"Dream object", 2007 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
Du 2 avril au 21 mai 2016
Bon nombre de mes rêves en lien avec l’art sont en fait un commentaire moqueur sur le monde et la place que j’y occupe. On pourrait considérer que ce Dream Object (objet rêve), qui se compose de minuscules versions de l’ensemble des Dream Objects précédents, représente l’apogée de la série ; ou bien que mon inconscient me met au défi de compresser toutes ces petites choses ; ou qu’il s’agit en fait d’une moquerie miniaturisée des objets eux-mêmes… Qui sait?
La seule nouveauté dans cette pile d’objets est une figurine qui représente Babylone la Grande chevauchant la Bête à sept têtes et dix cornes. L’origine de cette version de la Grande prosti- tuée se trouve dans une affiche psychédélique de Kelley et Mouse de 1967.
Je l’avais ado, bien avant donc de savoir qui était Babylone la Grande et ce qu’elle représentait. En général, ces posters reprenaient des images du tournant du XXe siècle tirées de peintures décadentes du mouvement Art nouveau. Je n’ai jamais vu l’œuvre originale et je ne connais même pas le nom de l’artiste.
"Dream Drawing", 1995 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Drawing", 1998 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object", 1998 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
Dans le Livre des Révélations, le personnage de Babylone la Grande est étroitement lié au monde matériel, à l’achat et la vente de biens. Cette composante anti-matérialiste qui sous-tend le christianisme (ainsi que d’autres religions) lutte au fond de moi-même, et dans notre culture, avec la pure folie débordante de nos inspirations, de notre créativité collective, qui se manifeste dans une surproduction frénétique dont les conséquences sont aussi passionnantes que terrifiantes.
Il y a comme un schisme dans mes propres relations aux biens matériels : d’un côté je collec-tionne et j’entasse toutes sortes de trucs à l’utilité discutable (surtout des images) ; de l’autre, je trouve que la poursuite de biens matériels est répugnante, bien que je sois un peu moins extrême dans mes opinions que Jean de Patmos ou Oussama ben Laden. Je pense que cette tendance se retrouve dans la culture en général et par exemple dans notre goût pour les blockbusters hollywoodiens qui raillent ou oblitèrent notre attachement aux choses matérielles.
"Dream Object", 2015 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object", 2006-2015 et "Dream Drawing", 2015 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object", 2015 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object ", 2005 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
Au début de la série des Dream Objects, j’avais imaginé une seule et unique exposition dans laquelle j’aurais empilé l’ensemble des objets dans une galerie, comme les débris d’une tempête, mère de toutes les tempêtes. Tout autour, j’aurais mis une série de planches de BD inspirés du film Artistes et Modèles avec Jerry Lewis et Dean Martin, dans lequel les rêves de Jerry se réalisent.
Cette histoire se serait transformée en une autre histoire, celle de Salvador Dali, de son chargé des relations publiques et de ses rêves qui se seraient réalisés avec des effets désastreux sur son art. Un peu comme une BD d’horreur des éditions EC Comics avec un artiste accro au boulot en personnage principal, tellement accro qu’il continue à travailler dans ses rêves et devient un zombie esclave de son art…
Mais, au fil des ans, ce but est devenu inaccessible, ou peut-être trouvais-je l’idée un peu faible. D’une certaine façon, cette sculpture est une autre version de mon concept d’exposition original, sans les commentaires en forme de BD ; mais elle ressemble aussi à la salière de Benvenuto Cellini, ce petit objet décoratif dans lequel on a mis tant d’énergie et de savoir-faire qu’il confère à l’empereur qui la possède un peu de son extravagance.
— Jim Shaw, Juin 2008
"Dream Object", 1997 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Drawing", 1998 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object", 2015 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
"Dream Object", 2015 de Jim Shaw - Courtesy Galerie Galerie Praz-Delavallade © Photo Éric Simon
Cet automne, Jim Shaw a investi les espaces du New Museum, New York à l’occasion d’une rétrospective majeure : The End Is Here. Son travail a fait l’objet de nombreuses publications et expositions monographiques au Mass MOCA, North Adams ; Centre Dürrenmatt, Neuchâtel ; Chalet Society, Paris ; Baltic Centre for Contemporary Art, Gateshead ; CAPC Musée d’Art Contemporain, Bordeaux ; MoMA PS1 Contemporary Art Center, Long Island ; Le Magasin, Grenoble ; Swiss Institute, New York ; MAMCO, Genève ou l’ICA, Londres.
Jim a également été inclus dans l’exposition The Encyclopedic Palace à la 55e Biennale de Venise en 2013. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques dont le MoMA, Metropolitan Museum, Solomon R. Guggenheim Museum, New York ; LACMA, Hammer Museum, Los Angeles ; Walker Art Center, Minneapolis ; CNAP/FNAC et le Musée National d’Art Moderne, Paris entre autres. Shaw est né à Midland, Michigan en 1952, a obtenu son BA à l’University of Michigan, Ann Arbor et son MFA à CalArts. Il vit et travaille actuellement à Los Angeles.