"Le Double Secret", 1927 de René MAGRITTE - Collection Centre Pompidou © Photo Éric Simon
Du 21 Septembre au 23 Janvier 2017
GALERIE 2, NIVEAU 6
L’exposition «Magritte. La trahison des images» propose une approche à ce jour inédite de l’oeuvre de l’artiste belge René Magritte. Rassemblant les oeuvres emblématiques, comme d’autres peu connues de l’artiste, provenant des plus importantes collections publiques et privées, l’exposition offre une lecture renouvelée de l’une des figures magistrales de l’art moderne.
Vue de l'exposition © Photo Éric Simon
Une centaine de tableaux, de dessins, et des documents d’archives, sont réunis pour offrir au public cette approche qui s’inscrit dans la ligne des monographies que le Centre Pompidou a consacré aux figures majeures de l‘art du 20e siècle : « Edward Munch. L’oeil moderne », « Matisse. Paires et séries » et « Marcel Duchamp. La peinture, même ». L’exposition Magritte. La trahison des images explore un intérêt du peintre pour la philosophie, qui culmine, en 1973, avec Ceci n’est pas une pipe que publie Michel Foucault, fruit de ses échanges avec l’artiste.
"This is not a pipe", 1935 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
Dans une conférence qu’il donne en 1936, Magritte déclare que Les affinités électives, qu’il peint en 1932, marque un tournant dans son oeuvre. Ce tableau signe son renoncement à l’automatisme, à l’arbitraire du premier surréalisme.
L’oeuvre, qui montre un oeuf enfermé dans une cage, est la première de ses peintures vouées à la résolution de ce qu’il nomme : un « problème ». Au hasard ou à la « rencontre fortuite des machines à coudre et des parapluies », succède une méthode implacable et logique, une solution apportée aux « problèmes » de la femme, de la chaise, des souliers, de la pluie…. Les recherches appliquées à ces « problèmes », qui marquent le tournant « raisonnant » de l’oeuvre de Magritte, ouvrent l’exposition.
"La Clairvoyance", 1936 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
À l’art de Magritte sont associés des motifs (Rideaux, Ombres, Mots, Flamme, Corps morcelés..), que le peintre agence et recompose au fil de son oeuvre. L’exposition replace chacun de ces motifs dans la perspective d’un récit d’invention de la peinture, de mise en cause philosophique de nos représentations : aux rideaux, l’antique querelle du réalisme qui prit la forme d’une joute entre Zeuxis et Parrhasios ; aux mots, l’épisode biblique de l’adoration du veau d’or qui confronte la loi écrite et les images païennes ; aux flammes et aux espaces clos, l’allégorie de la caverne de Platon ; aux ombres, le récit de l’invention de la peinture relatée par Pline l’ancien.
Le catalogue de l’exposition est publié par les Editions du Centre Pompidou, sous la direction de Didier Ottinger, commissaire de l’exposition.
L’exposition sera présentée dans un format restreint à la Schirn Kunsthalle Frankfurt, en Allemagne du 10 février au 5 juin 2017.
"Le Sourire du diable", 1966 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
DE LA BEAUTÉ HASARDEUSE AUX « PROBLÈMES »
« Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection » écrit Lautréamont dans les Chants de Maldoror. En 1923, confronté à la reproduc- tion du tableau de Giorgio de Chirico, Le chant d’amour, Magritte découvre cette esthétique du choc et de l’arbitraire, caractéristique de la beauté surréaliste. Au parapluie et à la machine à coudre, se sont substitués un gant de caoutchouc rouge et le moulage en plâtre du profil d’un dieu grec. Magritte en est électrisé. Pendant quelques années, il s’essaie lui aussi au rapprochement de jockeys et de bilboquet, de rideaux et de perruques…
Assez vite, à partir de 1927, il réalise ses premiers tableaux de mots, dans lesquels il confronte l’image d’un objet et une définition écrite n’entretenant avec lui aucune relation logique. Ce qui pourrait apparaître comme une déclinaison possible du beau cher à Lautréamont ouvre en fait un chapitre nouveau de la peinture de Magritte.
