette. How Best to Suffer Swamp Life at Dusk montre un autre gentleman s’abritant derrière un voile transparent qui, retombant d’un parapluie, masque ses yeux bleus et le protège de moustiques voraces.
Résistant malgré sa légèreté, le voile est déjà constellé d’insectes assoiffés du sang du jeune homme. Comme les autres sujets de l’exposition, ce personnage adopte une attitude entre inconfort et posture, assumant délibérément sa position précaire dans un duel avec des créatures naturelles.
"Nectar (or the hummingbird enthusiast)", 2020 de Hernan BAS - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Perrotin © Photo Éric Simon
Peints par Hernan Bas depuis presque vingt ans, ces Ganymède, Tadzio et Elio des temps modernes incarnent aujourd’hui la transition vers la maturité, symbolisée par leurs gestes d’une abnégation et d’une générosité fatales. Ces jeunes hommes s’exposent aux risques au détriment de leur beauté, qui était jusqu’alors à la fois leur armure et leur parure.
Auparavant esthètes indulgents et romantiques mélancoliques, ils sacrifient désormais leurs fluides vitaux ou leurs demeures, en tentant d’assurer le confort de créatures qu’ils chérissent courageusement.
Dans Adult Security Blanket, l’un d’entre eux orne sa tenue entièrement noire d’une pièce de tissu bleu roi portant l’inscription : « Adult security blanket. If lost return to D. Bell » (Doudou pour adulte. En cas de perte, merci de le retourner à D. Bell).
Cet élément est inspiré d’une trouvaille en friperie appartenant à la collection de l’artiste depuis plus de dix ans. La boîte du doudou original, qui n’est pas représentée dans le tableau, indique : « When all seems to fail, try this ‘true companion’ for comforting consolation... » (Quand rien ne va, faites appel à ce ‘vrai compagnon’ pour vous réconforter...).
Osman Can Yerebakan New York, septembre 2020
Galerie Perrotin
76 rue de Turenne
75003 Paris
Horaires d'ouverture: Du mardi au samedi de 11h00 à 19h00.