"Vierge aux poivrons, Madrid", 1988 de Christine Spengler
Du 6 Avril au 5 Juin 2016
La Maison Européenne de la Photographie présente une rétrospective inédite réunissant les deux facettes, apparemment contradictoires, de l’oeuvre de Christine Spengler, correspon- dante de guerre et artiste : ses photos noir & blanc emblématiques les plus célèbres, et ses créations en couleur plus récentes. Les deux salles consacrées aux photos de guerre sont séparées des salles couleur par une chapelle intime, parsemée de fleurs et de bougies, où figurent les premiers photomontages couleur réalisés en hommage à sa famille alsacienne, et plus particulièrement à son frère bien aimé Éric, disparu tragiquement à l’âge de 23 ans.
"Cimetière des martyrs de Qöm, Iran", 1979 de Christine Spengler
"Femme Palestinienne défendant sa maison", 1982 de Christine Spengler
Le travail de Christine Spengler peut se lire comme une succession d’actes et de scènes où l’histoire intime, familiale, rejoint la grande Histoire, celle des peuples et des nations en guerre. Autodidacte, Christine Spengler compose son oeuvre depuis plus de 40 ans avec courage et passion, et nous livre les clefs d’un monde où le sublime l’emporte toujours sur l’horreur, la vie sur la mort.
C’est cette vision unique, autant que l’éclectisme du travail de Christine Spengler, que la Maison Européenne de la Photographie s’attache à montrer, à travers une sélection de près de soixante clichés argentiques des années 1970 à aujourd’hui, pris avec son Nikon fétiche. Il figurera dans la première salle de l’exposition, au milieu d’éclats de verre, dans une vitrine tapissée de velours noir, avec une burqa rapportée d’Afghanistan, entourée de lys et de roses en signe de deuil.
"Enfants de Londonderry, Irlande du Nord", 1972 de Christine Spengler
"Le départ des américains,Vietnam", 1973 de Christine Spengler
Les années de guerre
Christine Spengler, qui dès son enfance à Madrid savait qu’elle deviendrait écrivain, découvre sa seconde vocation de photographe tout à fait par hasard au Tchad en 1970. Dans le Tibesti en guerre elle réalise sa première image avec l’appareil photo emprunté à son jeune frère Éric : deux combattants armés de Kalachnikovs qui se dirigent, main dans la main, vers le front. Trois ans après, quand Éric se suicide en lui léguant son appareil, Christine Spengler comprend qu’elle est investie d’une mission.
En souvenir de lui, elle deviendra correspondante de guerre, « pour témoigner des causes justes ». De retour à Paris, Göksin Sipadioglu, célèbre fondateur de l’agence Sipa Press, croit en elle et lui donne sa première chance. Elle entame alors un insatiable travail de témoignage, sans jamais se soucier du danger. Toujours du côté des opprimés, que ce soit en Irlande du Nord, au Vietnam, au Liban, en Iran, au Kosovo, ou en Irak, et très récemment encore dans la « jungle » de Calais, Christine Spengler n’a jamais cessé de traquer la vie au coeur des conflits les plus violents de notre époque. Sa condition de femme lui a permis de photographier, sous son voile, des scènes interdites aux hommes, pour produire des images emblématiques qui ont fait le tour du monde.
"Un dimanche dans la jungle de Calais", 2016 de Christine Spengler
Une vingtaine de photographies grand format, en noir et blanc, rendent compte de l’engagement d’une femme qui a délibérément refusé le sensationnalisme et qui, comme Robert Capa, a toujours préféré photographier les vivants plutôt que les morts. Chacune de ces images, prises avec un objectif grand angle 28mm, raconte une histoire : en 1973, quelques heures avant la signature de la paix, une jeune vietnamienne au sourire ironique cire pour la dernière fois de sa vie les bottes des GI’s ; en 1979, dans le cimetière des martyrs de Qöm, deux veuves iraniennes en tchador et lunettes noires luttent contre le vent entre les portraits des victimes de la guerre. Ce qui frappe le spectateur face à ces images, ce sont les visages, omniprésents, des acteurs de ces drames et ce regard frontal qui caractérise le travail de Christine Spengler. Elle ne donne pas seulement vie à ses personnages, elle témoigne contre l’oubli.
"Portrait de Maria Callas", 2013 de Christine Spengler
"Photomontage d'après un portrait de Marguerite Duras", 1994 de Christine Spengler
Les années lumière
Depuis la fin des années 1980, pour exorciser la douleur vécue dans la guerre, Christine, inspirée par sa mère Huguette Spengler, la dernière des surréalistes, et par son enfance au musée du Prado, réalise à chaque retour de reportage un travail plus intime de montages colorés, baroques, à partir de ses photos de famille. Comme un exorcisme, Christine Spengler se confronte aux portraits de ses défunts, les ornemente et les sublime pour les faire accéder à l’éternité.
"La sérénité retrouvée, autoportrait, Alger", 2010 de Christine Spengler
"Marguerite Duras enfant en ménine", 2012 de Christine Spengler
"Ma mère, Huguette Spengler, la dernière surréaliste", 2016 de Christine Spengler
Deux salles éclatantes accueillent les photos couleur, montages oniriques aux innombrables facettes, où se dessine l’univers singulier de Christine Spengler. Entre ses doigts d’orfèvre, les portraits des défunts prennent vie et deviennent des icônes parées de couleurs chatoyantes et de plumes de paon, serties de perles, de coquillages et de piments.
Dans chacun de ces décors, Christine Spengler fait exploser le cadre, magnifie le sujet et démultiplie les objets de la photographie. On y retrouve une galerie de portraits des personnalités solaires qui ont illuminé sa vie, parmi lesquelles Frida Kahlo, Maria Callas, Jeanne Moreau ou encore Marguerite Duras. Dans toutes ces compositions, c’est la lumière, la couleur, la vie qui triomphent, et qui révèlent l’incroyable force d’une artiste qui dit elle-même avoir « trouvé le moyen d’abolir la barrière entre les vivants et les morts ».
La maison Européenne de la Photographie
5/7 Rue de Fourcy
Fr- 75004 Paris
http://www.mep-fr.org
Ouvert au public du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45.