"Le modèle Rouge", 1935 de René MAGRITTE - Collection Centre Pompidou © Photo Éric Simon
Les tableaux de mots engagent une réflexion complexe quant au statut même des images et des mots, posant la question de leur adéquation aux objets qu’ils représentent. Subrepticement, ces oeuvres mettent en cause la hiérarchie établie par la philosophie, entre les mots et les images, la poésie et la peinture.
Ambitionnant de faire de son art une expression affinée de la pensée, Magritte conçoit bientôt sa pratique comme une démarche raisonnée. C’en est dès lors fini des rapprochements fortuits, hasardeux, arbitraires. Les tableaux de Magritte deviennent aussi rigoureux que des formules mathématiques....Chacun d’eux devient la solution à ce que le peintre désigne comme un « problème » : soit l’élucidation méthodique d’une équation visuelle en laquelle se réconcilie : « l’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de [l] a conscience et la lumière où cette chose doit parvenir. »
"Les vacances de Hegel", 1958 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
SURRÉALISME BELGE ET SURRÉALISME FRANÇAIS
La revendication de rationalité dont témoigne la « problématologie » de Magritte doit tout à la personnalité de Paul Nougè, fondateur du surréalisme belge en 1926. Scientifique de formation, Nougè donne au mouvement une orientation distincte de son homologue parisien : plus « scientiste », rationnelle et matérialiste.
Cette exigence de « conscience » conduit Magritte à faire précocement de son art un outil cognitif, au service de la pensée. Une ambition qui va se heurter aux convictions des surréalistes parisiens, dont le peintre belge se rapproche en 1927, alors qu’ils opèrent ce qu’André Breton nommera bientôt leur tournant « raisonnant ». L’Esthétique de Hegel, à qui ils empruntent sa « dialectique », leur offre la confirmation d’une préséance de la poésie sur toutes les formes d’art. Pour répondre à cet iconoclasme insidieux, Magritte publie en 1929 dans les pages de La Révolution surréaliste, un texte illustré dans lequel il analyse les rapports entre mots et images.
La même année, il peint sa Trahison des images : aveu ironique du caractère mensonger qu’il feint de reconnaître à son art…
Vue de l'exposition © Photo Éric Simon
"Le parfum de l'Abîme", 1928 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
LES PHILOSOPHES
Si les années d’avant-guerre sont celles de sa dispute avec les poètes, Magritte, après la seconde guerre mondiale, rencontre les philosophes. Après avoir écouté ses leçons, Magritte entre en contact épistolaire avec Alphonse de Waelhens, premier traducteur en français d’Être et temps de Martin Heidegger et commentateur de la philosophie de Maurice Merleau Ponty. Avec lui, il engage un débat sur le statut de la peinture. Magritte, à qui Waelhens a suggéré la lecture de L’oeil et l’esprit, lui fait ce rapport : « Le discours très brillant de Merleau-Ponty est fort agréable à lire, mais il ne fait guère songer à la peinture – dont il paraît traiter cependant. Je dois même dire que lorsque cela arrive, il parle de la peinture comme si l’on parlait d’une oeuvre philosophique en s’inquiétant du porte-plume et du papier qui ont servi à l’écrivain. ».
"Le Sens propre", 1929 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
SALLE 2 : LES MOTS ET LES IMAGES
C’est avec les poètes qui constituent l’essentiel des rangs du surréalisme que Magritte engage son premier combat pour la revendication de la dignité intellectuelle de son art : un combat contre la « bêtise (supposée) des peintres » mené avant lui par Marcel Duchamp. Il prend la forme d’une enquête, publiée par la Révolution Surréaliste, sur le statut respectif des mots et des images, sur leur possible substitution. Il s’incarne également dans un tableau : La trahison des images, qui répond à la définition de la poésie, donnée quelques mois plus tôt par André breton et Paul Eluard : « la poésie est une pipe ». Une histoire conflictuelle des mots et des images qui s’enracine dans l’épisode biblique qui voit Moïse fracasser les tables de la Loi devant son peuple en proie à l’idolâtrie des images.
