Expo Peinture Contemporaine: Hervé Di Rosa "Haut et- bas"
Du 19 septembre au 2 novembre 2013
Hervé Di Rosa (né à Sète en 1959) est un peintre français contemporain, qui fut avec François Boisrond, Rémi Blanchard et Robert Combas l'un des principaux artisans du mouvement français de la « Figuration libre », renouveau de la peinture dans les années 1980, une peinture empruntant souvent à la BD, au rock et au graffiti.
Le modeste et le virtuose, le monstrueux et l’ordinaire, la bande dessinée et la peinture : Hervé Di Rosa joue de la rencontre de registres si différenciés qu’il appelle à la multiplicité, à la prolifération, sous des latitudes artificielles. Jérôme Bosch et Andy Warhol réunis dans une même ronde, dans une même série de planches aux couleurs acides.
Cette accumulation intéresse de près son art, autant dans la collection de figures aux traits grotesques dont il assure la paternité depuis le début des années 1980, que dans la multiplication d’expériences humaines et créatives aux quatre coins du monde, en lien avec nombre d’artisans locaux. La relation qui le lie à Éric Linard, éditeur d’art, est de cet ordre : en 1986, ils élaborent ensemble une première œuvre sérigraphique. Treize voire quatorze passages sur chaque planche seront nécessaires à la réalisation de cette série de haute volée. En 2010, la digigraphie, technologie nouvellement mise au point, aura leur préférence. Hervé Di Rosa et son éditeur partagent cette volonté de mettre à profit les innovations de leur temps.
Cette inscription dans l’époque change également la manière dont a pu travailler l’artiste : en 1986, il reprenait à son compte une technique industrielle, dûment utilisée par les publicitaires, consacrée par l’art hyper médiatique de Warhol ou Lichtenstein. Pour la série la plus récente, le multiple digigraphique est le résultat matériel de l’édition d’un fichier informatique, entièrement composé à la palette graphique – du dessin à la couleur, en passant par de nombreux effets visuels –, dont le caractère vectoriel permet un agrandissement à l’infini, sans pertes.
L’hypertrophie propre à la démarche d’Hervé Di Rosa y trouve un médium à sa mesure. Mais le fourmillement phénoménal du rendu s’appuie avant tout sur un usage de la technologie qui tient de l’artisanal, qui cultive son goût du populaire et parodie la parade du grand art. L’artiste ne renie rien de ce qui fonde son approche, ni son appétit de gourmand immodéré dès lors qu’il s’agit d’artifice et de virtuel, ni la résolution originelle d’en finir avec la hiérarchisation obtus des censeurs. Mieux, il en jouit avec truculence, il gloutonne fièrement et croque son monde burlesque par le menu, avec l’application d’un enfant qui vient de découvrir un trésor. Cela est bien visible dans l’éclatement psychédélique de sa gamme chromatique toute sauf naturaliste, cela rend nécessaire l’usage des effets graphiques les plus connotés, à l’instar des transparences déposées avec l’outil aérosol pour signifier la fumée des bolides de Diromobile, ou du schématisme de ses « glacis » numériques qui donnent du relief à une foultitude de personnages abracadabrantesques de son invention.
Avec le capitaine Di Rosa, les longues vues pointent vers ce qui se trame du côté de Lilliput, là où opère la magie et où les êtres vivent des aventures galvaudées. En 1986, ceux-ci découvraient des nécropoles, faisaient la guerre avec leurs perfides voisins, dans des narrations décousues. Aujourd’hui, ils n’ont pas cessé d’être belliqueux, de s’envoyer en l’air, de faire la course et de s’amuser, en toute insouciance. Toujours ils s’agglomèrent, formant une humanité grotesque prise à parti par une fable haute en couleurs dénuée de morale. Car, entre Hervé Di Rosa et sa création, se rejoue l’omniscience du Père tout-puissant, mais il en va également de la volonté de ne pas dire «je ».
En 1985, il affirmait : « À la limite, je pourrais mourir, on pourrait continuer de la bd à partir de mes personnages, Buddy [son frère Richard, qui travaille à partir de ses croquis et de son univers graphique] pourrait continuer à faire des sculptures ; ce qui m’intéresse, c’est de créer un monde qui pourrait vivre avec une autonomie complète. »Voici la raison pour laquelle il en est autant le voyeur que le voyant, le chef d’orchestre que le spectateur dissipé, l’ordonnateur que le perturbateur. Caméléon dans la jungle à laquelle il donne forme, l’artiste de toutes les hyperboles est donc un vrai modeste qui, pour confondre les genres, les utilise tous.
Tom Laurent Juin 2013
Galerie Djeziri-Bonn Linard Editions
47 rue de Turenne
75003 Paris