"L'art de la Conversation", 1950 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
"La Magie Noire", 1934 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
SALLE 3 : L’INVENTION DE LA PEINTURE
C’est encore aux ombres que renvoie le récit de l’invention de la peinture par Pline L’Ancien dans son Histoire naturelle. De ce texte fondateur, Magritte retient trois éléments constitutifs de son vocabulaire : la bougie, l’ombre, la silhouette. Originellement « empreinte » du désir amoureux, la peinture devient l’objet d’une interrogation sur la capacité de l’art à restituer le réel.
"La Décalcomanie", 1966 de René MAGRITTE - Courtesy Dr Noemi Perelman Mattis et Dr Daniel Mattis© Photo Éric Simon
"Les Grands Rendez-vous", 1947 de René MAGRITTE - Collection Leslee and David Rogath © Photo Éric Simon
SALLE 4 : ALLÉGORIE DE LA CAVERNE
Aucun texte n’a autant contribué au discrédit philosophique des images, que l’allégorie de la caverne de Platon. Le philosophe y met en scène des prisonniers que leur confinement à l’intérieur d’une grotte trompe sur la réalité du monde.
Certains exégètes y voient une mise en cause de nos représentations, fruits d’une perception tronquée de la réalité, condamnées à n’être qu’un jeu d’ombres, que les conventions et les habi- tudes nous font prendre pour la réalité elle-même. À plusieurs reprises, Magritte a explicitement illustré la fable platonicienne, isolant et recomposant les éléments qui la constituent : feu, perception depuis des espaces clos, grotte ou chambres ou maisons…
"La découverte du feu", 1936 de René MAGRITTE - Collection M et Mme Kaplan © Photo Éric Simon
"La belle Captive", 1931 de René MAGRITTE - Collection Loar of Clive A. Evatt © Photo Éric Simon
SALLE 5 : RIDEAUX ET TROMPE-L’OEIL
Pline l’Ancien a fait des rideaux peints, le motif illustrant le plus parfaitement l’illusionnisme pictural. Rejouant le geste de Parrhasios, les peintres du Siècle d’or hollandais se sont plu à simuler l’existence d’un rideau dissimulant les natures mortes qu’ils reproduisaient avec un réalisme qui confinait au trompe-l’oeil. Vermeer et Rembrandt ont eux aussi usé de ce strata- gème, exprimant leur distance ironique à l’égard de leur virtuosité réaliste. Magritte, le plus réaliste peut-être des peintres modernes, a également fait des rideaux l’attribut récurent de son art.
"Le Souvenir déterminant", 1942 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
"La Folie des Grandeurs", 1967 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
SALLE 5 (BIS) : LA BEAUTÉ COMPOSITE
« Il ne crut pas pouvoir découvrir en un modèle unique tout son idéal de la beauté parfaite, parce qu’en aucun individu la nature n’a réalisé la perfection absolue. » relate Cicéron à propos de la genèse de la peinture d’une créature parfaite par le célèbre Zeuxis, léguant ainsi aux peintres le principe d’une beauté nécessairement composite. Magritte n’aura cessé de réinter- préter cette loi classique d’une beauté fragmentaire, de digresser picturalement à partir des lois harmoniques de la beauté classique, qui devient, sous son pinceau, une Folie des grandeurs.
"L'Éloge de l'Espace", 1927-1928 de René MAGRITTE - Collection Particulière © Photo Éric Simon
"La Trahison des images", 1952 de René MAGRITTE - Collection Charly Herscovici © Photo Éric Simon